Est-ce que les secteurs qui ont du mal à recruter embauchent davantage de cadres en situation de handicap ?

Sylvie Laidet-Ratier

DECRYPTAGE – Et si la « guerre des talents » permettait de booster l’emploi des personnes handicapées ? Voire d’envisager leur plein emploi ? C’est en tout cas ce qu’une étude menée par l’Ifop pour Agefiph laisse entendre. OK mais dans quels secteurs, quels métiers et quelles sont les entreprises qui tendent davantage la main aux personnes handicapées ? Nous avons cherché des réponses. Ce n’est pas si simple…

Une étude menée par l’Ifop pour Agefiph laisse entendre que la pénueir de candidats qui frappent certains secteurs donneraient davantage de chance aux personnes handicapées d'être recrutées.

Est-ce que les secteurs qui ont du mal à recruter embauchent davantage de cadres en situation de handicap ?
Une étude menée par l’Ifop pour Agefiph laisse entendre que la pénueir de candidats qui frappent certains secteurs donneraient davantage de chance aux personnes handicapées d'être recrutées.

Quelle embellie sur le front de l’emploi des personnes handicapées ?

Si on peut se réjouir de la baisse de 6 points du taux de chômage des personnes en situation de handicap en 5 ans (13% à la fin du premier trimestre 2022 selon Pôle emploi), on ne peut que déplorer qu’il reste toujours deux fois plus important que celui de la population active française.

Toutefois, on a quelques raisons d’être optimiste.

  • D’abord, plus de 107 000 personnes handicapées (PH) ont été recrutées au 1er semestre 2022. Soit + 13% en un an, du jamais vu. La pénurie de talents sur certains secteurs plaide visiblement en faveur de cette hausse des recrutements. Dans l’étude Agefiph x Ifop sur « Le plein emploi des personnes en situation de handicap » publiée à l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH), 64% des employeurs interrogés estiment que les difficultés de recrutement pourraient les inciter à embaucher des travailleurs en situation de handicap. Dont un tiers « très certainement ». Et ce, notamment dans les secteurs en tension que sont l’hôtellerie-restauration, le transport et le numérique.

 

  • Autre raison de se réjouir : l’optimisme affiché (et nouveau) par une partie des travailleurs handicapés eux-mêmes. 18% d’entre eux pensent que le plein emploi des PH est possible à horizon 2027. Alors possible ou pas ?
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A chaque SEEPH, son lot de déclarations corporate sur le sujet. Nous en avons repéré quelques-unes :

 

Les entreprises du numérique recrutent-elles davantage de personnes en situation de handicap ?

Avec un objectif de recrutement de 59 200 cadres en 2022 (chiffres Apec) mais 67% de ces embauches estimées difficiles par les recruteurs eux-mêmes, ce n’est rien de dire que les candidats ont l’embarras du choix s’ils cherchent un emploi dans le numérique. Mais quid des candidats qui ont un handicap ? Ne rêvons pas, les chiffres de candidats retoqués n’existent pas. Mais nous avons repéré quelques entreprises a priori vertueuses :

  • L’éditeur de logiciels de paie et RH ADP France affiche aujourd’hui un taux d’emploi de 6% (le taux d’emploi des PH exigé par la loi handicap) contre 0,73% lors de la signature du premier accord handicap. Pour parvenir à un tel résultat (le taux d’emploi des PH dans le secteur privé n’est que de 3,5%, source Dares), l’entreprise multiplie les actions de sourcing de candidats handicapés et développe au quotidien une culture inclusive. Lancée début 2022, la communauté de salariés baptisée « Thrive » organise des ateliers, des sessions de témoignages ou encore des tables rondes pour sensibiliser les salariés aux handicaps divers et variés.
  • Encore loin des 6% de l’obligation légale, Assystem ne ménage pas ses efforts pour atteindre 3,5% de personnes handicapées dans son effectif d’ESN. Son nouvel accord handicap (2022-2025) prévoit l’embauche de 30 PH. Cet objectif avait été dépassé sur le précédent accord. La Charte internationale de la diversité et de l’inclusion du groupe mise également sur des sessions de formation pour les managers et les collaborateurs qui auraient un handicap invisible.
  • Plus largement, pour booster l’insertion des PH dans les métiers du numérique, l’Agefiph et ses partenaires APF France Handicap, le groupe Amnyos, Atlas, les organismes de formation Simplon et WebForce3, viennent de lancer « J’agis ». Ce mouvement s’inscrit dans le cadre du programme THalent digital qui vise à la formation et au recrutement de 500 PH dans les métiers du numérique. Dans la même veine, l’association Diversidays a activé une nouvelle édition de DéClics Numériques à destination des PH. Gratuit et 100% digital, ce programme de deux semaines facilite la reconversion professionnelle vers les métiers du numérique. En moins de 2 ans, 6750 demandeurs d’emploi ont été accompagnés dans ce cadre-là. 20% ont retrouvé un emploi ou une formation dans les 3 mois.

Les entreprises du transport/logistique recrutent-elles davantage de personnes en situation de handicap ?

Le numérique n’est pas le seul secteur en tension à se mobiliser (et à le faire savoir) en faveur de l’emploi des PH. D’ici fin 2022, le Groupe Sterne, spécialisé en transport et logistique, entend doubler son effectif de travailleurs handicapés, en recrutant 30 PH en CDI. Tout en encourageant ses collaborateurs en situation de handicap à se déclarer pour obtenir une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé.

Les industries de hautes technologies recrutent-elles davantage de personnes en situation de handicap ?

Avec un taux d’emploi de personnes handicapées de 6,69%, Thalès Group fait figure de bon élève sur le sujet. Au compteur, 2400 collaborateurs handicapés, dont 1082 ingénieurs et cadres. De quoi tordre le coup à l’idée reçue selon laquelle les employeurs ne peuvent pas recruter de PH car elles n’ont pas le niveau de diplôme et de compétences requis. A la tête de la Mission Insertion du groupe Thalès, Gérard Lefranc ne mâche pas ses mots.

Arrêtons avec le discours “il n’y a pas de candidats donc on ne peut pas atteindre notre obligation d’emploi de personnes handicapées”. Il faut au contraire se fédérer entre entreprises pour accompagner les jeunes lycéens vers des études supérieures qui les mèneront dans nos sociétés. Chez Thalès, nous recrutons environ 27 ingénieurs en situation de handicap chaque année. La moitié sont issus des conventions Atouts pour tous. Les autres sont repérés sur des forum emploi, lors d’échanges avec les écoles. Ou à partir de candidatures spontanées reçues sur la boite mail de la mission insertion. Je ne dis pas qu’il est aisé de faire grimper le taux d’emploi, je dis que c’est tout à fait possible.
Gérard Lefranc, responsable Mission Insertion du groupe Thalès
Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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