Harcèlement sexuel : à quoi la nouvelle loi met-elle le holà ?

Sylvie Laidet-Ratier

DROIT DU TRAVAIL – Parce qu’on sait que vous n’avez pas le temps de checker le Journal Officiel tous les jours, Cadremploi vous explique simplement ce que change la nouvelle loi du 31 mars 2022 pour renforcer la prévention santé au travail en matière de harcèlement sexuel au boulot. Et ce n’est pas rien. Explications avec Élise Fabing, avocate spécialiste en droit en du travail au sein du cabinet Alkemist Avocats et Gilles Riou, psychologue du travail et fondateur du cabinet Egidio.

Il y a harcèlement sexuel lorsqu'un salarié subit des comportements sexistes venant de plusieurs personnes.

Harcèlement sexuel : à quoi la nouvelle loi met-elle le holà ?
Il y a harcèlement sexuel lorsqu'un salarié subit des comportements sexistes venant de plusieurs personnes.

Ils témoignent

  • Élise Fabing, avocate spécialiste en droit en du travail au sein du cabinet Alkemist Avocats
  • Gilles Riou, psychologue du travail et fondateur du cabinet Egidio.

Le sexisme peut désormais être considéré comme du harcèlement sexuel

Jusqu’à présent, le sexisme était un comportement « discriminatoire » condamné sous une forme de harcèlement moral. A partir du 31 mars 2022 et l’entrée en vigueur de la loi pour renforcer la prévention santé au travail, les propos et comportements sexistes sont constitutifs de harcèlement sexuel.

De quoi parle-t-on exactement ? De propos ou de comportements « ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

Le classique « t’as encore tes règles ou quoi ? » est un propos sexiste qui peut désormais être reconnu comme du harcèlement sexuel. Autant dire que les DRH, avocats et autres tribunaux risquent d’avoir du pain sur la planche.

Selon le dernier rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes sur l’état du sexisme en France, près de la moitié des Françaises déclare avoir déjà été victime d’actes ou de propos sexistes au travail. Pire, à cause du sexisme ambiant au boulot, « les femmes renoncent plus souvent à un métier ou une envie professionnelle : cela concerne par exemple une femme sur 4 (27 %) de 25-34 ans », souligne les auteurs du rapport.

 

Le tarif du harcèlement

Rappelons que les auteurs reconnus coupables de harcèlement sexuel ou moral, peuvent écoper au pénal, de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Voire de 3 ans et 45 000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes, type rapport hiérarchiques. En droit du travail, un salarié auteur de harcèlement moral ou sexuel s’expose à une sanction disciplinaire : un licenciement pour faute grave.

« Cette loi précise certains points et en réaffirment d’autres. Mais j’appelle de mes vœux une loi plus dissuasive et contraignante prévoyant des condamnations minimum et un meilleur niveau d’indemnisation pour les victimes », insiste Élise Fabing, avocate spécialiste en droit en du travail au sein du cabinet Alkemist Avocats.

Le harcèlement sexuel de groupe caractérisé


Le harcèlement sexuel peut désormais être constitué :

  • Lorsqu’un même salarié subit des propos ou comportements sexuels ou sexistes venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou pas, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée.
  • Lorsqu’un même salarié subit des propos ou comportements sexuels ou sexistes, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces agissements caractérisent une répétition.

Un exemple ?

« Un calendrier de pompiers affiché dans une salle de pause et qui suscite des blagues salaces en présence de la seule femme du service. Les auteurs de ces blagues ne se sont pas concertés et pour autant l’ambiance est délétère. Ce sont des agissements sexistes, voire sexuels répétés par des individus isolés mais dont personne ne peut dire qu’il ignorait que cela créait un contexte dégradé », illustre Gilles Riou, psychologue du travail et fondateur du cabinet Egidio.

 

La posture des managers face à cette nouvelle donne en matière de harcèlement sexuel

« A tout le moins le 31 mars, les managers doivent informer leurs équipes et leur expliquer ce que cette loi change concrètement. Leur dire d’être encore plus attentifs à ce type d’agissements, de ne rien laisser passer car un « un homme, ça s’empêche », insiste Gilles Riou. Pour ce psychologue du travail, ce temps d’information devrait permettre aux collaborateurs de poser des questions, d’ouvrir le dialogue et de s’interroger sur la poursuite de certains pratiques. Faut-il par exemple laisser le fameux calendrier des pompiers dans la salle de pause ? « Un manager doit ouvrir le discussion tout en restant ferme car on ne transige pas avec la loi », conclut-il.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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