
De l’utilité d’une lettre de motivation
Cadremploi : Les lettres de motivation, vous les lisez vraiment toutes ?
Héléna Djen : « Oui, pourquoi (rires) ? Je cherche à recruter 70 personnes, ce serait manquer de respect que de pas lire les lettres que les candidats prennent la peine de m’écrire. Je fais ce que j’aurais aimé qu’on fasse pour moi quand j’étais candidate. Avant d’être DRH chez AOS, j’ai changé plusieurs fois de job. A chaque fois, je ne postulais pas par hasard et je l’expliquais dans mes lettres de motivation.
J’ai trouvé la boîte qui me projette.
Avant AOS, vous avez occupé 3 postes RH en 4 ans. Que recherchiez-vous ?
HD : Je cherchais une boîte qui me projette, en termes de croissance, de parcours et de carrière. J’ai enchainé énormément de candidatures et d’entretiens. Mais toujours avec le CV et la lettre de motivation impeccables qui traduisaient vraiment qui je suis. Et j’ai fini par trouver.
Avoir un CV et une lettre de motivation impeccables, ça vous a vraiment servi ?
HD : En tous cas, à chaque entretien, on me parlait de ma lettre ! Il faut dire que je l’adaptais à chaque boîte pour démontrer comment ma personnalité pouvait feeter avec leur projet. Moi-même, lors de mes expériences RH précédentes, je mettais toujours un point d’honneur à lire toutes les lettres de motivation. Je continue chez AOS.
Quels avantages trouvez-vous à la lettre de motivation que beaucoup de recruteurs pensent inutile ?
HD : Elle donne plein d’indices sur le candidat ! Par exemple, ses constructions de phrases révèlent sa logique et son orthographe. Ensuite le storytelling – la façon dont il se raconte – m’influence pour les profils commerciaux et marketing, qui sont des métiers de relations, moins pour les métiers techniques (dév Web par exemple).
J’ai envie de rencontrer les candidats qui tiennent compte de nos valeurs.
Recevez-vous de « bonnes » lettre de motivation ?
HD : oui, j’en reçois qui me font ressentir qu’un être humain l’a écrite. Peu importe le style ou la longueur tant qu’elle reflète un moment d’écriture personnelle. Quand je lis qu’un candidat a perdu son job à cause de la crise, je n'y suis pas insensible. Un CV peut être froid comme une todo-liste, pas une lettre de motivation. J’ai pensé à la rendre obligatoire mais j’hésite.
Est-ce qu’il faut respecter le fameux plan « vous / moi / nous » quand on vous écrit ?
HD : pas forcément mais si le candidat respecte le cadre formel, c’est juste le signe qu’il sait qu’il y a des règles.
Une boîte altruiste
Quels profils de candidats correspondent à AOS ?
HD : J’ai envie de rencontrer ceux qui tiennent compte de nos valeurs. Altruisme, humilité, esprit d’équipe, solidarité, écoute, empathie… ce ne sont pas que des mots. Quand j’ai moi-même postulé ici, j’étais étonnée de rencontrer des gens aussi gentils (rires). Ça ne m’était jamais arrivé à ce point. C’est le projet de boîte qui veut ça.
Altruisme ! Mais vous n’êtes pas une association caritative…
HD : non bien sûr mais l’altruisme d’AOS, c’est de vouloir rendre service à quelqu’un. En l’occurrence, à ceux qui gèrent des appels d’offres dans le secteur du bâtiment. Il faut savoir qu’un appel d’offres prend un temps fou. C’est 8 à 12 mois de travail pour des ingénieurs, avec des tâches hyper fastidieuses. La plateforme est née pour cette raison, pour simplifier leur quotidien. Avec notre logiciel, il y passera 3 à 4 mois même pas à temps plein car la plateforme avance pour lui. Malgré une digitalisation balbutiante dans le BTP, la plateforme compte 50 000 utilisateurs en France. C’est beaucoup en si peu de temps…
Le dirigeant a fait un burn-out
L’un des fondateurs a fait un burnout avant de créer AOS. Est-ce que cette expérience influence sa façon de diriger ?
Alexandre Brochot a fait un burnout et ne s’en cache pas [voir son TEDx]. C’était son métier de gérer des appels d’offres et il s’est épuisé dans ce job. Son altruisme à lui, ça a été de créer cette plateforme pour que ça n’arrive pas à d’autres ingénieurs comme lui. Se mettre au service de l’autre, faire preuve de solidarité, d’écoute et d’empathie, c’est ce qu’il nous demande de faire, aussi bien en interne qu’avec nos clients. C’est une manière de bosser au quotidien et on est tous venus pour cela.
Le BTP, un secteur désuet mais…
Le BTP a une image de secteur désuet. Est-ce compliqué pour AOS d’attirer des candidats ?
HD : c’est vrai que le BTP n’a pas l’image d’un secteur qui a franchi le cap du digital. Nous ciblons des populations jeunes entre 27 et 35 ans d’où l’importance de nous rendre visible en tant que scale-up donc comme entreprise non seulement digitale mais aussi utile socialement parlant.
Qui peut postuler ?
Quels profils cherchez-vous à attirer en particulier ?
HD : Outre les développeurs, comme tout le monde, ou les UX designers, nous devons attirer des ingénieurs d’affaires pour ouvrir de nouvelles régions ou en renforcer d’autres comme Paris, Nice, Montpellier ou Bordeaux. Sans parler de l’international : je recherche des commerciaux pour démarcher la Suisse, le Luxembourg et la Belgique. Et ce sont des CDI au statut cadre car tout le monde est autonome et responsabilisé à ces postes. Nous cherchons des prospecteurs téléphoniques, qui auront aussi le statut cadre.
Et les free-lances ?
HD : notre nouveau responsable growth est un ancien free-lance passé en CDI. Globalement, nous cherchons plutôt à travailler avec des CDI qu’avec des free-lances car nous avons besoin de personnes engagées à 100% dans le projet.
Attirez-vous des profils grandes écoles ?
HD : nous avons embauché des ESTP et des Arts et Métiers par exemple. Ils nous connaissaient car leurs profs leur avaient parlé de notre logiciel dans les cours sur les appels d’offres. La cooptation marche aussi très bien chez nous. On offre une prime de 300 euros à un collaborateur si un CDI est signé grâce à sa recommandation.
Nous sommes en hypercroissance mais nous veillons à bien grandir.
Vous cherchez à « mixer » les profils, c’est-à-dire ?
HD : nous visons d’abord la parité – pour le moment, 47% de femmes ce qui n’est pas si mal dans un secteur du BTP notoirement à majorité masculine. Mais notre comité de direction comprend 4 femmes et 5 hommes, avec des niveaux de séniorité différents. Et je veille aussi à mixer les origines, les études, la culture… Nous sommes en hypercroissance mais nous veillons à bien grandir. Avec des profils différents qui vont apprendre les uns des autres. Nous sommes bien sûr ouverts aux candidats qui ne viennent pas du BTP.
A quel salaire s’attendre chez AOS ?
Et côté salaire, comment vous situez-vous par rapport au marché ?
HD : nos rémunérations sont au niveau du marché. Pas de sur-promesse chez nous, on attire pour l’épanouissement professionnel vu l’intérêt de notre mission.
Le process de recrutement
En quoi consiste le process de recrutement chez AOS ?
HD : il est plutôt classique. Nous sélectionnons sur CV et lettre de motivation. Puis sur entretien. Le candidat rencontre d’abord un RH puis passe un cas pratique. Rien de complexe puisqu’il y passe entre 45 minutes et une heure. C’est une bonne base de débriefing pour l’entretien suivant avec le manager. Et on termine par une rencontre avec l’équipe qui va également donner son avis. Mais c’est le manager qui décide au final.
Le conseil en +
Un dernier conseil aux candidats qui voudraient postuler chez AOS ?
HD : Ayez une posture ouverte. Poser des questions sur AOS dans une lettre de motivation, je trouve ça exceptionnel. Posez-moi des questions pendant l’entretien sur la façon dont nous faisons vivre tout ça. Cela prouvera votre curiosité, c’est vraiment ce que je recherche.
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.