
Ils témoignent dans cet article :
- Iris Gascoin, responsable communication et référente diversité et inclusion au sein du studio Ubisoft Bordeaux
- Pierre Escaich, directeur du programme Talents chez Ubisoft
Pourquoi Ubisoft propose des stages aux profils neuroatypiques
Début janvier, Ubisoft a posté une offre de stage un brin atypique « Ubisoft Bordeaux recrute 2 stagiaires neuroatypiques » sur ces profils en ligne. Le tout accompagné par le cabinet Autypik.
Exemples de messages diffusés sur les réseaux sociaux signalant les stages proposés par Ubisoft aux neuroatypiques :
Exemples d'offres de stage diffusées sur les réseaux sociaux

C’est un des piliers de notre politique inclusion et diversité. Dans l’industrie du jeu vidéo et chez Ubisoft, on retrouve beaucoup de personnes neuroatypiques : autistes, dyslexiques, TDAH, etc.Iris Gascoin, responsable communication et référente diversité et inclusion au sein du studio Ubisoft Bordeaux.
Qui sont les personnes neuroatypiques ?
Les personnes neuroatypiques peuvent présenter divers troubles et difficultés liés à leur développement cérébral atypique. Ces troubles incluent les TSA (Troubles du spectre de l'autisme, y compris le syndrome d'Asperger*), les troubles "Dys" tels que la dyslexie, la dyspraxie, la dyscalculie, le TDA/H (Trouble déficit de l'attention /hyperactivité), le haut potentiel intellectuel (HPI)**.
Selon leur trouble, les interactions avec les autres, le rythme de travail ou la vie en open space peuvent perturber ces personnes nauroatypiques. De ce fait, leur adaptation à la vie en entreprise peut être plus difficile. D’où l’importance pour l’employeur de connaître le trouble de la personne afin de lui proposer le poste le plus adapté à ses compétences et respectueux de ces capacités afin qu'elle puisse performer.
A noter :
* Le cabinet Autypik signale que le terme “Asperger” ne figure plus dans les classifications reconnues internationalement (DSM et CIM) depuis 2013. Le corps médical, aussi bien que la plupart des personnes concernées, parlent désormais de “trouble du spectre de l’autisme” / “personnes autistes” / “spectre autistique”. Pour plus de détails sur ce changement de classification, vous pouvez consulter ce lien.
** les personnes HPI ne sont pas concernées par les services du cabinet Autypik.
Quand la différence devient un atout
Combien sont-ils chez Ubisoft ? L’entreprise ne communique pas de chiffre.
En octobre dernier a été organisé un mois de sensibilisation à la neurodiversité ouvert à tous les salariés, avec des tables rondes, des témoignages de salariés… qui expliquaient leur quotidien en tant qu’autiste par exemple.
Pour l’éditeur de jeux vidéo, la neurodiversité est un avantage concurrentiel évident. Car pour imaginer des jeux toujours plus créatifs, il faut être capable de sortir du cadre, de penser autrement.

Les collaborateurs TDAH « pensent out of the box ». « Les « dys » ont une capacité pour visualiser la 3D supérieure à la moyenne.Pierre Escaich, directeur du programme Talents chez Ubisoft
De la discrimination positive qui n’exclut pas l’embauche d’autres candidats
Quand on fait remarquer à la team d’Ubisoft que ces offres sont en fait de la discrimination positive, elle ne botte pas en touche. D’abord en remettant la neurodiversité dans un contexte emploi.
« C’est un appel du pied à ces personnes qui se peuvent se sentir exclues du marché du travail. Qui n’osent pas postuler car inquiets par ce qu’ils pourraient trouver dans l’entreprise. Là, dans l’annonce, on détaille l’environnement de travail, les collègues, les horaires, les méthodes de travail… afin de les mettre dès le début en confiance. L’idée est de pouvoir les rencontrer pour évaluer leurs compétences mais ces offres ne nous engagent pas à embaucher des candidats neuroatypiques », précise Iris Gascoin.
Ce test implique évidemment que des tuteurs et les managers des futurs stagiaires soient formés à la neurodiversité. Histoire de ne pas demander à un salarié dyslexique de rédiger les compte-rendu de réunion. Ou de ne pas installer un hyper sensible au plein milieu d’un open space au risque de voir sa performance se réduire de moitié. A partir du moment où il les a recrutés, Ubisoft part du principe que c’est à l’employeur de s’adapter à tous ces profils différents et pas l’inverse.
Des salariés neuroatypiques pas tous reconnus travailleurs handicapés
« Légalement, la plupart des neuroatypiques sont considérés comme handicapés mais tous ne font pas la démarche de cette reconnaissance. Et puis, l’hyper sensibilité n’est pas pour l’heure reconnue comme un handicap. Pourtant, ces profils ont besoin d’un accueil différent, de certains matériels comme les casques anti-bruit… Cela nous apprend à être meilleur dans l’accueil des nouvelles recrues et pour tous nos collaborateurs en général. Donc cela participe à notre performance », ajoute Pierre Escaich, lui-même père de deux enfants neuroatypiques.
Il est important de préciser que les neurodivergences ne sont pas une excuse, mais une explication.Pierre Escaich
Des communautés dédiées aux neuroatypiques
Sur la neurodiversité au boulot, Ubisoft n’a pas attendu la publication de ces offres pour prendre le sujet à bras le corps. « 18% des développeurs de jeux vidéo se déclarent neurodivergents », précise Pierre Escaich. Et l’éditeur de jeux ne fait pas exception à la règle.
Parmi les 7 « groupes ressources » d’employés existants (au niveau monde) dirigés par des collaborateurs bénévoles, l’un d’eux s’est formé en 2020 autour du sujet de la neuroatypie. En France, ils sont 140 inscrits à ce groupe appelé GRE Diversity et est ouvert à tout le monde.
« L’objectif de ce groupe est double. Sensibiliser les autres à la neurodiversité lors de conférences avec des intervenants extérieurs. On a par exemple pu écouter Judy Singer, la sociologue australienne, initiatrice du concept de neurodiversité. Ce groupe est également une communauté de partage d’expérience et d’entraide. Sur Teams, nous avons plusieurs canaux thématiques, l’un pour les dys, un autre pour les autistes, un autre encore pour les parents d’enfants neurodivergents, etc… C’est de la pairaidance. On y créé de la sécurité psychologique afin que les salariés puissent apprendre et être performants. Leur témoignage sont très courageux. On y parle vie quotidienne mais aussi de tips au boulot. Par exemple, le genre de musique écouté pour se concentrer », résume Pierre Escaich. En France, la taille de ce groupe ressources ne cesse d’augmenter chaque mois.
La preuve que les actions mises en place par l’employeur encouragent davantage qu’elles ne découragent les salariés neuroatypiques.
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.