Ils témoignent : ces cadres inscrits pour la première fois au chômage en 2020

Sylvie Laidet-Ratier

TEMOIGNAGES - Victime collatérale de la crise du Covid, poussé indirectement vers la sortie, ou candidat volontaire au départ, les trois cadres que nous avons interrogés se retrouvent tous au chômage pour la première fois de leur vie. Entre soulagement et angoisse, Olivier, Véronique et Paul nous racontent, comment ils vivent cette situation au quotidien. Une coach livre ses réactions après lecture de ces témoignages.
Ils témoignent : ces cadres inscrits pour la première fois au chômage en 2020

Olivier*, 30 ans : inscrit au chômage depuis septembre 2020

Précédent poste : responsable communication

La fin de contrat

Dernier arrivé, premier parti ! A peine un an après sa prise de poste dans une chaine sportive, Olivier fait les frais de la crise sanitaire et se retrouve fin septembre au chômage. « Dans la communication, on est sur le terrain, on interagit avec les gens en permanence, et là, vlan !  Du jour au lendemain, je me suis retrouvé chez moi inactif. Avec peu de contact en journée car mes copains bossent donc ils ne sont pas dispos. C’est très dur », raconte-t-il.

L’inscription à Pôle emploi

Le lendemain de sa fin de contrat, il s’inscrit donc en ligne à Pôle emploi. A sa grande surprise, les démarches sont rapides. Mais il lui manque des bulletins de salaire et une attestation employeur. La galère car la boite concernée n’existe plus. Après de multiples démarches, il finit par l’obtenir. Ces droits au chômage peuvent enfin être calculés. Et il perçoit sa première allocation mensuelle de retour à l’emploi (ARE) début novembre. « Je suis passé de 2500 euros à 1500 euros de revenus par mois. Pour amortir le choc, j’ai fait la démarche de réviser à la baisse mon taux d’imposition pour le prélèvement à la source. Sinon cela amputait encore de 5% mon allocation chômage », précise le trentenaire. « Si je ne vivais pas en couple, toutes mes allocations chômage serviraient à payer mon loyer. Ce serait donc impossible. Là, on fait attention. Pour Noël, on aimerait faire plaisir à nos proches, mais compte tenu de l’incertitude sur ma durée de chômage, on va être très prudents », reconnait-il.

Son quotidien au chômage

Pour garder le moral en chute libre, Olivier court, marche, fait des abdos au quotidien. « Au chômage et confiné, c’est dur de garder le rythme. On se couche de plus en plus tard, du coup on se lève aussi plus tard… Pour retrouver un vrai timing professionnel, je m’impose de suivre des formations en ligne – par exemple sur la suite Creative Cloud-, et puis, bien sûr, je réponds à des offres et je suis à fond sur des démarches réseau. J’ai envie de continuer à bosser dans le domaine du sport mais les saisons sportives ne repartiront qu’à l’été 2021 selon moi. Alors, j’élargis le spectre de mes recherches notamment au secteur de la santé, en ce moment très porteur », illustre-t-il.

Le retour à l’emploi

Récemment, après de multiples entretiens et la livraison d’une étude de cas, la DRH d’une ESN (comme on ne les aime pas), lui a confirmé son embauche de manière orale. Olivier s’enflamme et y croit. Et puis, silence radio. « 10 jours plus tard, j’ai reçu un mail m’indiquant que la boîte allait finalement externaliser sa communication et donc qu’elle n’avait plus besoin de moi. J’étais furax. Crise ou pas, ce n’est quand même pas des façons de traiter les candidats. J’ai passé des coups de fil dans le vide pour finir par m’entretenir avec la DRH, un peu gênée aux entournures, mais sans plus. Je suis très déçu car je m’étais projeté dans le poste », conclut-il amer mais quand même prêt à passer à autre chose.

L’œil de la coach Mikaella Amar sur le rapport d’Olivier au chômage

« Outre une perte financière considérable qui aurait pu le plonger dans une situation encore plus difficile s’il n’y avait pas un deuxième salaire dans le couple, Olivier a été confronté aux difficultés administratives d’incription à Pôle emploi, pour lesquelles, il faut être plus que réactif, voire ingénieux ! On a ici un cadre trentenaire appartenant à une génération combattive qui doit désormais composer avec un marché de l’emploi diffèrent. Olivier essuie les épreuves, déceptions, et autres désagréments et dans le même temps, il se redécouvre, se nourrit d’expériences et élargit son scope de recherche,. Il s’ouvre à la polyvalence, apprend à ses dépens les déconvenues des recrutements gérés au rythme tendu du contexte actuel, s’ajuste de fait aux nouvelles méthodes RH, acquiert de nouvelles compétences, s’adapte tout en continuant à persévérer dans ses recherches. Olivier devrait établir un bilan de ses faiblesses pour les transformer en forces ».

Véronique*, 51 ans : inscrite au chômage depuis septembre 2020

Précédent poste : cadre dans le secteur financier

La fin de contrat

Depuis sa plus tendre enfance, Véronique redoutait de se retrouver au chômage. Sa peur ? Etre isolée, montrée du doigt… Et pourtant, c’est elle, qui n’en pouvant plus de son boulot, a négocié une transaction. « J’étais dans la boîte depuis 9 ans, mes boss étaient très satisfaits de mon boulot mais je n’avais jamais été promue. Pire, mes N+1 et N+2 étaient uniquement dans le jeu politique et donc très peu légitimes à mes yeux.  Donc en juillet 2019, je suis allée les voir en disant « soit je suis promue », « soit on se sépare en bons termes » car je ne me voyais pas continuer à pédaler en fond de cale comme ça », raconte-t-elle. En lieu et place de séparation en bonne intelligence, son employeur fait pourrir la situation en attendant qu’elle craque et démissionne. Après s’être tournée vers un avocat, Véronique change son fusil d’épaule en se payant un coaching. Objectif : reprendre confiance en soi. « Ainsi, j’ai pu imposer mon calendrier et négocier de bonnes conditions de départ », ajoute-t-elle. Au chômage depuis septembre 2020, Véronique se dit « soulagée » et « sereine ».

L’inscription à Pôle emploi

« Compte tenu de mon activité de niche dans le secteur de la finance, je n’attends pas d’accompagnement particulier de Pôle emploi. Mais je dois reconnaitre que l’inscription administrative a été facile », précise-t-elle. Ayant négocier une transaction (donc un chèque de départ), Véronique ne perçoit toujours pas d’allocation chômage et est donc sans revenu depuis septembre. « Peu importe. Je suis libre car je n’ai plus à faire le dos rond, à rentrer dans un moule, à jouer un jeu qui ne me convient pas », argumente-t-elle.

Le retour à l’emploi

Très affectée par sa précédente expérience, dans l’immédiat Véronique n’envisage pas un retour au salariat mais plus une activité de consultante.

L’œil de la coach Mikaella Amar sur le rapport de Véronique au chômage

« Son inscription à Pôle emploi, ce qu’elle redoutait, s’est finalement déroulée dans une suite logique et non comme un sentiment d’échec, de changement de statut social. Aujourd’hui, elle se projette différemment et est satisfaite de ses choix. Pas simple pourtant de renoncer à un salaire important, elle est même disposée à renoncer au statut sécurisant du salariat pour faire le choix d’être consultante. Pendant les négociations de départ, un bon accompagnement extérieur sécurise l’aspect financier et émotionnel mais prépare aussi à l’après ».

Paul*, 44 ans : inscrit au chômage depuis mars 2020

Précédent poste : cadre dans un laboratoire pharmaceutique

 

La fin de contrat

Si vous demandez à Paul comment il vit sa période de chômage, il vous répondra d’emblée en précisant qu’il est « en recherche d’emploi » et qu’il la vit très bien. Et pour cause, après 12 ans dans un grand groupe à sillonner le monde, Paul a préparé sa sortie. « Depuis quelques années, il y avait des réorganisations sans cesse, je trouvais qu’on manquait de vision, les investissements tardaient à venir, etc. Et puis, je voyais autour de moi des gens se faire « dégager » en quelques minutes. Ils rentraient dans un bureau à 9h et repartaient définitivement avec leurs cartons quelques heures plus tard. Sans rien ! », raconte-t-il. Sous contrat de travail local, Paul négocie d’arraché pied un contrat en droit français afin de cotiser pour le chômage et donc de bénéficier d’une protection sociale le moment venu. C’est aujourd’hui chose faite et Paul vit plutôt bien sa période de « recherche d’emploi ».

L’inscription à Pôle emploi

Son inscription à Pôle emploi et les échanges avec les conseillers du service public de l’emploi lui semblent convenables. Ayant négocié un outplacement, il ne juge pas utile de suivre les ateliers et autres prestations Pôle emploi. « Depuis le début, je connais le montant de mon allocation chômage et le calendrier des versements donc c’est rassurant », ajoute-t-il.

Son quotidien au chômage

Au quotidien, Paul reçoit des appels de chasseurs de tête mais il souhaite prendre son temps pour trouver « LE poste » dans une structure innovante. Pour cela, il réseaute et ne cache pas sa non-activité. Au contraire. « Je n’ai pas honte d’être au chômage car je m’y prépare depuis de nombreuses années », conclut-il, confiant pour la suite de sa carrière. En attendant, il prend enfin le temps de s’occuper de ses deux filles.

L’œil de la coach Mikaella Amar sur le rapport de Paul au chômage

« Paul vit son nouveau statut social de « chômeur » de manière positive car c’est un choix délibéré. Il avait la possibilité d’attendre et de rester dans cette importante entreprise avec un salaire confortable ou bien de partir et d’organiser son départ. Or, attendre c’est subir, s’affaiblir et prendre le risque de se voir débarquer a un moment où l’on n’est pas prêt ni émotionnellement ni professionnellement. Décider de partir comme Paul, c’est s’organiser, se préparer, se projeter, avancer et sécuriser la dimension financière de cette solution. Du coup, Paul vit cette période comme un moment de réflexion, de « reset » professionnel et en profite pour s’épanouir aussi personnellement».

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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