Contre l'"impact washing", les conseils de Frédérique Jeske pour repérer les employeurs vraiment engagés

Raïssa Charmois

INTERVIEW - Face à la montée de l’"impact washing*", Frédérique Jeske donne des clés pour distinguer les entreprises réellement engagées des simples opérations marketing. Découvrez les recommandations de cette experte du développement (réellement) durable, inspirées de son guide 'Devenir une entreprise à impact' . Et préparez-vous à partir en quête de votre prochain employeur en évitant les pièges.

L'époque est à l’engagement social et environnemental dans les entreprises. Pour ne pas prendre des vessies pour des lanternes, le guide de Frédérique Jeske guide employeur et citoyen sur la voie de l'impact vertueux.

Contre l'"impact washing", les conseils de Frédérique Jeske pour repérer les employeurs vraiment engagés
L'époque est à l’engagement social et environnemental dans les entreprises. Pour ne pas prendre des vessies pour des lanternes, le guide de Frédérique Jeske guide employeur et citoyen sur la voie de l'impact vertueux.

Le sens du travail, les nouvelles formes de collaboration, le désengagement ou la mobilisation des salariés : ces questions sont au cœur du dernier livre de Frédérique Jeske, fondatrice du cabinet USKOA, spécialisé dans la transformation durable. Intitulé "Devenir une entreprise à impact. Carnet de bord d’une RSE performante" (éditions Eyrolles), ce guide offre des outils pratiques pour transformer les entreprises en acteurs de changement durable.

Dans cette interview accordée à Cadremploi, Frédérique Jeske nous aide à distinguer les entreprises réellement engagées des simples opérations d’"impact washing". Un éclairage bien utile pour les cadres exigeants.

En quoi le modèle d’entreprise à “impact positif” est une évolution presque impérative pour les acteurs économiques ? 

Frédérique Jeske : Aujourd’hui, les entreprises n’ont plus le choix. Elles doivent changer de paradigme et viser la performance globale - économique, environnementale et sociale -, et non plus la seule performance financière traditionnelle. Diminuer ses externalités négatives – c’est la définition de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) - ne suffit plus. Il importe de contribuer à la société par un impact positif. De nombreux facteurs poussent les entreprises : la responsabilité légale - depuis la Loi Pacte de 2019 -, la réglementation européenne en termes de critères ESG - Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance -  qui s’applique à des entreprises de taille de plus en plus petite, les appels d’offre publics et privés qui exigent des engagements sur ces mêmes critères. En jeu ? L’attractivité de l’entreprise, auprès de l’ensemble de ses parties prenantes, collaborateurs, candidats, clients, fournisseurs, financeurs et médias. Chercher l’impact positif permet de challenger la marque employeur - la question du sens du travail étant intergénérationnelle -, de stimuler l’innovation en anticipant les mutations numériques, sociétales et les nouvelles attentes des consommateurs.  Le risque aujourd’hui est de ne pas prendre le virage de la contribution au bien commun

* Le terme "impact washing" fait référence à la pratique trompeuse des entreprises qui prétendent avoir un impact positif sur des enjeux sociaux ou environnementaux sans réellement agir de manière substantielle. C'est une forme de greenwashing appliquée à l'impact sociétal plus large.

Quels conseils donneriez-vous aux cadres qui, nombreux, souhaitent rejoindre une entreprise engagée ?  

F.J. : : Pour s’y retrouver et tenter d’échapper à l’«impact washing », un cadre peut, dans sa recherche, sélectionner les entreprises selon leur modèle. Je rappelle que le secteur de l’ESS, qui rime avec recherche d’impact, représente 10 % du PIB français et 200 000 salariés dans des associations, des fondations et coopératives. Le modèle de l’entreprise à mission, unique en France, incarné par des entreprises comme la Camif, Alenvi ou Amicio, exige d’inscrire la raison d’être dans les statuts et de définir des objectifs extra-financiers précis et concrets et des indicateurs de suivi. Un double contrôle est assuré par un comité de mission interne à l’entreprise et un organisme tiers indépendant. Pour un candidat, ce sont des preuves concrètes. Les labels RSE, du type B Corp ou Lucie, témoignent aussi de la recherche d’une véritable transformation du modèle de l’entreprise. Les mouvements collectifs, comme la Convention des entreprises pour le climat, le Grand défi ou le récent écosystème Regen, rassemblent des acteurs économiques qui visent l’impact positif. L’engagement des dirigeants, par exemple dans le cadre du Centre des jeunes dirigeants, atteste également de la volonté d’embarquer l’entreprise dans une mutation profonde.

Lors du process du recrutement, je conseille aux cadres de questionner l’incarnation de l’engagement de l’entreprise et de demander des preuves, des actions concrètes. Comment les salariés sont-ils impliqués dans les réflexions ? Quelles initiatives sont mises en place, en matière de transition écologique et sociale ? Il est très simple de vérifier si le recruteur y croit et dans quelle mesure la recherche d’impact est réellement vécue dans l’entreprise.

A vous lire, l’impact ne se résume pas à une question de secteur d’activité ?

F.J. : Je confirme. La question du “sens” relève de l’intime. Elle est propre à chaque personne. Certaines sont portées par une cause - la lutte contre les discrimination, le handicap, la sauvegarde des forêts. Dans leur recherche, elles cibleront les ONG, associations ou entreprises dont l’objet social répond à la cause qui les mobilise.

D’autres souhaitent rejoindre une entreprise qui, peu importe son secteur, est engagée de façon concrète, que ce soit dans la semaine de 4 jours, le care management, l’ouverture du capital aux salariés, les mobilités douces, la réduction de l’empreinte carbone, etc. La question de l’engagement et de l’impact est plurielle. 

Comment envisagez-vous l’avenir des entreprises à impact positif, dans notre contexte  d’accélération exponentielle et d’arrivée massive de l’IA ?

F.J. : Sur la question de l’accélération, savoir prendre le temps, pour un dirigeant ou une entreprise, de définir sa vision, ou pour un candidat, sa « légende personnelle », pour reprendre les mots de Paulo Coelho, me parait primordial. Les deux vont de pair. C’est parce qu’une entreprise aura pris le temps de savoir où elle pourra attirer des cadres en recherche de sens et les fidéliser.

Quant à l’IA, je ne pense pas qu’elle remplacera l’humain. L’enjeu est de devenir une entreprise augmentée qui utilise l’IA comme un nouvel outil au service de la véritable intelligence, humaine. Selon moi, les entreprises à impact ont une longueur d’avance, elles qui ont mis l’humain, les relations, la planète, et pour certaines, le vivant – dans son acception la plus large -, au centre.

Qui est Frédérique Jeske ?

Frédérique Jeske a occupé divers postes de DG et mènent aujourd'hui en parallèle plusieurs activités associatives et de conseil. Parmi ses derniers postes, elle a été successivement directrice générale du groupe UPE13 (Medef), de Réseau entreprendre et de la Ligue contre le cancer. En 2022, elle a créé son entreprise de conseil en transformation, Uskoa Partners, et a co-fondé Senior For Good, une association citoyenne de valorisation et promotion de la place des professionnels de plus de 50 ans dans l’entreprise.

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Tags : Livre
Raïssa Charmois
Raïssa Charmois

Mes multiples activités me donnent accès au monde des entreprises et à ses cadres. J'observe, j'interroge, j'analyse et j'ai proposé à Cadremploi de publier le fruit de certaines de mes enquêtes.

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