Inclusion des LGBT+ : les difficultés persistent en entreprise

Aurélie Tachot

ACTU DIVERSITÉ – Les entreprises ont beau multiplier les initiatives en faveur de l’inclusion des personnes LGBT+, elles ne récoltent pas encore le fruit de leur travail. La 3e édition du baromètre LGBT+ mené par L’Autre Cercle et dévoilé dans le cadre du « mois des fiertés » révèle même une situation plus inquiétante : le climat s’aggrave en entreprise et les discriminations comme les agressions à l’encontre des LGBT+ augmentent. Un résultat d’autant plus surprenant que les enjeux liés à la RSE sont sur toutes les lèvres depuis la pandémie du Covid-19.

Un tiers des personnes LGBTQ+ ont été victimes d'au moins une agression LGBTphobe dans leur organisation, selon le baromètre L'Autre cercle/Ifop

Inclusion des LGBT+ : les difficultés persistent en entreprise
Un tiers des personnes LGBTQ+ ont été victimes d'au moins une agression LGBTphobe dans leur organisation, selon le baromètre L'Autre cercle/Ifop

Ils témoignent

  • Alain Gavand, directeur du cabinet de recrutement éponyme et vice-président de l’association L’Autre Cercle.
  • Delphine Pouponneau, directrice diversité et inclusion du groupe Orange
  • Valérie Hallouin, leader du réseau d’employés « We’R outStandInG Renault Group » et rôle modèle LGBT+ chez Renault

Que veut dire LGBTQ+ ?

C'est un acronyme pour désigner les différentes orientations sexuelles et les identités de genre :

  • L pour lesbienne, G pour gay, B pour bisexuel, T pour transgenre ou transidentité, Q pour queer.
  • Le "+" indique une volonté d'inclure et de n'oublier aucune autres orientation et identité notamment Q pour "questioning" (en questionnement sur leur sexualité), I pour intersexe (personne née avec des caractéristiques sexuelles particulières, et auxquelles on ne pouvait assigner un genre binaire (homme ou femme), A comme asexuel (n'éprouvant aucune attirance sexuelle), A comme Androgyne (se définissant quelque part entre un homme et une femme), A comme Allies (les alliés hétérosexuels de la cause), pansexuels (qui revendiquent une attirance pour n'importe quel genre).

Une dégradation du climat et une « LGBTphobie » qui monte

 

En deux ans, l’inclusion des personnes LGBT+ au travail ne montre aucune évolution positive. C’est le constat sans appel de la 3e édition du baromètre biennal LGBT+ mené par l’association L’Autre Cercle en partenariat avec l’IFOP*. Les plus pessimistes verront même dans les résultats de cette étude une régression sur le front de l’inclusion des personnes LGBT+.

 

Alain Gavand
C’est extrêmement choquant qu’en 2022, dans le pays des libertés qu'est la France, un tiers des LGBT+ ait encore été victime d’au moins une agression LGBTphobe au sein de son organisation.
Alain Gavand, directeur du cabinet de recrutement éponyme et vice-président de l’association L’Autre Cercle

Soit 4 points de plus qu’en 2020.

Un climat délétère qui va malheureusement de pair avec une augmentation du nombre de discriminations au plus haut niveau des organisations. 26 % des sondés dénoncent par exemple avoir été mis à l’écart par leur direction, contre 20 % en 2020.

Ce climat est mal perçu par les personnes non-LGBT+ : seules 34 % ont entendu des propos « LGBTphobes » en interne, contre 55 % des LGBT+.

Des discriminations mieux identifiées

Ces résultats, Alain Gavand les attribue à une « violence envers les LGBT+ qui s’invite en entreprise autant que sur les médias sociaux », précise-t-il.

Pour Valérie Hallouin, leader du réseau d’employés « We’R outStandInG Renault Group », cette aggravation de la "LGBT phobie" s’explique également par le fait que les situations de discrimination sont désormais mieux identifiées.

En 2021, Renault a nommé, en interne, des référents LGBT+ afin de briser les tabous liés à l’orientation sexuelle. Cette initiative a provoqué une libération de la parole : les victimes de discrimination comme les salariés qui en étaient témoins ont fait remonter des situations via les référents alors que jusqu’ici, elles ne remontaient pas via nos canaux traditionnels.
Valérie Halloin, leader du réseau d’employés « We’R outStandInG Renault Group »

En d’autres termes : il n’y aurait pas davantage de discriminations envers les personnes LGBT+ mais ces dernières seraient plus visibles, donc mécaniquement plus nombreuses, statistiquement parlant. « La tolérance des personnes LGBT+ est également moins importante. Elles ne souhaitent plus se résigner », constate Alain Gavand.

 

Un LGBT+ sur deux est invisible en entreprise

 

Aux yeux des personnes LGBT+, l’invisibilité est un rempart contre l’exclusion en entreprise. Résultat : une personne sur deux n’y révèle pas son orientation sexuelle. Le problème, c’est que cette auto-censure nuit à leur bien-être au travail. Ainsi, 4 LGBT+ ont renoncé à participer à un évènement informel organisé par des collègues où les conjoints étaient invités, selon l’étude.

Plus surprenant : ce phénomène est également visible au sein des 180 organisations qui ont signé la Charte de L’Autre Cercle, donc potentiellement en avance en matière d’inclusion.

Parmi les invisibles, 83 % le sont par exemple pour préserver leur évolution de carrière.

« La visibilité des personnes LGBT+ au travail n’a pas progressé depuis cinq ans. Il faudrait commencer par ne pas faire peser l’enjeu de la visibilité sur leurs seules épaules. Il est de la responsabilité des organisations de mettre en place un cadre bienveillant et inclusif, dans lequel les LGBT+ s’autorisent à être eux-mêmes », rappelle Alain Gavand.

Grâce à toutes les initiatives que nous portons en interne mais aussi aux rôles des alliés, qui recadrent les comportements déviants, 70 % de nos salariés LGBT+ ne craignent plus d’être visibles.
Delphine Pouponneau, directrice diversité et inclusion du groupe Orange.

Une cause qui fatigue les salariés d’entreprise ?

 

Cela fait plusieurs années que les entreprises – essentiellement les grands groupes – prennent la parole sur le sujet de l’inclusion. À trop vouloir communiquer, certaines usent leurs salariés. D’autant plus lorsque les réseaux d’ambassadeurs frôlent le communautarisme. « C’est une tendance que nous constatons en interne. Pour autant, nous nous devons d’intervenir pour rétablir l’équité en interne afin que tout le monde bénéficie des mêmes chances », explique Delphine Pouponneau.

Un avis partagé par Valérie Hallouin. « Dans un monde idéal, on n’aurait pas à parler de ce sujet car les personnes LGBT+ ne seraient pas victimes d’insultes, d’agressions ou de propos caricaturaux. Mais en attendant, tout ce qui diffère de la norme est encore accueilli avec pudeur. Il faut donc continuer de sensibiliser, même s’il y a une « diversity fatigue » qui s’exprime en interne. »

 

Le problème, c’est que les entreprises souhaitant œuvrer en faveur de l’inclusion prennent chacun des 25 critères de discrimination les uns après les autres. Il y a 10 ans, elles multipliaient les initiatives pour favoriser l’inclusion des travailleurs handicapés. Puis, l’égalité hommes-femmes a pris le relai avant de céder sa place à la cause LGBT+. « L’inclusion mérite des actions spécifiques en fonction de chaque thématique. Il est encore difficile d’aborder le sujet de manière globale, à moins de tendre vers une labélisation », conclut Alain Gavand.

Comment reconnaître une entreprise « LGBT-friendly » ?

  • Elle a articulé sa marque employeur autour de la diversité et de l’inclusion
  • Elle dispose d’un réseau d’ambassadeurs LGBT+ en interne
  • Elle a signé la charte d’engagement LGBT+ de L’Autre Cercle
  • Elle a, parmi ses collaborateurs, des rôles modèles LGBT+ et alliés
  • Elle a nommé des référents diversité en interne
  • Elle dispose du Label Diversité créé par l’État et délivré par l’AFNOR
  • Elle célèbre le mois des fiertés (« Pride Month ») en juin

*Méthodologie : étude réalisée par l’IFOP du 22 avril au 25 mai 2021 auprès de 1068 salariés LGBT+ puis du 24 janvier au 11 février 2022 auprès de 29 979 salariés travaillant dans les organisations signataires de la Charte de L’Autre Cercle.

Aurélie Tachot
Aurélie Tachot

Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.

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