Jean-Paul Aimetti : « La période post-Covid est favorable aux changements de poste »

Aurélie Tachot

Changer de job en ce moment, est-ce bien raisonnable ? « Oui, à certaines conditions », répond Jean-Paul Aimetti, l’auteur de « Rebondir à mi-parcours » que vient de publier les éditions EMS. Certes avec les restructurations qui se profilent, les cadres qui étaient dans les starting-blocks avant la crise sanitaire, hésitent. Mais, pour ce spécialiste des virages professionnels, il faut oser changer si vous visez un secteur résilient, que vous avez un projet professionnel « étroit » et que vous ciblez habilement votre écosystème. Explications.
Jean-Paul Aimetti : « La période post-Covid est favorable aux changements de poste »

Le contexte actuel est-il favorable au changement de carrière ?

Jean-Paul Aimetti : Quel que soit le contexte, il est toujours difficile de mener une transition professionnelle. S’il s’agit d’une reconversion, je conseillerais aux cadres d’y réfléchir à deux fois vue la crise sanitaire et les PSE qu’elle va certainement engendrer. À l’inverse, s’il s’agit de changer de poste tout en restant dans le même secteur ou un secteur connexe, le contexte est favorable si vous faut ciblez les secteurs les plus résilients vis-à-vis de la crise. De plus le télétravail, très répandu chez les cadres, se prête bien aux entretiens téléphoniques en toute discrétion. J’ai d’ailleurs constaté que le confinement a permis à certains cadres de revenir aux fondamentaux, donc de prendre du recul sur leur situation. Ces derniers mois, j’ai par exemple accompagné un avocat senior qui a réalisé que son rythme effréné ne lui convenait plus. Son ambition est désormais d’intégrer le département juridique d’une entreprise. Le confinement lui a permis de se concentrer sur son projet avec davantage de conviction.

 

 

La stratégie de recherche d’emploi des cadres doit-elle évoluer compte-tenu de la crise du Covid-19 ?

J-P. A. : Cette stratégie repose à 95 % sur les mêmes principes qu’avant le Covid-19. En plus de cibler des secteurs résilients, il importe d’avoir un projet professionnel ‘’étroit’’. Il n’est pas rare de voir des candidats tomber dans le piège de bâtir un projet large pour maximiser leurs chances de succès. Or, les recruteurs ne s’attardent pas à examiner des candidatures trop généralistes. Ils recherchent des professionnels expérimentés dans des fonctions et des environnements identiques ou proches de ceux du poste à pourvoir, surtout en ce moment. L’un des enjeux est donc de bien déterminer ses cibles : outre les concurrents directs du dernier employeur, cela peut être les nouveaux entrants sur un marché, les fournisseurs, les clients... A titre d’exemple, un spécialiste des transports intéressera une entreprise commercialisant des systèmes d’aide à la mobilité tandis qu’un cadre quittant un leader de la vente du champagne plaira à un constructeur de voitures de luxe. Il ne faut pas hésiter à joindre les décideurs en interne, dans une logique de développement de réseau.

Dans votre ouvrage, vous comparez les candidats à des « produits ». Quels principes issus du marketing sont pertinents dans la recherche d’emploi, encore plus en cette période post-Covid ?

J-P. A. : Pour susciter l’intérêt de futurs clients et faire en sorte que ces derniers s’adressent spontanément à elles, certaines entreprises s’appuient sur « l’inbound marketing ». Cela consiste à diffuser des contenus attractifs pour inciter leurs prospects à prendre contact avec elles. Cette technique s’applique également au recrutement : c’est en piquant la curiosité d’un recruteur qu’un candidat suscitera l’intérêt autour de son profil, d’autant plus si le marché de l’emploi se tend à cause de la crise. Je me souviens d’un consultant qui avait réalisé un benchmark sur les méthodes commerciales des cabinets d’outplacement et leurs techniques d’accompagnement des candidats. Lorsqu’il m’a proposé de me restituer ses premiers résultats, je l’ai reçu et je l’ai finalement recruté un mois après. Par ailleurs, pour promouvoir leurs services, plus particulièrement en marketing B to B, les entreprises rendent tangibles leurs avantages compétitifs en les crédibilisant par des histoires. Les cadres peuvent s’inspirer de cette approche et faire du storytelling lorsqu’ils ébauchent leur argumentaire.

 

Qu’est-ce qu’un bon storytelling ?

J-P. A. : L’arborescence d’un bon argumentaire repose sur trois éléments : expliquer son projet professionnel, citer deux à trois compétences à l’appui de ce projet et illustrer ses atouts via deux à trois réalisations. Prenons l’exemple d’un spécialiste en système d’informations souhaitant parler d’un projet qu’il a mené : la mise en œuvre d’un logiciel ERP. Ce qui fera la différence auprès du recruteur, c’est la précision de son argumentaire. Plutôt que d’expliquer toutes les phases traditionnelles d’un tel projet – de l’analyse des besoins aux tests d’utilisateurs – cet expert devra raconter une histoire avec précision : « Une visite des dirigeants des huit pays m’a permis d’identifier trois types d’obstacles : humains, techniques et financiers. Concernant les équipes, j’ai eu l’idée d’organiser (...). J’ai minimisé les obstacles techniques en organisant (...) ? Quant aux aspects financiers, j’ai pris l’initiative de (...) Résultat : l’ERP a fonctionné dans les huit pays deux mois avant la date prévue ». Étant donné le poids des recommandations dans le recrutement des cadres, cet argumentaire doit également être maîtrisé par les ambassadeurs, même non spécialistes du métier.

Aurélie Tachot
Aurélie Tachot

Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.

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