Jeunes diplômés 2020 : les stratégies de 8 experts de l’emploi pour décrocher un job malgré tout

Gwenole Guiomard

L’insertion professionnelle des jeunes diplômés 2020 sera moins bonne qu’en 2019. Entre 20 et 69 % des offres pour ces Bac +4/5 ont disparu des radars entre avril 2019 et avril 2020. Alors on fait quoi ? On arrête tout et on retourne chez papa-maman ? Pas si l’on suit les conseils de ces 8 anges gardiens qui connaissent parfaitement le marché et ont pour certains l’expérience des dernières crises. Lisez les conseils d’Hymane Ben Aoun, Laurent Champaney, Jacques Fayolle, Manuelle Malot, Eric Lamarque, Soumia Malinbaum, Nafissa Hadji et Pierre Blanc-Sahnoun, que nous avons choisis pour leurs idées stimulantes en matière de recherche d’emploi.
Jeunes diplômés 2020 : les stratégies de 8 experts de l’emploi pour décrocher un job malgré tout

La dernière étude Apec du 27 mai 2020 sur l’insertion des jeunes diplômés a de quoi déprimer. Le nombre d’offres d’emploi recensée par l’Association pour l’emploi des cadres pour cette catégorie de candidats a baissé de 69 % entre avril 2019 et avril 2020. Malheur. Le même jour, l’Organisation internationale du travail remettait le couvert : « les jeunes sont les principales victimes des conséquences socio-économiques de la pandémie, explique l’OIT. Il existe donc un risque que leurs vies professionnelles soient marquées à jamais, conduisant à une génération du confinement ». Damnation.

 

Des raisons d’espérer

Pourtant, d’autres voix s’élèvent, moins alarmistes. Certaines écoles (l’Edhec entre autres) enregistrent une baisse des offres de CDI de l’ordre de 20 % ‘’seulement’’. De même, l’étude intitulée « Covid-19. État du marché du recrutement tech en Europe » du cabinet de recrutement en ligne Talent-io table sur un gel des recrutements européens du secteur des nouvelles technologies de 38 %.

Pour tout dire, je ne suis pas plus inquiet que cela. L’insertion professionnelle de nos diplômés 2020 se fera même s’ils devront changer leur façon de faire.
Laurent Champaney, vice-président de la Conférence des Grandes écoles

Comme le précise Laurent Champaney, vice-président de la Conférence des grandes écoles et directeur général de l’école d’ingénieurs des Arts et Métiers, « tous les secteurs ne sont pas touchés de la même façon, ni tous les pays. Pour tout dire, je ne suis pas plus inquiet que cela. L’insertion professionnelle de nos diplômés 2020 se fera même si ces jeunes devront changer de façon de faire et de mentalité pour trouver du travail ».

Nous avons interrogé des professionnels fin connaisseurs du marché pour doper votre recherche d’emploi en mode covid. Voici leurs analyses et leurs recommandations.

Postuler dès aujourd’hui

Il y a le feu dans la maison du recrutement français et européen. Il ne faut pas se voiler la face. Cela sera dur. Il faut donc commencer à rechercher un poste dès aujourd’hui. « La période estivale devra être un moment d’intense recherche d’emploi, confirme Hymane Ben Aoun, administratrice de Syntec Conseil, dirigeante du cabinet de recrutement Aravati et de la structure La relève qui place des jeunes diplômés. Les recruteurs sont disponibles. C’est une excellente fenêtre de tir pour se faire connaitre, prendre des contacts, échanger ».

 

Face à un marché de demande plus que d’offres, ne pas se décourager. Mais prévoir du temps pour se préparer. Il faut dès maintenant structurer sa recherche d’emploi, apprendre à motiver sa candidature, savoir parler de ses compétences, et réviser les basiques de l’entretien en visio-conférence puis de visu.

 

« Il faut commencer vos recherches aujourd’hui car ce sera plus long que l’année dernière, complète Jacques Fayolle, président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) et directeur de Télécom Saint-Etienne. Lors des deux dernières crises, nos diplômés n’ont pas connu une diminution de la qualité de leur insertion mais de la durée de leur recherche qui avait augmenté. Il faut donc être en entreprise quand, en novembre-décembre, la promotion 2021 en recherche de stage frappera à la porte des employeurs ».

pour nourrir et rêver la dernière partie de l’année 2020 et une moitié de 2021.

A retenir

  • N'attendez pas l’été pour démarcher
  • Profitez de la disponibilité des recruteurs
  • Travaillez vos techniques de recherche d’emploi

Changer d’attitude

Terminée, pour au moins cette année, l’époque où les entreprises se battaient pour offrir la meilleure des embauches à des jeunes diplômés plus que chouchoutés. « Il y a 6 mois, nos études démontraient que le nombre de jeunes diplômés sortants allait être inférieur à celui des cadres partant à la retraite jusqu’au moins 2030, précise la très fine connaisseuse es-recrutement Manuelle Malot, directrice carrière de l’Edhec. Ces données démographiques demeurent. Mais, cette année, les employeurs devraient moins investir et donc moins recruter ».

Cela implique, pour ces jeunes, de s’adapter à la nouvelle donne économique – du moins provisoirement – et d’être moins exigeants. Il leur faudra peut-être accepter des postes moins glamour, ou plus loin de chez eux.

« En terme de salaire, cela veut dire accepter des tarifs de 5 à 10 % moindre des 34 000 euros brut par an offerts en moyenne aux étudiants des grandes écoles en 2019 », assène Hymane Ben Aoun. « Il faut aussi savoir accepter des emplois moins pérennes, multiplier les expériences plus courtes, ajoute Eric Lamarque, le directeur de l'IAE Paris Sorbonne et président du Réseau IAE France. Cela démontre une motivation et un engagement à faire face à la crise. Il ne faudra pas non plus hésiter à se lancer dans la création d’entreprise pour tester des idées nouvelles. La situation actuelle offre ces opportunités ».

A retenir :

  • Acceptez des postes moins glamours
  • Soyez moins exigeant sur la localisation géographique de l’entreprise
  • Attendez-vous à des salaires de débutant en baisse
  • Testez la création d’entreprise

Cibler les secteurs porteurs

Certains secteurs (tourisme, immobilier, industrie manufacturière) souffrent plus que d’autres. Le bon réflexe consiste donc à bien connaître quels sont les secteurs porteurs. Des pans entiers de l’économie maintiennent leurs recrutements. Le cabinet de recrutement Talent.io en pointe deux : l’agroalimentaire et la big data/data analyse. La Conférence des grandes écoles en rajoute trois autres : énergie, matières premières et transport. Il faut aussi viser les secteurs réglementaires comme l’audit, la sécurité ou l’assurance.

A retenir :

  • Cibler les secteurs les plus porteurs
  • Ne pas oublier les secteurs réglementaires

 Réviser ses apriori sur certains secteurs

« Postulez pour nos métiers du conseil, s’enthousiasme Hymane Ben Aoun, administratrice de Syntec Conseil. Nous nous engageons à maintenir au maximum les embauches dans nos secteurs du conseil en stratégie, de l’outplacement, des études et du recrutement ».

Soumia Malinbaum est, elle, présidente de la commission formation de Syntec numérique et vice-présidente du groupe Keyrus. Cette ESN de 3000 collaborateurs envisageait de recruter 400 salariés en 2020. Dans le scénario post-Covid le plus optimiste, elle n’en recrutera pas autant. « Il va y avoir une baisse des embauches, précise-t-elle. Mais nous allons continuer à recruter dans les secteurs de la transformation numérique, de la data, de la cybersécurité, de l’intelligence artificielle ou du e-commerce. La crise va renforcer la puissance des métiers du numérique. » Et cette ardente défenseure de la diversité en entreprise d’ajouter :  « J’invite, en outre, et tout spécialement, les diplômées à postuler. Elles ne représentent que 27 % de nos salariés.» à bonne entendeure…

A retenir :

  • S’intéresser à des métiers malaimés
  • Pour les filles, osez postuler dans les ESN

 

Accepter stage et départ en formation

Il sera aussi plus facile de trouver un stage qu’un premier emploi. Il faudra savoir se mettre à la cape et attendre des vents meilleurs. Choisir une formation double diplômante fait partie de cette même stratégie en acquérant des compétences intéressantes à l’horizon 2021. Cela sera d’autant plus facile que la plupart des écoles a repoussé les dates de clôture d’inscription de leurs Mastères spécialisés et autres Masters of science (Msc).

A retenir :

  • Accepter un stage en attendant
  • Poursuivre ses études pour un an

Traduire des savoirs en compétences différenciantes

Les jeunes diplômés en sciences humaines font partie des jeunes les plus fragilisés dans un marché de l’emploi en crise. « Il ne faut pas se leurrer, précise Nafissa Hadji, consultante en développement professionnel pour l’Apec La Défense. Ils sont traditionnellement les plus éloignés du marché du travail. En cette période de crise, ils doivent mettre en avant leurs compétences transférables à d’autres secteurs ».

Toutes les branches de l’économie leur sont ouvertes. Il leur faut se montrer encore plus agiles que les autres. « Nous vivons dans un monde de la communication avec de nombreux tuyaux qu’il faut remplir de contenus de qualité, rappelle la recruteuse Hymane Ben Aoun. Les candidats sachant écrire, réfléchir ne doivent pas hésiter à postuler sur ces métiers ».

A retenir :

  • Avoir le réflexe de mettre en avant des compétences transférables
  • Vendre ses capacités à écrire et réfléchir (compétences rares)

 

Partir à l’étranger

Un dernier conseil pour la route ? « Et si tu essayais de partir passer un an à l'étranger ?, conclut Pierre Blanc-Sahnoun, coach de dirigeants, fondateur du cabinet White Spirit Narratives et auteur d’une quinzaine d’ouvrages sur l’équilibre professionnel et le management. Voyager, rencontrer, faire des petits boulots, perfectionner ton anglais, et revenir en ayant mûri dans ton projet et dans ta personnalité… ». Un conseil peut-être pas si iconoclaste pour nourrir et rêver la dernière partie de l’année 2020 et une moitié de 2021.

Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

Vous aimerez aussi :