L’humoriste Lucie Carbone coache un comex depuis le banc de touche

Sylvia Di Pasquale

INTERVIEW - Un manager qui se prend pour un coach sportif, c’est l’un des personnages que joue Lucie Carbone dans sa nouvelle série intitulée “Jour de taf”. Huit épisodes dans lesquels l’humoriste caricature le peuple de l’entreprise qu’elle connaît bien - et châtie bien - pour y avoir travaillé dans sa vie d’avant. La commerciale qui érotise son “produit”, la recruteuse zen face aux tire-au-flanc, la furieuse du mode agile, et d’autres caractères au comique libératoire prennent vie dans ses parodies hyper réalistes. Lucie Carbone a répondu à mes questions sur son travail entre deux spectacles.

Episode "Le coaching" dans la série "Jours de taf" signés Lucie Carbone

C’est sa première série “en extérieur”. Ceux qui suivent Lucie Carbone sur son compte Youtube ou sur Linkedin, se régalent déjà de ses vidéos qui mettent en scène le peuple de l’entreprise. Toujours caustique, jamais méchante, elle tourne en dérision les dérives absurdes des organisations et ça fait visiblement un bien fou à ceux qui les subissent. Sa nouvelle série s'appelle "Jour de taf" , six épisodes sont déjà disponibles et elle nous raconte les coulisses de sa conception.

Son travail sur la série "Jour de taf"

Comment avez-vous travaillé pour cette série “Jour de taf “?

Lucie Carbone : J’avais les thèmes en tête depuis longtemps. Je voulais sortir du cadre que j’avais beaucoup utilisé dans mes autres vidéos, à savoir mon bureau. C’est ma première série “en extérieur”. J’ai appris la délégation de compétences (sourire). J’ai travaillé avec une boîte de production qui a fait la réalisation et le montage. J’ai gagné un temps fou.

Et pour l’écriture ? 

L.C. : Ah l’écriture, c’est moi toute seule. 

On retrouve vos gimmicks dès le premier épisode…

L.C. : Oui, j’ai adoré jouer cette coach qui conseille une équipe face à un comex comme si c’était un match de foot.  Elle hurle ses conseils depuis le bord de terrain et on y retrouve mes thèmes de prédilection : les process, le jargon, le management… 

Quand tu as une question Patricia, cadre la question ! “je n’ai pas de visibilité, je prends le point” et botte en touche !
Extrait de la série "Jour de taf" de Lucie Carbone

Il y a même une commerciale en ESN qui semble érotiser son “produit”, un consultant…

L.C. : J’ai moi-même été consultante et j’ai parfois eu l’impression d’être de la marchandise. Sans doute à cause du fameux TJM ou “Taux journalier moyen” qui donne une valeur aux compétences. Les commerciaux ont une relation de séduction avec le client et ça me plaisait d’en faire un sketch.

"Pas critique mais caustique"

Peut-on dire que vos sketchs dénoncent certaines pratiques infantilisantes en entreprise ?

L.C. : Je ne dénonce pas car je ne pense pas avoir un message très critique mais je veux montrer l’absurdité. Par exemple, le sketch sur la “météo projet” est à peine exagéré. C’est bien que l’entreprise s’inspire de méthodes à l’extérieur mais aller chercher la météo pour produire des KPI “picto soleil”, “picto averse”, c’est quand même intéressant. 

Il y a des petites piques pour tout le monde dans vos productions…

L.C. Je ne suis pas critique mais je peux être caustique. Typiquement j’adore en faire sur les sujets égalité femmes/hommes. Chaque 8 mars, j’ai comme une appréhension. 

Le sujet “entreprise” n’est-il pas un peu limité pour une humoriste comme vous ? 

L.C. : C’est ce que me disent les autres humoristes… Mais je ne suis pas d’accord ! l’entreprise est un sujet hyper intéressant pour parler de notre époque. C’est une petite société dans la société, avec des évolutions qui s’y reflètent. Les tendances de l’entreprise privée infusent un peu partout, je pense à ces couples qui gèrent leurs problèmes à la façon d’une cellule de crise par exemple. Le travail, on y passe du temps, c’est quelque chose d’hyper important dans nos vies. Je suis toujours étonnée quand j’entends que le travail n’est plus central dans nos vies. 

Le pouvoir de l'humour en entreprise

Que vous disent les gens qui viennent vous voir jouer au théâtre ou ceux qui vous suivent sur Linkedin ? 

L.C. : “ça fait du bien”. Dans le sous-texte, je comprends que j’éclate une petite bulle avec mes sujets, ça me pousse à continuer sur ces registres. Dans mes spectacles, je commence à avoir des groupes de salariés d’entreprises où je suis intervenue, c’est sympa.

Certaines entreprises vous invitent à jouer devant leurs salariés. Pour quelles raisons invitent-elles une humoriste ?

L.C. :  Le point commun, c’est la recherche de légèreté sur des sujets qui peuvent diviser. Par exemple le “retour au bureau après le télétravail”... On appelle une humoriste pour briser la glace ou mettre les pieds dans le plat. Pendant le spectacle, il y a toujours une discussion avec les salariés. C’est à ce moment que le dialogue commence entre les uns et les autres. Que les gens arrivent à en rigoler ensemble, c’est énorme. Je ne veux pas diviser mais fédérer. Autre sujet délicat : la cohabitation avec les jeunes et les conflits de génération. C’est ce que je raconte dans la vidéo GenZ et GenY : la rencontre.

Est-ce que ça vous arrive de dire “non” à une entreprise ?

L. C. : De plus en plus souvent par manque de temps. Car écrire un spectacle de 15-30 minutes sur un sujet comme le feedback ou la cybersécurité, ça prend énormément de temps, de documentation, de digestion d’info, d’écriture humoristique. Je le fais de moins en moins à cause de mon agenda : entre les chroniques sur France Inter, les spectacles et les tournées, il affiche complet.  J’ai aussi dit non quand on me demande de passer un message corporate aux salariés. J’estime que ce n’est pas mon rôle. Ce n’est pas à l’humoriste de motiver les troupes. 

Une semaine d'écriture pour une chronique

Sur France Inter, vos chroniques ne parlent pas d’entreprise… 

L.C. : Effectivement, les sujets sont imposés par le thème de l’émission de Matthieu Noël qui zoome chaque jour sur un mot nouveau pour mieux le connaître. J’adore cet exercice, très stimulant intellectuellement. Pour 3 minutes de chronique, il me faut environ une semaine pour l’écrire.

Lucie Carbone x Karim Duval

Lucie Carbone est-elle aussi connue que Karim Duval

Non je ne pense pas. Karim est indétrônable. On s’est rencontrés une fois ou deux. 

A quand une vidéo ou un sketch ensemble ?

Ce serait trop bien !

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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