L’industrie pharmaceutique recrute 11 000 talents mais peine à attirer des jeunes

Aurélie Tachot

SECTEUR QUI RECRUTE – C'est l'un des poids lourds de l'économie française avec ses 60 milliard d'euros de chiffre d'affaires et ses 100 000 salariés. Pourtant le secteur peine à rajeunir ses effectifs (la moitié a plus de 46 ans) non seulement dans ses métiers classiques mais aussi dans les métiers d'avenir. Pourquoi ces difficultés ? Quels profils peuvent malgré tout s’y épanouir ? Les salaires sont-ils au-dessus du marché vues les difficultés à recruter ? Analyse, interviews et offres d'emploi à pourvoir dès aujourd'hui pour ceux qui voudraient y tenter leur chance.

L'industrie pharmaceutique peaufine son image de secteur "numérique" afin d'attirer les jeunes générations.

L’industrie pharmaceutique recrute 11 000 talents mais peine à attirer des jeunes
L'industrie pharmaceutique peaufine son image de secteur "numérique" afin d'attirer les jeunes générations.

Ils témoignent

  • Arnaud Chouteau, directeur emploi et formation du LEEM, l’organisation professionnelle des entreprises du médicament
  • Nicolas Pouchain, directeur de l’acquisition des talents – de la diversité et de l’inclusion chez Sanofi.
Avec 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 100 000 employés, l’industrie pharmaceutique est l’un des poids lourds de l’économie française. Chaque année, elle recrute environ 10 000 personnes dont des chercheurs, des ingénieurs, des commerciaux...

Combien de recrutements prévus dans la pharma en 2022 ?

Arnaud Chouteau

Les « années Covid » n’ont pas eu de prise sur le dynamisme des entreprises du médicament. « Alors que les autres industries voyaient leurs effectifs baisser de 1,2 % en 2020, celle du pharmaceutique affichait une progression de 0,5 % », indique Arnaud Chouteau, directeur emploi et formation du LEEM. Une trajectoire positive de l’emploi qui s’est poursuivie en 2021 et qui devrait s’accélérer en 2022.

Cette année, 11 000 embauches devraient être effectuées. Les laboratoires et les entreprises de la biotech prévoient de recruter jusqu’à 8000 alternants par an dès 2024 pour renouveler ses effectifs, la moitié de ses employés ayant plus de 46 ans. Un engagement fort pour la filière, « qui embauche 100 % de ses alternants », rappelle le LEEM.

Si le secteur se projette aussi bien, c’est également car elle est soutenue par le gouvernement. En juin 2021, l’État s’est engagé à injecter 7 milliards à horizon 2030 pour relancer l’industrie de la santé en France et doper l’innovation. Un plan qui devrait se traduire par de nombreuses créations de poste dans la filière.

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Des difficultés pour attirer des jeunes

Comme d’autres industries, celle du médicament se heurte toutefois à un obstacle qui pourrait remettre en cause ses ambitions. En l’occurrence des difficultés à attirer les nouvelles générations. Si la crise du Covid-19 a sensibilisé les jeunes à l’utilité des entreprises pharmaceutiques, elle n’a pas encore suscité de vocations chez eux, constate Ipsos dans une étude menée pour le LEEM en septembre 2021. Seul un jeune sur six déclare que la pandémie lui a donné envie de travailler dans ce secteur.

L’image négative dont l’industrie du médicament pâtit auprès d’une partie de l’opinion pourrait-elle être redorée suite au Covid-19 ? Il est trop tôt pour le savoir.

Nicolas Pouchain
L’image de cette industrie a beaucoup évolué. Il y a quelques années, elle était connotée chimie. Puis, le domaine des biotechnologies est arrivé. Maintenant, on s’oriente vers une industrie numérique, qui digitalise ses métiers
Nicolas Pouchain, directeur de l’acquisition des talents – de la diversité et de l’inclusion chez Sanofi.

C’est aussi dans cette optique que l'entreprise a développé une politique en faveur de la diversité, un sujet auquel les jeunes générations sont attachées. « Nous avons lancé le programme Place d’Avenir dont l’ambition est de sourcer des talents dans les quartiers prioritaires de la ville », précise-t-il.

Qui recrute dans l’industrie pharmaceutique ?

 

En 2022, « l’ensemble de la filière pharmaceutique recrutera, que ce soit les « Big Pharma» ayant des centres de production en France, les laboratoires, les PME et les sous-traitants », assure Arnaud Chouteau. De manière générale, « la trajectoire positive de l’emploi concerne toutes les tailles d’entreprise au-dessus de 100 salariés et a des impacts directs et indirects dans les six principaux bassins d’emploi du secteur : l’Ile-de-France, l’Auvergne-Rhône-Alpes, la Normandie, le Centre-Val-de-Loire, les Hauts-de-France et le Grand-Est », ajoute-t-il.

Quelques exemples de labo pharmaceutique qui recrutent en 2022

  • Le groupe Pierre Fabre cherchera des chargés d’amélioration continue, des supply planners, des responsables en informatique industrielle, des key-account managers...
  • AstraZeneca s’entourera, quant à lui, de chargés de développement, de pharmaciens réglementation et promotion, de chefs de produit...
  • Le groupe Merck recrutera enfin des superviseurs en contrôle qualité, des ingénieurs assurance qualité, des pharmaciens qualification validation, des biostatisticiens...

Quelles fonctions recrutent ?

Cette année, l’industrie renforcera ses équipes R&D, marketing, production, qualité, réglementaire, hygiène-sécurité... en plus de ses équipes commerciales (account manager, délégué pharmaceutique, directeur du développement...)

 

Des salaires qui flambent dans le contrôle qualité

 

Dans l’industrie pharmaceutique, les responsables laboratoire de contrôle (ou contrôle qualité), les responsables affaires réglementaires, les chargés de pharmacovigilance et les responsables médicaux régionaux sont ardemment recherchés. Des postes qui n’attisent pas tous les convoitises.

« Le contrôle qualité peine à attirer. Même si c’est un métier essentiel puisqu’il assure le respect des processus, ce n’est pas le plus « fun » aux yeux des candidats. Après avoir fait des études scientifiques poussées, ils s’orientent plutôt vers la recherche, le management ou le marketing », illustre Arnaud Chouteau.

Étant donné que les candidats ne se bousculent pas au portillon, « les entreprises du secteur misent sur la formation, notamment pour faire monter en compétence des techniciens en contrôle qualité à des postes de responsables », précise-t-il. Pour tenter d’attirer, l’industrie joue également la carte de la rémunération.

En 2020, la rémunération médiane d’un responsable laboratoire contrôle qualité était de 74 000 euros, contre 63 000 euros en 2014.
Arnaud Chouteau, directeur emploi et formation du LEEM

Lorsque c’est nécessaire, le secteur n’hésite pas, pour ce poste pénurique, à se tourner vers d’autres industries connexes. « Il y a des passerelles possibles avec les ingénieurs évoluant dans la chimie », explique-t-il. 

 

5000 postes à pourvoir dans le digital

Le numérique concentre également une bonne partie des besoins de l’industrie pharmaceutique, qui cherche à digitaliser l’ensemble de sa chaîne de valeur. D’après le LEEM, 5000 postes seront ainsi à pourvoir dans ce domaine à l’horizon 2026. La maîtrise de la data semble être la compétence star, cette dernière étant clé pour tester des théories et comprendre l’efficacité des traitements médicamenteux. Chez Sanofi par exemple, ce sont justement dans ces « métiers du futur » qu’il y a le plus d’opportunités.

Nous recrutons des data scientists, des ingénieurs datas et des data analysts, mais aussi des développeurs, que ce soit des architectes de solution, des full stack developer, des project owners ou des scrum masters.
Nicolas Pouchain, directeur de l’acquisition des talents – de la diversité et de l’inclusion chez Sanofi.

Parmi les profils émergents que les entreprises devraient s’arracher ces prochaines années, figurent également les ingénieurs en intelligence artificielle et les bio-informaticiens. Sur l’ensemble de ces profils – pénuriques car nouveaux sur le marché de l’emploi – le pharmaceutique se bat avec des adversaires de taille dont les secteurs de la Tech et l’environnement, qui ont davantage les faveurs des jeunes cadres.

Une vidéo de promotion des atouts de la filière pharma pour l'Europe :

Des relocalisations synonyme d’emplois ?

 

Suite à la crise du Covid-19, qui a révélé les défaillances de la France dans la production pharmaceutique et mis à mal son autonomie sanitaire, les mesures visant à soutenir la filière se sont multipliées. Parmi elles : la relocalisation du médicament. « Il y a une volonté politique française et européenne de relocaliser plusieurs activités dont la recherche clinique et la production de médicaments. C’est une mesure porteuse, qui devrait positivement impacter le volume d’embauches », explique Arnaud Chouteau.

Une relocalisation qui n’empêchera pas les grands groupes d’attirer des profils internationaux, selon Nicolas Pouchain. « Le marché de l’ARN Messager est international. En France, nous continuons d’investir dans notre site de production et de R&D à Marcy-L’Etoile : nous y attirons des talents français, mais aussi internationaux venant des États-Unis et de l’Asie », illustre-t-il.

Toutes les enquêtes sur les secteurs qui recrutent des cadres

Aurélie Tachot
Aurélie Tachot

Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.

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