La filière qualité cherche ses cadres... et recrute même des reconvertis

Aurélie Tachot

RECRUTEMENT – Mal connue des cadres, la fonction qualité connaît pourtant, depuis plusieurs années, un fort rebond de ses recrutements. Conséquence de la crise covid, les entreprises s’entourent d’experts mordus d’exigences normatives. Bonne nouvelle si la qualité vous attire : les cadres reconvertis, passés par les achats, les SI ou même les RH et tentés par une seconde carrière, y sont bien accueillis. Cadremploi a enquêté sur les besoins de la filière. Préparez vos CV !

Filière qualité : qui recrute, quels profils et à quelles fonctions en 2021 ?

Ils témoignent

  • Pierre Girault, président de France Qualité
  • Alexis Eychenne, directeur exécutif de Badenoch & Clark
  • François Humblot, directeur associé au cabinet Grant Alexander
  • Gilbert Mounier, directeur qualité de La Croix rouge
  • Anna Rekowicz, responsable qualité à temps partagé chez Decap’Laquage et Désamiantage Service
  • Roger Teulade, directeur associé chez SS2Qual

Pourquoi la démarche qualité gagne de plus en plus d'entreprises ?

Le durcissement des exigences réglementaires et normatives, ça a du bon ! Du moins pour les profils de cadres spécialisés dans la qualité, de plus en plus recherchés par les entreprises.

Pierre Girault

« Il y a un vrai dynamisme dans la filière qualité, d’une part parce que les entreprises visent de plus en plus une amélioration continue de leur performance et que la démarche qualité se globalise ; d’autre part parce que la crise du Covid-19 a obligé les dirigeants à redécouvrir des méthodes de qualité comme le Plan de continuité d’activité, le "programme de suggestions" qui sont des vecteurs clés de structuration du fonctionnement de l’entreprise, donc de relance », explique Pierre Girault, président de France Qualité.

La qualité n’est plus faite pour « contrôler » ce que font les autres, elle comprend des fonctions qui ont largement le vent en poupe, notamment l’excellence opérationnelle, l’animation transversale, l’accompagnement des équipes pour faire monter en performance, piloter la transformation continue, etc.
Roger Teulade, directeur associé chez SS2Qual

Résultat : la qualité est partout, et non plus uniquement dans les secteurs industriels. Elle touche des sujets transverses comme la sécurité, l’environnement, la transformation, l’excellence opérationnelle, la RSE...

Les start-up, les PME, les grands groupes, les centres hospitaliers, les préfectures... Toutes les organisations publiques et privées recrutent désormais des spécialistes de la qualité, quel que soit leur secteur d’activité.
Alexis Eychenne, directeur exécutif du cabinet Badenoch & Clark

Le problème, c’est que ces employeurs se heurtent tous au même problème : « une défaillance en termes de viviers de formations sur les métiers techniques et réglementaires de la qualité. Cela génère un manque de compétences donc une tension sur le marché de l’emploi », explique Alexis Eychenne, directeur exécutif du cabinet Badenoch & Clark.

Quelles offres d'emploi dans les métiers de la qualité ?

Retrouvez ici les offres d'emploi dans les métiers de la QUALITE actualisées quotidiennement.

Quels sont les profils de cadres les plus recherchés ?

  • Pour faire face aux évolutions normatives dans les secteurs de la santé, du pharmaceutique et du matériel médical, les chargés d’affaires réglementaires sont particulièrement convoités. Ces derniers sont chargés de garantir la conformité des produits de l’entreprise aux réglementations en vigueur.
Un profil confirmé peut toucher jusqu’à 100 000 € brut par an dans les secteurs les plus tendus.
Source : baromètre Apec de salaires des cadres
  • Le responsable QHSSE (qualité, hygiène, sécurité, sûreté, environnement) fait lui aussi partie des profils les plus en vue. « Dans l’agroalimentaire, l’aéronautique et la santé, les codirs souhaitent s’entourer de ces professionnels afin qu’ils portent les problématiques de sécurité, qui concernent l’environnement industriel, le management sur site, la production », explique Alexis Eychenne.
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  • Les responsables qualité, les ingénieurs qualité ainsi que les responsables de l’amélioration continue sont, eux aussi, dans la ligne de mire des recruteurs.

    Étant donné la dimension de plus en plus stratégique de la qualité, les profils sachant opérer aux cotés des comités de direction décrochent les meilleures opportunités. Une position qui suppose toutefois « de savoir fédérer les différents acteurs de l’entreprise, surtout lorsqu’on évolue sur des projets en lien avec la qualité, l’hygiène et l’environnement », précise Pierre Girault.
    « Il faut être capable de mobiliser les équipes sans avoir aucun lien hiérarchique, sur des sujets qui ne sont pas toujours la priorité de tous », confirme François Humblot, directeur associé au sein du cabinet de chasse Grant Alexander

Les cadres reconvertis sont les bienvenus

La filière qualité est tellement sous tension qu’elle se tourne de plus en plus vers des profils non issus du sérail.

Le recrutement externe de spécialistes titulaires d’un diplôme dans la qualité n’est plus le seul canal utilisé. Depuis la crise du Covid-19, les entreprises se tournent également vers des profils qui ont occupé des fonctions support dans les achats, les systèmes d’information voire les ressources humaines
Pierre Girault, président de France Qualité

Aujourd’hui, les profils ayant réussi une reconversion professionnelle sont un gisement d’emplois à part entière. « On estime à un tiers le poids qu’ils ont dans les recrutements, c’est donc loin d’être anecdotique », ajoute-t-il.

Gilbert Mounier

Depuis quelques mois, Gilbert Mounier, responsable qualité à La Croix Rouge et président de la SoFGRES, constitue un réseau national de référents qualité dans chacun de ses 450 centres. L’objectif ? Impulser des approches novatrices à sa démarche qualité. « Grâce aux formations spécialisées, notamment celles de l’Université Paris-Est Créteil, il est possible de faire monter en compétences des profils non issus de la qualité. Je viens par exemple de recruter une ancienne responsable RH qui travaillait dans un établissement de santé », illustre-t-il. Un cas qui est loin d’être isolé. « Il n’est pas rare de voir des médecins devenir gestionnaire de risques », ajoute-t-il. « Et des directeurs d’hôpitaux devenir directeur qualité ou directeur du parcours client », selon Pierre Girault.

 

Passer de salarié à indépendant : une pratique plutôt réservée aux seniors

Une autre tendance est à l’œuvre dans la filière qualité. Les seniors les plus chevronnés, notamment ceux qui sont pointus sur une norme en particulier, sont de plus en plus nombreux à se mettre à leur compte. « Plusieurs facettes du métier comme le fait de développer un projet de certification ou de mener un projet RSE sont compatibles avec le télétravail. Cela répond donc à une attente de certains cadres qui créent leur société et interviennent dans les entreprises en tant que consultant », explique Pierre Girault. Les TPE et les PME, qui n’ont généralement pas les ressources en interne pour s’entourer de professionnels de la qualité à temps plein, sont friandes de ces profils. En fonction du degré d’expérience, les rémunérations de ces cadres indépendants peuvent s’envoler. « Il n’est pas rare de voir des indépendants facturer entre 1500 et 2000 euros par jour », indique Alexis Eychenne.

 

Témoignage : « La qualité n’est pas une filière fermée aux reconvertis »

Anna Rekowicz a découvert la qualité sur le terrain, après avoir occupé des postes très variés. Aujourd’hui, elle occupe un poste de responsable qualité à temps partagé, qu’elle a trouvé facilement après avoir décroché un Master en management des risques QHSE.

Anna Rekowicz

« Avant de me reconvertir dans la filière de la qualité, j’ai occupé plusieurs fonctions au sein d’une entreprise industrielle, notamment celles d’interprètes, de conducteur de travaux, de chargé d’affaires... Lors de mon dernier poste de responsable grands comptes, j’ai été confrontée à la démarche de qualité sécurité environnement, notamment dans le cadre de la demande de certification MASE, et elle m’a beaucoup intéressée. J’ai donc intégré l’IEQT de Vichy pour me reconvertir dans cette filière. J’ai suivi une formation de niveau Bac+4 de chef de projet QSE afin de renforcer mes connaissances théoriques sur le sujet et d’acquérir des méthodologies. À l’issue de cette formation d’un an, mon intention était de fonder ma société de conseils. Mais la crise du Covid-19 a bousculé mes plans. J’ai plutôt décidé de poursuivre ma formation et de viser le diplôme de niveau Bac+5 de manager des risques QHSE. La qualité n’étant pas une filière fermée aux profils de reconvertis, j’ai trouvé un poste facilement. C’est surtout l’état d’esprit du profil que les recruteurs regardent, notamment sa capacité à avoir une démarche systémique d’une situation. Aujourd’hui, je travaille en tant que responsable qualité à temps partagé pour deux PME : Decap’Laquage et Désamiantage Service. Cela me permet de travailler sur des missions variées. Lorsque le contexte sera plus porteur, je créerai ma société de conseils afin d’accompagner les entreprises dans leur démarche QSE. »

Aurélie Tachot
Aurélie Tachot

Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.

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