Le transport ferroviaire recrute des profils techno-écolo à gogo

Gwenole Guiomard

SECTEUR QUI RECRUTE – Secteur clé d’un transport moins "carboné", le ferroviaire est en pleine croissance. Les entreprises de ce secteur embaucheront, en 2022, quelque 18 000 salariés dont 20 % de cadres. Voici les compétences qu’elles recherchent et les salaires qu’elles proposent. Signe de la tension, on peut même s’y reconvertir.

Le transport ferroviaire recrutera 16 à 18 000 personnes par an jusqu'en 2030 dont 20% de cadres.

Le transport ferroviaire recrute des profils techno-écolo à gogo
Le transport ferroviaire recrutera 16 à 18 000 personnes par an jusqu'en 2030 dont 20% de cadres.

Ils témoignent

  • Vincent Sarrazin, directeur associé Ikos
  • Yazid Oultaf, directeur des ressources humaines de Captrain
  • Anne de Cagny, directrice en charge des relations avec les entreprises à l'Estaca
  • Thierry Feutrie, directeur des Ressources Humaines de Sferis
  • Jean-Baptiste Hue, ingénieur Test chez Alstom sur le projet de métro de Lille

Ferroviaire : un secteur clé de la transition écologique

Tout va pour le mieux dans le secteur ferroviaire. Le train est sorti vainqueur du bras de fer engagé entre les différents modes de transport pour déterminer la mobilité la moins polluante. La voiture, en attendant l’arrivée de son électrification, est de plus en plus proscrite des centres-villes et l’avion est régulièrement cloué au pilori par des porte-paroles environnementalistes comme Greta Thunberg.

Reste alors le train mais aussi le métro et tout ce que les spécialistes appellent le transport guidé (tout type de véhicules guidés par des rails ou des câbles). Dans ce secteur, on recrute à tout va pour des projets comme le métro du Grand Paris, celui de Marseille, de Toulouse ou la LGV partant de Bordeaux. Sans parler de l'autre bouleversement sur les rails où la SNCF se retrouve concurrencée par des acteurs privés, y compris européens, concernant l'exploitation des grandes lignes et celles des Trains express régionaux (TER). En Provence déjà, la SNCF a perdu la ligne Marseille-Nice qui sera opérée par Transdev, une société privée, à partir de 2025. L'arrivée de ces acteurs européens risque aussi d'intensifier les recrutements dans la filière.

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Le secteur recrutera 17 600 salariés par an, dont environ 20 % de cadres, entre 2020 et 2030.
Étude prospective* des impacts des mutations de la filière industrielle ferroviaire, sur l'emploi et les besoins de compétences de décembre 2020

« Les plans de charge du secteur restent élevés en 2020/2021 et pour les cinq années à venir », prédit cette étude. D’où des recrutements conséquents.

Qui recrute dans le transport ferroviaire ?

A hauteur des entreprises, cela donne des embauches chez les transporteurs historiques, les sociétés d’ingénierie, les start-up… :

  • La SNCF annonce 2 000 recrutements par an.

 

Vincent Sarrazin

  • Le spécialiste de l’ingénierie ferroviaire Ikos (1200 salariés) table sur un recrutement en 2022 de « 200 salariés, presque tous des cadres, contre 180 en 2021 et 140 en 2019, rappelle Vincent Sarrazin, son directeur associé. Nous avons comme prévision de doubler la taille de nos effectifs d’ici 2026… Le ferroviaire est un secteur d’avenir. C’est un transport écologique et extrêmement technologique. Nous travaillons sur le TGV mais aussi sur le projet Hyperloop d’Elon Musk consistant à voyager à quelque 1200 km/heure par train pour faire Paris-Toulouse en 30 minutes… ».
Il existe une dynamique dans ce secteur jusqu’ici inconnue.
Yazid Oultaf, directeur des ressources humaines de Captrain France
  • Captrain, l’entreprise de fret ferroviaire de 950 salariés, filiale de la SNCF, annonce, elle, 150 embauches en 2022 contre 140 en 2021 dont 15 % de cadres : managers de proximité et fonction support comme contrôleur de gestion ou juriste. Mais aussi des chefs de site pour encadrer les équipes. « Le rail devrait recruter jusqu’en 2030, » ajoute Yazid Oultaf, directeur des ressources humaines de Captrain France.
Anne de cagny
  • L’une des rares formations spécialisées en matière ferroviaire est dispensée par l’Estaca (campus à Laval et à Saint-Quentin-en-Yvelines). « Le taux d’emploi de nos diplômés est de 75 % un mois après l’obtention du diplôme, précise Anne de Cagny, la directrice en charge des relations avec les entreprises. Alors que la moyenne des écoles d’ingénieurs tourne autour de 60 %. Des sociétés très connues comme la SNCF ou la RATP recherchent nos diplômés mais aussi de moins célèbres comme Colas Rail, Egis ou Ingerop qui sont en quête d’ingénieurs système, spécialistes en sureté, en numérique ou en maintenance ».

Exemples d'entreprises qui recrutent dans le ferroviaire :

  • Artelia
  • Cap Gemini France
  • Captrain
  • Colas Rail
  • Dassault Systemes
  • Egis
  • Eiffage Rail
  • Ikos
  • Ingerop
  • Implid
  • Omea
  • RATP CAP ILE-DE-FRANCE
  • RATP DEV
  • Siemens Mobility
  • SNCF
  • STIF

etc.

Métiers du ferroviaire : des ingénieurs mais pas seulement

En matière de recrutement de cadres, le secteur recherche avant tout des ingénieurs pour des spécialités comme le contrôle de commande, l’infrastructure conduite de travaux ou la conduite de projets.

 

Thierry Feutrie

« Nous recruterons une trentaine de cadres en 2022 contre 22 en 2019, précise Thierry Feutrie, directeur des Ressources Humaines de Sferis, une filiale privée de la SNCF qui sécurise et assure la maintenance ferroviaire. Nous recherchons essentiellement des conducteurs de travaux. C’est notre poste phare. J’éprouve des difficultés à en trouver. Tout le monde en cherche.  Mais je vais aussi embaucher des contrôleurs de gestion, spécialistes des RH ou de la QHSE (Qualité, hygiène, sécurité, environnement) ».

Pour se faire embaucher dans le ferroviaire, un diplôme d’une école d’ingénieurs de préférence spécialisé ferroviaire ou un Master 2 issu de l’université est un minimum. Mais la tension est telle que certaines entreprises comme Ikos proposent aux profils plus généralistes une formation aux techniques ferroviaires de 320 heures en début de carrière.

Quelles compétences en or ?

Pour les cadres de ce secteur, « la compétence reine est avant tout technique », estime Vincent Sarrazin (Ikos). Elle est validée par un diplôme Bac +5 quasi obligatoire en systèmes embarqués, informatique, mécanique, électronique… Mais il faut aussi maîtriser les enjeux de l’ensemble de la filière ferroviaire, connaître les normes et réglementations propres à chaque pays ou encore maîtriser les futurs enjeux de la mobilité.

Selon l’Étude prospective des impacts des mutations de la filière industrielle ferroviaire*, des connaissances en digitalisation et développement durable sont aussi à mettre en avant.

Ensuite, « pour évoluer, estime Anne de Cagny (Estaca), il faudra ajouter d’autres cordes à son arc et notamment des expériences à l’international pour pouvoir travailler dans des pays développant très fortement le transport guidé comme les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. » Cela veut dire bien sûr la maîtrise de l’anglais obligatoire, mais aussi du management de projet et de la gestion contractuelle

Quel parcours pour un jeune diplômé dans le ferroviaire ?

Trois voies s’offrent aux jeunes diplômés débutant dans ce secteur et qui rêvent d’y évoluer le plus longtemps possible : l’expertise, le commercial ou le management. Selon Thierry Feutrie (Sferis), il est conseillé de débuter par la fonction d’ingénieur d’études. Ensuite, tous les deux ans, il sera possible d’évoluer vers l’expertise, le management ou vers le commercial.

Dans ce secteur, la filière la plus rémunératrice est la fonction commerciale mais des spécialistes, en cybersécurité par exemple, gagnent aussi très bien leur vie. Ceci précisé, un bon début de carrière commencera par un poste de terrain dans des technocentres industriels ou dans des sociétés d’ingénierie. Car un bon socle technique est essentiel pour progresser dans ce secteur.

Ferroviaire : des salaires généreux

Dans ce secteur, un jeune diplômé de niveau M2 débutera à des salaires compris entre 32 000 et 40 000 euros brut par an. A la Sferis, un jeune diplômé ingénieur percevra 42 000 euros brut par an. Après 5 ans d’expérience, il devrait toucher dans les 52 000 euros s’il a bien évolué.

Jean-Baptiste Hue

Jean-Baptiste Hue, 23 ans, étudiant à l’Estaca jusqu’à la fin 2021, vient d’être embauché en CDI par Alstom avant même la fin de ses études. Il annonce un salaire de départ compris entre 36 000 et 37 000 euros brut par an. A cela s’ajoutent des primes de nuit et de week-end. Il est ingénieur Test chez Alstom sur le projet de métro de Lille. « Cela m’a pris un mois pour trouver le stage de fin d’études avec 3 entreprises sur 3 demandes qui ont souhaité m’embaucher, ajoute-t-il. Mes camarades de promotion ont ou vont signer prochainement un contrat de travail. C’est plus compliqué dans les autres filières de notre école ».

Quelles formations pour se reconvertir dans le ferroviaire ?

Comme le secteur éprouve des difficultés à recruter, les salariés en reconversion devraient être bien accueillis. La réalité est plus contrastée comme toujours. Le « reconverti » devra prouver son appétence pour le ferroviaire via un cursus en formation continue. Des écoles d’ingénieurs proposent par exemple des parcours  en maîtrise de la sécurité dans les transports ferroviaires, sur la signalisation ou le freinage.

L’Estaca a, en projet pour 2022, une formation continue diplômante d’ingénieurs véhicules, systèmes autonomes et connectés, à l’intention de salariés souhaitant reprendre des études. Des « blocs de compétences » seront ainsi accessibles petit à petit en formation continue.

Quelques mastères spécialisés vont aussi voir le jour pour disposer du vernis nécessaire pour intégrer le monde ferroviaire dont le MS « mobilités décarbonées et nouvelles énergies » ouvert à la rentrée 2022 de l’Estaca.

Lire aussi >> Conférence de l'Université de l'Ingénierie : "Le ferroviaire du futur se finance aujourd'hui"

Quelques exemples de postes qui recrutent dans le ferroviaire :

  • Bid manager Grands projets ferroviaires
  • Chef de projet ferroviaire
  • Conducteur de travaux ferroviaires ou signalisation
  • Ingénieur billettique
  • Inspecteur qualité ferroviaire
  • Ingénieur d’études voie ferroviaire
  • Ingénieur intégrateur système ferroviaire
  • Ingénieur en signalisation ferroviaire
  • Ingénieur V&V (validation and vérification) ferroviaire
  • Ingénieur travaux ferroviaires
  • Ingénieur projet de déploiement radio
  • Ingénieur système aux dépannages ferroviaires
  • Responsable commercial secteur ferroviaire
  • Responsable ingénierie ferroviaire
  • Responsable planification projet ferroviaire
  • Team leaders essais ferroviaires

etc.

 

* Consulter le rapport : Étude prospective des impacts des mutations de la filière industrielle ferroviaire, sur l'emploi et les besoins de compétences de décembre 2020, menée par l’Observatoire de la Métallurgie et la Fédération des Industries du Ferroviaire.

Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

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