Les collectivités territoriales recrutent 10 000 à 12 000 cadres cette année mais manquent de candidats

Gwenole Guiomard

SECTEUR QUI RECRUTE – La fonction publique territoriale va recruter 10 à 12 000 cadres en 2022. Quasi tous les métiers sont en tension et près de 40 % des collectivités éprouvent des difficultés à recruter. La faute aux salaires trop bas par rapport au privé mais aussi au type de contrat proposé. Consciente de leurs handicaps, les collectivités compensent avec des avantages qui peuvent faire tilt pour les cadres qui ont envie de changer de style de vie : télétravail, logement de fonction, cadre de vie agréable, mais aussi des primes, une part variable ou une place en crèche... Nos conseils pour intégrer des métiers « méconnus » qui permettent de servir ses concitoyens.
Les collectivités territoriales recrutent 10 000 à 12 000 cadres cette année mais manquent de candidats

Ils témoignent

  • Aline Crépin, directrice de l’innovation sociale et des affaires publiques au sein du groupe Randstad
  • Florent Noulette, manager en charge de la practice fonction territoriale pour le cabinet de recrutement Michael Page
  • Loïc Douyere, dirigeant associé de Florian Mantione Institut
  • Christophe Kergosien est aujourd’hui directeur général des services (DGS) de la commune de Porspoder (Finistère)

 

C’est un constat dressé par l’ensemble des élus de France : dans un marché du recrutement où les cadres sont statistiquement en situation de plein emploi, les employeurs de la fonction publique éprouvent de réelles difficultés à attirer les fameux « talents ». « Les difficultés qu’éprouvent les collectivités locales à embaucher sont importantes, confirme Aline Crépin, la directrice de l’innovation sociale et des affaires publiques au sein du groupe Randstad, entreprise publiant tous les ans son baromètre des collectivités locales. 39 % d’entre elles signalent connaitre des difficultés à embaucher et 69 % les estiment liées aux manques de candidature. Ce taux était de 45 % en 2015 ».

Quelles offres d'emploi dans les collectivités territoriales ?

Retrouvez les postes à pourvoir en ce moment via Cadremploi

Source : viepublique.fr

A quels postes cadres recrutent les collectivités territoriales ?

C’est un cri unanime : l’ensemble des postes d’encadrements est concerné par une pénurie de main d’œuvre qualifiée. C’est même encore plus « tendu » pour les postes techniques liés à l’informatique, la gestion des bâtiments, l’ensemble des services généraux et tous les postes où collectivités locales et entreprises privées sont en concurrence pour embaucher des managers et des experts. Et ce d’autant plus que les salaires du public sont à la traine et que les « métiers de la ville » sont méconnus. Une certaine désaffection de la population pour la chose publique, les agressions d’élus, les fortes tensions entre administrés et salariés, le départ en retraite des fonctionnaires n’arrangent rien.

« Pourtant, ces collectivités peuvent apporter de belles carrières en termes d’intérêts des projets menés, de qualité de vie au travail, de cadre de vie », argumente Aline Crépin de Randstad.

Florent Noulette

« Les tensions sont présentes à tous les niveaux, tous sujets et tous les métiers, ajoute Florent Noulette, manager en charge de la practice fonction territoriale pour le cabinet de recrutement Michael Page. Les embauches sont nombreuses. Début 2022, il y en avait 22 000 dont 7000 à destination des cadres de catégorie A » sur le site du Centre National de la Fonction publique territoriale. Et le chasseur de tête d’égrener, à la Prévert, les postes recherchés : « directeur financier, des ressources humaines, des affaires juridiques, des contrôleurs de gestion, des acheteurs publics ».

Aujourd’hui, on distingue 3 types de métiers les plus en tension :

  • Les spécialistes IT. Ils s’arrachent les responsables informatiques, les administrateurs réseau et autres responsables exploitation et infrastructures.
  • Les responsables des services techniques. Ce peut être des spécialistes des bâtiments, de la mobilité comme les chargés d’opération, les chefs de projet… C’est le cas de ce spécialiste qui travaillait dans le privé. Il vient d’accepter en janvier 2022 un poste similaire pour une collectivité francilienne de quelque 40 000 habitants. Il a sauté le pas car il passe de responsable de la maitrise d’œuvre à celle de maitrise d’ouvrage. Il gèrera donc des projets de A jusqu’à Z. A 45 ans, avec 20 ans d’expérience dans le privé, il sera rémunéré 3 500 euros net par mois contre 5000 euros lors de son poste précédent. Pourquoi a-t-il sauté le pas ? « Le boulot est plus intéressant et permet des perspectives de carrière plus importantes laissant supposer un rattrapage en matière de salaire dans les années qui viennent. » C’est aussi le cas de ce directeur de projets en urbanisme qui vient d’être embauché dans une ville d’Occitanie. Il perçoit aujourd’hui, dans sa commune, 50 000 euros net par an. Il a pour fonction de redessiner sa nouvelle agglomération. Un projet passionnant pour un urbaniste d’un grand cabinet parisien qui en a profité pour revenir dans sa région.
Loic Douyere
  • Les directeurs des services généraux. « C’est le cas en ce moment dans une mairie dont l’actuel maire a connu une réélection difficile, explique Loïc Douyere, dirigeant associé de Florian Mantione Institut qui réalise une cinquantaine de missions « collectivités locales » par an. Il recherche un directeur général des services qui sera la cheville ouvrière pilotant sa politique et ses équipes. Je suis donc en quête d’un manager ayant une expérience en gestion d’un centre de profit pour un salaire avoisinant les 30 000 à 40 000 euros brut par an. S’il travaillait dans une plus grosse commune, il pourrait espérer quelque 50 000 brut par an. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas beaucoup par rapport au secteur privé, pour les responsabilités demandées et le niveau d’étude à Bac +5 exigé ».

Quels sont les salaires et contrats proposés par les collectivités territoriales ?

Dans la fonction publique territoriale, le salaire proposé se situe en deçà des rémunérations du privé. Pire encore, les contrats de travail en cours pour les non-fonctionnaires sont souvent de 1 à 3 ans renouvelables une fois avant d’atteindre le graal de la durée indéterminée. Le “CDI direct” n’est donc pas autorisé dans la Fonction publique territoriale.

Aline Crépin

 

Pour contrer ces deux handicaps majeurs, les collectivités doivent rivaliser d’imagination et actionnent d’autres leviers : télétravail, un logement de fonction, un cadre de vie agréable, mais aussi des primes, une part variable, une place en crèche pour les enfants (cela peut équivaloir à quelque 1000 euros par mois dans certaines villes). C’est ainsi qu’un directeur général des services d’une petite commune de l’Est de la France (2 400 âmes) a négocié 26 000 euros de salaire additionné d’une « prime » de 10 000 euros (soit 36 000 euros nets par an) pour un contrat de 3 ans à la place de 1 an et, en sus, des chèques-déjeuners et des chèques-vacances. « Un cadre doit aborder tous ces sujets lors de la négociation de son contrat de travail, conseille Aline Crépin de Randstad. C’est d’autant plus facile s’il y a mobilité du futur encadrant ».

collectivités territoriales: quelles possibilités de reconversion ?

En matière d’embauche, la balle est donc dans le camp des cadres. C’est le moment, pour ces derniers, en recherche de sens, de qualité de vie au travail et d’un cadre de vie moins stressant, de sauter le pas et de rencontrer les 45 000 employeurs publics présents sur l’ensemble du territoire proposant près de 300 métiers différents. D’autant que les départs en retraite, d’ici à 2030, devraient concerner entre 300 000 et 500 000 salariés de la fonction publique territoriale…

Pour cela, renseignez-vous sur les activités du service visé. Il peut y avoir de grandes différences entre la fonction d’un responsable informatique en entreprise privé et son homologue du public. Il faut aussi se déplacer et tenter de rencontrer les responsables des services visés. Ils évoquent facilement leur métier. Il est aussi impératif de bien maitriser les actuels et futurs projets de la collectivité impactant son métier et réfléchir à ses éventuelles compétences transférables tout comme celles qui demanderont une formation. « Enfin, ponctue Florent Noulette de Michael Page, le cadre intéressé doit se placer dans une logique de reconversion en mettant en avant ses compétences techniques, ses compétences métiers pour expliquer aux recruteurs que son projet est « mûr » et réfléchi. Si je prends l’exemple d’un directeur financier du privé, il indiquera maîtriser l’analyse comptable, la stratégie financière, précisera avoir analysé les besoins de la collectivité visée, le rythme de son budget. Cela rassure et permet de séduire les employeurs du public ».

Christophe Kergosien : de chômeur à directeur général des services dans le Finistère

Christophe Kergosien

Christophe Kergosien est aujourd’hui directeur général des services (DGS) de la commune de Porspoder en Penn ar bed (Finistère/1 800 habitants). Il y a un an, il avait démissionné de son précédent job pour suivre sa conjointe. Après une case demandeur d’emploi suivie d’une formation, il a été recruté DGS.

« J’étais chargé de mission en CDI au Conseil régional de Bretagne, à Rennes, et ai démissionné pour suivre ma conjointe dans la région brestoise. J’étais alors demandeur d’emploi et ai pu, ainsi, suivre une formation assurée par le centre de gestion du Finistère. Il en existe un dans chaque département. Nous étions une centaine de postulants, 9 ont été retenus… Ce cursus court, en alternance, extrêmement dense, m’a formé en 3 mois aux métiers de secrétaire de mairie. J’ai terminé ce cursus en décembre 2020 et ai intégré le service intérim du centre de gestion. J’ai eu ma 1e mission le 14 janvier 2021 pour la terminer en avril. Cette première commune a souhaité m’embaucher mais nous ne nous sommes pas entendus sur la durée du contrat. La ville me proposait un an de contrat, j’en voulais 3… J’ai donc postulé à Porspoder et j’y travaille depuis le 19 avril 2021 comme directeur général des services. Parmi les 9 stagiaires de ma promo, tous ont un travail. J’officie au bord de la mer, je touche à tous les aspects de la vie publique, concrétise la mise en œuvre du programme de l’équipe municipale avec de nombreux marchés publics à la clé. Je suis à la tête d’une « petite entreprise » de 20 agents, je viens d’embaucher un médiathécaire pour assurer un nouveau service public sur la commune. Les missions sont donc extrêmement variées. Tu n’as pas le temps de t’ennuyer. C’est passionnant ».

Collectivités territoriales : les fonctions les plus demandées

Voici une liste des fonctions les plus demandées par les employeurs fin 2021. Cette liste est issue des offres d’emploi parues sur le site « Cadremploi » au dernier trimestre 2021.

  • Consultant Expérimenté Pilotage Financier
  • Adjoint au responsable pôle administratif et comptable
  • Directeur du foncier et de l'urbanisme
  • Instructeur de droit des sols
  • Chargé de Mission Financière
  • DGA Administration Générale H/F
  • DGA Attractivité et Développement H/F
  • Directeur de Cabinet
  • Directeur des Finances
  • Directeur(trice) de la Communication
  • Directeur(trice) des Affaires Juridiques
  • Directeur(trice) des Finances
  • Juriste Marchés Publics
  • Responsable Achats et Commande Publique
  • Consultant expérimenté Secteur Public
  • DGA
  • Directeur Général des Services
  • Secrétaire Général
  • Ingénieur Economiste de la Construction
  • Ingénieur Projet Smart City
  • Contrôleur de Gestion
  • Chef de projet contrôle de gestion sociale
  • Chef du service carrières et paie
  • Directeur des Ressources Humaines
  • Médecin Généraliste
  • Responsable de l'Aide Sociale à l'Enfance
  • Chef de Projets Applicatifs
  • Directeur(trice) des Services Techniques
  • DSI
  • Ingénieur Cybersécurité
  • Ingénieur Spécialiste en IA
  • Ingénieur Systèmes, Réseaux et Sécurité
  • Ingénieur(e) Expert(e) Télécom
  • Responsable Exploitation et Infrastructures
  • Responsable Systèmes Informatiques
  •  
Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

Vous aimerez aussi :