L’aviation recrutera 40 000 pilotes de ligne par an. Faut-il postuler ou se lancer dans une reconversion ?

Gwenole Guiomard

SECTEUR QUI RECRUTE – Les compagnies aériennes devraient recruter quelque 40 000 pilotes par an pendant les cinq prochaines années. Nos lecteurs nous demandent s’il est raisonnable de postuler, voire de se lancer dans une reconversion. Il ne faut pas oublier que le secteur sort d'une crise historique, nul ne sait quel sera l’avenir des avions thermiques et l’économie du monde aérien est pour le moins versatile. De plus, il faut souvent auto-financer sa formation (entre 1400 et 100 000 euros) et un pilote débutant touche souvent l’équivalent du smic. La rédaction de Cadremploi est allée interviewer des pilotes et des formateurs afin que vous puissiez vous faire votre propre idée.
L’aviation recrutera 40 000 pilotes de ligne par an.  Faut-il postuler ou se lancer dans une reconversion ?

Ils témoignent

  • Olivier Rigazio, commandant de bord chez Transavia, membre du bureau exécutif du SNPL, le syndicat national des pilotes de ligne
  • Geoffroy Bouvet, président de l’Association des professionnels navigants de l’aviation (Apna)
  • Stéphane Larrieu, pilote à Air France et directeur adjoint de l’école Mermoz Academy
  • Thomas Aoudia, directeur de la formation initiale d’Airbus Flight Academy
  • Thierry de Basquiat, directeur de la formation au pilotage et des vols de l’Enac

200 000 embauches de pilote dans le monde si tout va bien dans les 5 ans

La courbe des recrutements de pilotes de ligne est, de nouveau, au plus haut en cette fin de Covid. Selon les avionneurs, près de 200 000 embauches de pilotes sont prévus dans les 5 prochaines années dans le monde. Cela représente 40 000 recrutements par an. Est-ce alors une raison suffisante pour s’y lancer ?

Olivier Rigazio

« Le recrutement des pilotes est cyclique, répond, mi-figue-mi-raisin, le commandant de bord chez Transavia Olivier Rigazio, 51 ans, 28 ans d’expérience professionnelle, membre du bureau exécutif du SNPL, le syndicat national des pilotes de ligne, la structure représentative du métier. Pendant le Covid, 18000 pilotes ont perdu leur emploi en Europe. Maintenant que les vols repartent, il faudra les remplacer. Le secteur va tout d’abord embaucher les pilotes les plus expérimentés. Puis, les compagnies recruteront des plus jeunes. Mais, pour l’instant, les employeurs ont le choix ».

Reste que l’on peut imaginer, sans certitude – il suffit d’un événement international comme une guerre ou un virus pour plomber le trafic aérien –, que 2023 sera une très bonne année pour le recrutement de pilotes.

Un démarrage de carrière complexe

Geoffroy Bouvet

Ceci précisé, il est intéressant de se « former en période de sortie de crise donc en début de charge comme en cette fin 2022, commente Geoffroy Bouvet, président de l’association des professionnels navigants de l’aviation (Apna), un groupement créé en 1927, « acteur de la formation et de l’emploi des pilotes ». Le besoin est monstrueux aux USA et fort en Asie avec le danger de devoir débuter pour des employeurs indélicats aux salaires bas où l’on paye pour travailler… Ce démarrage dans la carrière peut s’avérer compliqué. Mais il y aura l’espoir de travailler, après quelques années d’expérience, pour une entreprise qui paye bien ».

Des compétences pointues mais peu transférables

Stéphane Larrieu

Le métier de pilote s’est complexifié. « Pour faire un bon pilote, un collaborateur doit disposer de compétences techniques mais avoir aussi travaillé ses soft skills, comme la gestion de la charge de travail, la vitesse de prise de décision, la conscience de la situation et la communication », explique Stéphane Larrieu, pilote à Air France et directeur adjoint de Mermoz Academy formant en deux ans 80 pilotes par promotion (coût : 74 500 euros). L’établissement propose aussi un master en management des compagnies aériennes en alternance.

Encore davantage aujourd’hui, le pilote de ligne est multitâche, à la fois responsable de son avion mais aussi de la communication avec ses passagers. Doté  de sang froid, il doit aussi être avenant pour cohabiter avec un autre pilote, pas toujours un ami, dans un minuscule cockpit en plaçant la sécurité au-dessus de tout. Le pilote doit aussi parler parfaitement anglais et pour progresser dans la carrière acquérir des notions de management.

La France compte près de 8.500 pilotes de ligne.
Source : rapport d’activité DGAC 2020
Thomas Aoudia

« Il est essentiel de bien parler anglais et d’avoir une sensibilité aux impacts environnementaux des avions », précise Thomas Aoudia, directeur de la formation initiale d’Airbus flight academy, située à Angoulême, la référence en France selon l’Apna. L’établissement a été créé par l’avionneur pour aider ses clients à trouver des pilotes.

A ce niveau, ces cadres émargent à plus de 100 000 euros brut par an. Mais ils demeurent pilote instructeur, conseiller technique ou expert en aéronautique.. Pas facile, pour ces spécialistes, d’évoluer vers d’autres secteurs.

Des salaires problématiques en début de carrière

Toutes les compagnies, en matière de salaire et de condition de travail, ne se valent pas. Pour éliminer les employeurs à fuir – il y en a –  il faudra se rapprocher des syndicats de pilotes qui donneront des renseignements précis sur les bons employeurs et les autres.

C’est la même chose au niveau des salaires. Certaines compagnies proposent une rémunération proche du Smic (20 147,4 euros brut par an) ; d’autres ne permettent pas d’être salarié et imposent un contrat d’autoentrepreneur où le pilote facture à la prestation.

La plupart du temps, les pilotes débutent, contraints et forcés, dans ces entreprises pour acquérir de l’expérience et voguer vers d’autres sociétés où il fait bon travailler.

Des salaires qui décollent avec l’expérience

Dans ces structures qui payent bien, c’est le cas de la plupart des compagnies françaises, le salaire d’un jeune pilote débutera aux alentours de 35 000 à 40 000 euros brut par an. Mais cela dépend aussi des heures de vol. Selon les saisons, la rémunération d’un pilote fluctue de 30 à 40 %. Avec 5 ans d’expérience, un pilote pourra ensuite espérer des salaires tournant autour de 43 000 à 45 000 euros brut par an. Puis, au bout de 10 ans, devenu commandant de bord, des rémunérations de 60 000 à 80 000 euros brut par an pour atteindre ensuite plus de 100 000 euros brut par an.

Des formations privées très coûteuses

En France, pour se former aux écoles de pilote les moins onéreuses, la concurrence est féroce. Seules quelques écoles proposent des cursus aux frais de scolarité faibles comme l’Enac et les cadets d’Air France. Ou la voie militaire intéressante mais qui impose de rester sous les drapeaux pendant au moins 8 ans. Ces écoles constituent la voie royale avec des bons salaires quasi assurés…

1410 euros de droit de scolarité par an sur 3 ans à l’ENAC

Thierry de Basquiat

« Pour un pilote, le parcours idéal débutera par une école de qualité, ajoute Thierry de Basquiat, directeur de la formation au pilotage et des vols de l’Enac (25 diplômés par an au cursus Elève Pilote de Ligne - EPL - pour 750 candidats) pour des frais de scolarité universitaires (1410 euros de droit de scolarité par an sur 3 ans). Le diplômé deviendra pilote puis copilote puis commandant de bord suite à des formations exigeantes et régulières. Ensuite, il sera possible de devenir instructeur et décrocher des postes de management comme responsable des formations ou des opérations aériennes, des postes cumulatifs à la fonction de pilote ».

Pour les autres, la majorité, les pilotes doivent se payer des cursus privés dont le coût avoisine les 100 000 euros auxquels il faudra ajouter au moins 30 000 euros pour se qualifier sur un avion précis.

74 500 € le cursus de pilote de la Mermoz Academy

Le cursus forme en deux ans 80 pilotes par promotion et coûte 74 500 euros. L’établissement propose aussi un master en management des compagnies aériennes en alternance.

100 000 € le cursus de Airbus Flight Academy

Le campus est situé à Angoulême et constitue la référence en France selon l’Apna. Le cursus de 18 mois à 100 000 euros concerne les plus de 18 ans sans critère académique mais avec un test à l'entrée.

Pour faire le bon choix parmi ces cursus, le SNPL met en garde contre des écoles peu scrupuleuses et conseille de choisir des cursus ayant signé la charte que le syndicat propose afin d’éviter les dépôts de bilan de l’établissement – c’est arrivé –. Lire ici les conseils du SNPL et là ceux de l’Apna. Car les écoles de pilotage ne forment pas toujours aux compétences requises. Il faut donc être méfiant et mesurer le risque.

Les femmes et l’aéronautique, ça ne plane pas vraiment pour elles

Le sujet a été abordé dans notre rubrique HAPPY PARITE à lire ici.

Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

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