Les licenciements de la tech US vont-ils profiter aux entreprises françaises qui galèrent pour recruter ?

Sylvie Laidet-Ratier

ENQUETE – Une étude américaine annonce que sur les 170 000 licenciements dans la tech US, 74% des personnes ont déjà retrouvé un boulot. Parmi le quart encore sur le carreau figurent des Français. D’où notre question : ces derniers vont-ils rentrer travailler en France ? Et les autres licenciés ? Est-ce que notamment les Indiens, qui préfèrent historiquement bosser aux États-Unis, accepteraient de postuler dans l’Hexagone ? Les réponses de 4 experts du recrutement sur le marché français. N'hésitez pas à apporter vos propres commentaires dans le forum ci-dessous ou en partageant l'article sur les réseaux sociaux.

Quatre experts commentent les conséquences des licenciements massifs de la Tech US sur les recrutements en France. En un mot : RAS !

Les licenciements de la tech US vont-ils profiter aux entreprises françaises qui galèrent pour recruter ?
Quatre experts commentent les conséquences des licenciements massifs de la Tech US sur les recrutements en France. En un mot : RAS !

Ils témoignent

  • Sacha Kalusevic, directeur senior chez Michael Page Technology
  • Marie-Claire Lemaitre, groupe associate chez Mercuri Urval France
  • Marguerite Monrose, directrice des opérations marketing France et Benelux au sein de Remote
  • Emmanuel Stanislas, dirigeant du cabinet de recrutement Clémentine.

Les champions français de la tech aux Etats-Unis vont-ils rentrer en France ?

Sur le papier l’équation parait simple : débarqués du jour au lendemain des géants de la tech américaine, les cracks français de IT vont sans doute faire leurs cartons pour revenir bosser dans l’Hexagone et ainsi faciliter la vie de centaines de recruteurs qui rament pour trouver des candidats compétents, partants et disponibles.

Lire aussi >> La tech américaine continue de se serrer la ceinture

Voilà pour la théorie. Car dans la pratique, pour l’instant, rien ne semble bouger.

A ce jour, ce qui se passe dans la tech américaine a zéro impact en Europe.
Sacha Kalusevic, directeur senior chez Michael Page Technology

Autrement dit, les recruteurs ne décèlent aucun retour de Frenchies ayant le mal du pays. Les cabinets que nous avons interrogés n’ont même reçu aucun CV d’outre-Atlantique depuis l’annonce de la vague de licenciements dans la tech américaine.

Pourquoi un tel silence radio ?

« Il y a une telle pénurie de profils IT dans le monde que ceux qui sont aux USA n’auront pas de mal à retrouver un job rapidement. Peut-être pas chez des géants dans le tech mais plus largement que l’écosystème de start-up », ajoute-t-il.

Et puis, il y a évidemment la question de la rémunération.

Aux USA, les salaires sont bien supérieurs à ceux de la France. Les potentiels candidats au retour ne sont pas prêts à sacrifier leur niveau de rémunération. Et en face, les entreprises ne peuvent pas s’aligner sur les salaires américains.
Marie-Claire Lemaitre, groupe associate chez Mercuri Urval France.

Selon notre expert de Michael Page Technology, les salaires IT aux USA sont 25 à 40% au -dessus de ceux du marché français. « J’ai eu par le passé un français implanté aux USA qui gagnait 180 000 dollars par an. Pour rentrer, il était prêt à consentir une baisse de sa rémunération à 120 000 euros. Sauf qu’en France, il valait entre 80 et 100 000 euros », illustre Sacha Kalusevic. Il est donc resté aux États-Unis.

« Si les entreprises françaises sont réactives, ce serait pour elles intéressant de chasser ces talents Tech basés aux US mais attention à la surenchère salariale. Cette approche est plutôt viable pour les grands groupes, mais également pour les PME ou ETI, qui peuvent s’aligner avec le marché. Pour les structures de plus petites tailles, avec des budgets réduits, il convient d'élargir les recherches à plusieurs zones géographiques », précise Marguerite Monrose, directrice des opérations marketing France et Benelux au sein de Remote, spécialisé dans la gestion et le soutien des effectifs distribués à l'échelle mondiale.

Les entreprises françaises vont-elles se tourner vers des candidats étrangers ? Les Indiens par exemple ?

Là encore, pas si sûr. Même si le recrutement de talents s’est largement internationalisé, avec notamment la possibilité de télétravailler de partout, les entreprises françaises n’en sont pas nécessairement friandes.

Marguerite Monrose

« Seules 11 % d’entre elles embauchent à l'étranger dans le but de pourvoir des postes dans le secteur de la tech, soit le taux le plus bas en comparaison à la moyenne globale (29 %). Les Pays-Bas (40 %), le Royaume-Uni (25 %), l’Allemagne (23 %) et les États-Unis (20 %) sont les pays qui recrutent le plus en dehors de leurs frontières pour répondre au manque de profils dans leurs marchés », souligne Marguerite Monrose.

 

Donc les boîtes françaises restent frileuses sur le sujet. Et quand elles passent à l’action, « plus des deux tiers (78 %) des entreprises françaises se tournent vers New York, Londres, Berlin ou San Francisco, les écosystèmes dans le domaine de la tech les plus anciens. Les pôles émergents tels que Buenos Aires, Helsinki et Guadalajara sont cependant pris en compte par presque la moitié (46 %) des firmes en France », ajoute-t-elle.

 

On le voit, la pénurie de talents dans la tech en France ne poussent pour l’instant pas massivement les employeurs nationaux à ouvrir leurs chakras sur l’étranger. La fin de la pénurie de talents n’est donc pas pour demain. Avec un bémol toutefois niveau salaire.

Emmanuel Stanislas

« Les scale up ont en ce moment du mal à se refinancer donc elles font être plus prudentes dans la maitrise de leurs coût salariaux. En France, les géants comme Google ou Microsoft ont gelé leurs recrutements. Tout ça pour dire qu’à l’avenir il y aura peut-être moins de démesure dans les exigences des candidats en termes de rémunération », conclut Emmanuel Stanislas, dirigeant du cabinet de recrutement Clémentine.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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