Licenciements : 5 raisons pour lesquelles les entreprises préfèrent les éviter

Aurélie Tachot

POINTS DE VUE – Nokia, ADP, Celio, Vivarte, Air France, Renault... Les effets collatéraux du Covid-19 se font sentir et la liste des entreprises annonçant des suppressions de poste s’allonge de jour en jour. Si licencier est un acte de bonne gestion, il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les entreprises ont tout intérêt à ne pas réduire leurs effectifs. Voici celles que vous pouvez souffler à l’oreille de votre boss. Elles relèvent de convictions défendues par Pierre Minodier (Centre des jeunes dirigeants), Eric Jacquot (Groupe d’entraide et de réflexion au management) et Caroline Weber (Association Progrès du management).
Licenciements : 5 raisons pour lesquelles les entreprises préfèrent les éviter

Ils témoignent

 

  • Pierre Minodier, président du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD)
  • Éric Jacquot, animateur au sein de l’association Germe
  • Caroline Weber, directrice générale de MiddleNext et experte en gouvernance à l’APM

Licencier, c’est risquer de perdre des talents définitivement

« Les salariés représentent 90 % de la valeur ajoutée de l’entreprise. Se séparer de ses talents, c’est faire une croix sur les connaissances qu’ils ont acquises sur leur marché. C’est donc risquer de ne pas redémarrer aussi efficacement le jour où la reprise sera là », estime Pierre Minodier, président du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD). Licencier trop vite peut être un mauvais calcul. « Lorsqu’un cadre quitte l’entreprise, il part avec l’équivalent d’une année de provision. Le coût de transaction peut donc être élevé pour l’entreprise, d’autant plus s’il y a un rebond quelques mois après, qu’elle n’a plus de ressources humaines pour se relancer et qu’elle doit de nouveau recruter des talents », explique Éric Jacquot, animateur au sein de l’association Germe (groupe d’entraide et de réflexion au management). Or, « lorsque le marché de l’emploi se tend comme c’est le cas actuellement, la concurrence est rude pour dénicher les meilleurs profils », ajoute-t-il.

Un PSE est délétère et peut coûter cher aux entreprises
Éric Jacquot, animateur au sein de l’association Germe

Licencier, c’est perdre la confiance de ceux qui restent

Un licenciement est un traumatisme pour les cadres qui sont évincés de l’entreprise, mais aussi pour « les survivants », c’est-à-dire ceux qui restent. « À l’issue d’un plan de sauvegarde de l’emploi, les salariés qui gardent leur poste passent souvent par une phase de démotivation. Elle s’explique par la perte de confiance qu’ils ont envers leurs dirigeants, mais aussi par le fait qu’ils doivent faire le deuil de leurs précédents collègues. En cela, un PSE est délétère et peut coûter cher aux entreprises », confirme Eric Jacquot (Germe). Et pour cause : ce repli, souvent silencieux, cache parfois beaucoup de souffrance... Pour Pierre Minodier (CJD), la cohésion d’équipe des « survivants » est évidemment entachée. « Lorsqu’une entreprise crée un collectif, que celui-ci est en pleine puissance et que les dirigeants doivent stopper cette cadence, la crainte d’être le prochain qui sera licencié est légitime », précise-t-il.

 

La solidarité, c’est aussi un enjeu d’entreprise

Le rôle des entreprises est de prendre soin de leurs employés. Si ce n’est pas toujours une réalité, c’est, en tous cas, ce qu’attendent les cadres. « En cas de crise, les actionnaires des grandes entreprises réclament souvent un plan d’économie pour protéger leurs dividendes. Il revient aux dirigeants et aux managers de faire preuve de solidarité envers leurs équipes, malgré les réalités comptables, notamment en les fédérant autour d’un nouveau projet », explique Éric Jacquot (Germe). En matière de solidarité, plusieurs dispositifs existent. « Le prêt de salariés entre des entreprises d’un même bassin d’emploi peut, par exemple, être envisagé pour éviter aux structures les plus fragiles de mettre la clé sous la porte », indique Caroline Weber, directrice générale de MiddleNext et experte en gouvernance à l’APM (Association progrès du management). Une solution déjà plébiscitée par certaines entreprises de la distribution, la métallurgie, l’aéronautique ou l’automobile...

La masse salariale n’est pas le seul centre de coût

« La masse salariale est la partie la plus facilement variable lorsqu’on veut réduire les coûts d’une entreprise. Pour autant, considérer l’Homme comme une variable d’ajustement ne devrait pas être un réflexe, estime Éric Jacquot (Germe). Il y a des coûts structurels relatifs à la location de bureaux qui peuvent d’abord être envisagés, d’autant plus avec l’explosion du télétravail qui, bien encadré, peut à la fois être une source de productivité et d’économie. » Sur ce sujet, il est toutefois impossible de faire des généralités. « Pour certaines entreprises industrielles, le plus gros centre de coûts est l’amortissement de machines, dont elles ne peuvent se passer pour continuer à produire », illustre Caroline Weber (APM). Pour préserver le maximum d’emploi, « il est également possible de répartir le travail différemment, par exemple en passant en 3x8 plutôt qu’en 2x8 dans l’industrie », ajoute-t-elle.

Les cadres devront se montrer acteurs des changements à venir, prendre des initiatives pour sauver leur peau.
Pierre Minodier, président du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise

Licencier, c’est perdre l’occasion d’être audacieux

Les comptes de l’entreprise sont dans le rouge ? Ce n’est pas le moment de se démobiliser. C’est dans la difficulté que l’on reconnait les meilleurs dirigeants, insiste Éric Jacquot (Germe). « Nous traversons une crise inédite qui met en danger de nombreuses sociétés. Celles qui survivront dans un contexte d’austérité seront celles qui auront un esprit offensif. Alors que les cartes s’apprêtent à être redistribuées, ce n’est pas le moment d’être frileux. Les dirigeants confrontés à des situations de surendettement ont des réflexions à mener sur leur organisation du travail, la gestion de leur modèle de production... C’est leur faculté à prendre des risques, à faire preuve d’audace qui leur permettra de rebondir », estime-t-il. Les cadres ont, dans cette crise, une carte à jouer. « Ils devront se montrer intrapreneurs, c’est-à-dire se montrer acteurs des changements à venir, prendre des initiatives pour sauver leur peau », conclut Pierre Minodier (CJD).

Aurélie Tachot
Aurélie Tachot

Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.

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