Lorraine Kron-du Luart : « Cette crise permet de confirmer la qualité du leadership féminin »

Gwenole Guiomard

PAROLES DE PRO – Lorraine Kron-du Luart est l’une des rares dirigeantes françaises d’un cabinet de chasse de têtes haut de gamme. Pour la présidente du bureau de Paris d’Eric Salmon & Partners, cette crise a été l’opportunité de confirmer la qualité du leadership féminin. Le post-coronavirus exigera aussi de recruter des patron(ne)s sachant manager à distance.
Lorraine Kron-du Luart : « Cette crise permet de confirmer la qualité du leadership féminin »

Quel impact la crise du Covid a-t-elle sur vos affaires ?

Lorraine Kron-du Luart : « Nous avons eu la chance de débuter cette crise avec un fort volume de missions de recrutements et de conseil à effectuer. Un peu moins de 5 % de nos clients ont annulé des recrutements en cours, ce qui est un taux proche de la normale d’une période sans coronavirus. Nous observons une légère baisse de nouvelles missions mais surtout nous sommes dans une grande incertitude pour les deux mois à venir. Dès le début de la crise les associés ont baissé leur rémunération de 30 % dans le monde entier. Nous pronostiquons que nos affaires vont s’avérer chaotiques jusqu’au mois de septembre 2020.

Cette crise est aussi révélatrice des failles et robustesses des directions.
Lorraine Kron-du Luart, présidente du bureau de Paris d’Eric Salmon & Partners

Comment expliquez-vous cette relative bonne tenue de votre activité ?

LKDL : Ces périodes de bouleversement sont propices au développement de nos activités. Pour les recrutements, nous intervenons quand le besoin est avéré, nous ne le suscitons que très rarement. Or cette crise est aussi révélatrice, dans les entreprises, des failles et robustesses des directions. Certains se disent en ce moment qu’il faut étoffer un comex, d’autres estiment devoir renforcer certaines fonctions.

Pour les missions de conseils en leadership (organisation, assessment, team effectiveness…) comme pour les métiers du conseil en général, ce sont les moments de changement qui sont pourvoyeurs de missions. Les entreprises nous mandatent pour recruter et optimiser. Fort heureusement, certains demeurent en croissance et ont donc besoin d’embaucher.

 

Vous êtes l’une des rares femmes à gérer un cabinet de chasse de tête de haut niveau. Quelles sont et seront les conséquences de cette crise sanitaire sur l’embauche des top managers féminins ?

 

LKDL : Cette crise permet, peut-être, de confirmer la qualité du leadership féminin. Les Angela Merkel en Allemagne, Mette Frederiksen au Danemark ou Tsai Ing-wen à Taïwan sont des preuves vivantes que leur gestion a plutôt très bien fonctionné. Elles ont démontré leurs capacités à gérer cette crise et ses contextes. Cette crise (re) met en lumière des qualités généralement prêtées par la société aux femmes : la mesure, la possibilité de trouver des compromis, le courage de prendre des décisions, le sens de l’organisation, le multitâche. Et tout cela sans faire assaut de démonstrations testostéronées, sans concours d’attributs… Et – même s’il est vrai que les mœurs évoluent sur ce point – les femmes continuent aussi de gérer une part importante de la sphère familiale. D’où des semaines intenses. Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu un agenda aussi chargé et des journées aussi denses !

 

Il sera désormais essentiel d’évaluer l’agilité des dirigeants à se réinventer.

Quelles sont les compétences qui vont émerger selon vous ?

 

LKDL : La nécessité a fait loi et un dirigeant doit être désormais capable de travailler à distance tout en manageant au mieux ces équipes. C’est un consensus, de la start-up au très grand groupe industriel. Cela demande de se réinventer. Le mot « agilité » a fait florès depuis quelques temps mais, désormais, il sera essentiel de détecter, et d’évaluer l’agilité des dirigeants à se « décaler », à se réinventer, et bien sûr leurs capacités à embarquer, motiver, développer des équipes à distance. Nous devrons évaluer le potentiel en la matière de ceux qui n’en ont pas l’expérience.

 

Quelle est votre dernière mission en cours ?

LKDL : Je recrute actuellement un directeur/directrice général(e) pour une société « consumer/grande consommation ». Le salaire prévu est de 270 000 euros brut par an plus variable ».

Eric Salmon & Partners Paris en quelques chiffres :  

  • 200 recrutements par an en 2019 
  • 13 consultants en 2020
  • CA 2019 :  11 millions d’euros. 19 millions hors de France.
  • CA 2020 prévu en France :  au-dessus de 10 millions d’euros.
Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

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