Manager après le coronavirus : 5 nouvelles routines qu’ils espèrent garder

Aurélie Tachot

TÉMOIGNAGES - Cinq managers ont accepté d’abandonner leur costume de super-héros pour se confier. Ils racontent leurs nouvelles façons d’encadrer nées du confinement. Paradoxalement, c’est la distance forcée qui leur a permis de changer leurs habitudes avec leurs équipes désormais plus soudées, plus autonomes, moins dans le doute… Le résultat leur a donné envie de partager leur vécu avec vous. Ils parlent de ce qu'ils ont découvert sur eux-mêmes, de leurs difficultés, ils partagent leurs doutes et les bonnes résolutions qu'ils ont décidé de garder après le confinement.
Manager après le coronavirus : 5 nouvelles routines qu’ils espèrent garder

Garder une morning routine d'équipe après le confinement

 

On aurait pu croire que la crise du Covid-19 serait plus facile à traverser pour les managers habitués à encadrer leurs équipes à distance. Pas pour Selma Chauvin, VP International Marketing chez PeopleDoc, qui manage une équipe de 35 personnes réparties dans 5 pays européens. : « Lorsque le confinement a été décidé, je ne me suis pas préparée outre mesure car je pensais que ça ne changerait pas la manière dont je travaille au quotidien avec mes équipes. C’était une erreur : je me suis aperçue qu’il y avait une grosse différence entre l’éloignement choisi et subi ».

Habituée, en temps normal, à prendre l’avion dès que des signaux faibles apparaissent, Selma Chauvin a dû se contenter des outils de visioconférence pour garder le lien avec ses équipes. « Depuis le début du confinement, nous échangeons tous les matins pendant une dizaine de minutes pour se donner de nos nouvelles. Avant, nous collaborions beaucoup mais l’esprit d’équipe n’était pas vraiment formalisé. Il m’a fallu une crise comme celle du Covid-19 pour me rendre compte qu’il était indispensable de créer de la proximité avec mes collaborateurs », explique-t-elle.

 

Déléguer sans douter

 

Arrivé en début d’année au sein de la société Gamned, Sébastien Sagols, directeur commercial, n’a pas eu d’autre choix que de faire rapidement confiance dans sa nouvelle équipe lorsque le confinement – donc le télétravail – a été imposé. « Par le passé, il m’a fallu du temps, en tant que manager, pour faire confiance à mes équipes. J’avais notamment des difficultés à déléguer, certainement parce que je craignais de perdre le fil de mon activité mais aussi parce que le flux d’informations devenait de plus en plus rapide. Avec cette crise, j’essaye de cultiver l’autonomie de mon équipe : je les laisse résoudre des problèmes, je leur propose de réfléchir à leurs actions, de prendre le contrôle... Cette approche, qui consiste à leur laisser davantage de place, est positive : ces dernières semaines, j’ai été agréablement surpris par la faculté de mes collaborateurs à prendre des initiatives », raconte-t-il. Un management par la confiance que Sébastien Sagols ne compte pas abandonner à la fin du confinement. « Cette crise a conforté chacun dans l’appréhension de son rôle au sein de l’entreprise. Mon équipe sortira soudée de cette période de turbulence », estime-t-il.

 

Accepter de lâcher prise

 

On dit souvent qu’en pleine tempête, le lâcher-prise est indispensable aux managers pour prendre le recul nécessaire à la bonne marche des équipes. Cette idée résonne fortement dans la tête de Yolaine von Barczy, VP HR et Développement Durable au sein du groupe Shiseido. « Nous vivons dans un monde où nous essayons constamment de tout prévoir. Le mode de fonctionnement des organisations repose sur le fait de faire des scénari et de prévoir une quantité de plans B, dont nous avons besoin pour nous rassurer. Pendant cette crise, j’ai pris conscience qu’il était nécessaire de faire preuve d’anticipation mais qu’il fallait surtout savoir lâcher prise et s’ajuster en fonction du contexte. Cela impose de changer nos modes opératoires : de n’avoir qu’un seul coup d’avance lorsqu’auparavant nous en avions vingt, de sur-communiquer y compris lorsqu’aucun élément nouveau n’est connu et de faire preuve d’humilité en matière de leadership », estime la manager, qui dirige une équipe composée d’une cinquantaine de professionnels RH. Une approche qui implique d’accepter de ne pas avoir réponse à tout. « J’accepte de mieux en mieux de dire « je ne sais pas » à mes équipes, de manager dans l’incertitude. Cette crise marque peut-être la fin du monde des sachants », indique-t-elle.

 

Donner du sens au travail, sans bullshit

 

Le manager obsédé par le contrôle et le reporting, avec les yeux rivés sur les KPI, est-il en voie de disparition ? La réponse est non. Mais ce n’est pas une raison pour se résoudre à une vision uniquement mécaniste de son job. La crise sanitaire amène les managers à répondre aux fameuses questions de quête de sens que se posent de plus en plus de collaborateurs à haute voix. « Il y a quelques jours, l’un de mes collaborateurs m’a dit : « Le monde est en train de s’écrouler et nous, nous faisons des campagnes marketing… » J’ai pris le temps de lui expliquer que notre mission était désormais de préparer le monde d’après, c’est ça donner du sens selon moi », raconte Selma Chauvin de PeopleDoc. Re-mobiliser un collaborateur qui doute nécessite du doigté. Un discours bullshit n’a pas d’effet à long terme.

Le collaborateur a besoin que son N+1 individualise son discours : rappeler la mission de l’entreprise et le sens de l’action de chacun pour la servir. « L’isolement est un facteur de perte de sens. Pour pallier à l’absence de collectif, j’ai instauré, depuis le début du confinement, un point téléphonique avec mes managers de proximité, avec lesquels j’échange généralement deux fois par an. L’objectif est de les réaligner sur les mêmes objectifs, mais aussi de leur redonner du sens. C’est une initiative que je vais sûrement poursuivre après la crise. Cela me permet, par ailleurs, d’avoir un feedback plus direct », explique Mathieu Marque, directeur des opérations au sein de l’activité conseil de l’Apave.

 

Voir le télétravail post-déconfinement comme un plus

 

Longtemps redouté par les managers, le télétravail s’impose - certes par défaut - au sein des entreprises. Jusqu’ici réticents à le mettre en œuvre, certains managers souhaitent désormais y avoir recours, crise sanitaire ou pas. « Chez Ford, le télétravail n’est pas encouragé, mais accepté, explique Stéphanie Loiseau, directrice prévision des ventes et distribution chez Ford Motor Company, qui manage une équipe de 8 cadres. Auparavant, lorsque l’un de mes collaborateurs demandaient à être en télétravail, je m’assurais que les autres membres de l’équipe ne le soient pas en même temps. Depuis le début du confinement, 100 % de mon équipe est en télétravail et ça fonctionne bien. »

Cette crise lui a permis de changer ses convictions à propos du télétravail et de considérer le travail à distance comme un plus : « Il permet à chacun dans mes équipes d’avoir davantage de liberté, d’organiser son temps de travail en fonction de ses contraintes personnelles, d’éviter la fatigue liée au transport en commun ou à la route. En leur permettant de gérer au mieux leur vie personnelle, je suis persuadée qu’ils sont plus efficaces dans leur travail. La démarche de venir au siège ne sera plus subie, mais volontaire. C’est, je pense, un levier de fidélisation fort que de prendre en compte la flexibilité que le télétravail à distance offre à nos équipes ».

Aurélie Tachot
Aurélie Tachot

Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.

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