Des offres à gogo dans les métiers du numérique
Au 1er janvier 2023, la GEN recense plus de 83 000 offres d’emploi en lien avec le numérique et seulement 13 999 formations, soit un indice de tension de l’ordre de 1,19. Cet indice indique en fait le rapport entre le besoin estimé à partir du nombre d’offres d’emplois publiées et la capacité de formation en nombre de cursus disponibles.
« Un indice de tension positif indique qu’il y a beaucoup d’offres d’emploi relativement au nombre de formations disponibles : lorsque l’indice de tension est supérieur à 0, le métier est alors estimé « en tension » », indique Samia Ghozlane, directrice générale de la Grande École du Numérique.
Deux facteurs expliquent cette tension sur ces métiers.
- D’abord, la poursuite à marche forcée de la transformation digitale de l’économie.
- Et évidemment un turn over très important -de l’ordre de 25% à 30% par an- sur ces métiers.
Le nombre d’offres d’emploi évoqués doit tout de même être pondéré par le fait que derrière chaque annonce ne se trouve pas nécessairement un vrai job. De nombreuses entreprises diffusent des offres pour entretenir leur marque employeur mais aussi pour montrer à la concurrence qu’elles restent actives.
« Pour adresser ce biais, nous allons regarder au niveau des Urssaf pour récupérer les données permettant de caractériser les recrutements effectifs », ajoute-t-elle. Quoi qu’il en soit, certains métiers du numérique sont vraiment en tension. Si vous avez ces compétences ultra recherchées, c’est sans doute le moment de vous faire connaitre pour décrocher des jobs en or.
IoT, robotique : la pénurie ultime
Avec un indice de tension de 2,12, c’est le métier sur lequel les employeurs ne trouvent personne. « L’IoT regroupe énormément de corps de métiers, notamment le développement logiciel, le développement mobile, le développement embarqué, la gestion des serveurs et nous pouvons même aller jusqu’à de la robotique et l’électronique. » explique Thomas Baverel, PDG du cabinet de recrutement Silkhom dans le rapport de la GEN. Il ajoute : « Il est d’ailleurs très difficile de faire le distinguo entre le développeur IoT et l’ingénieur IoT ».
Alors pourquoi ça coince ? « On ne répertorie que 235 formations dans l’IoT alors que les besoins sont amenés à augmenter fortement. Notamment pour le déploiement de la 5G, dont les objectifs de couverture devraient être atteints en France en 2030, et qui va faciliter le fonctionnement simultané d’un nombre beaucoup plus important d’objets connectés», souligne Marie-Pierre Lartigue, directrice des opérations réseaux & territoires de la Grande École du Numérique
Product manager, le chef d’orchestre que tout le monde s’arrache
Les besoins de postes en product manager et product owner, qui sont aussi des chefs de projet agiles, sont également très forts, et ce malgré un nombre de formations relativement réduit (366). D’où un indice de tension à 1,85. « Les entreprises qui développent des produits tech ont besoin de profils qui maitrisent la gestion de projet, qui connaissent parfaitement les processus métiers de l’entreprise et qui sont capables d’assurer l’interface entre les entre les développeurs et les utilisateurs », précise-t-elle.
Développement, tests et Ops, un besoin d’experts ou de profils expérimentés
Dans le rapport de la GEN, Alain Assouline, président de WebForce 3 et Frédéric Bardeau, président et co-fondateur de l’école Simplon, font un constat commun : « il y a quelques années il y avait beaucoup de demandes pour le titre de compétence « développeur web et mobile », niveau bac + 2. Aujourd’hui, les entreprises lui préfèrent le « développeur d’applications », niveau bac+3 ».
Une analyse partagée par Ludovic Bertrand, directeur du Réseau des Carif-Oref : « nous constatons dans nos analyses des recrutements que les entreprises recrutent des profils plus formés et expérimentés qu’il y a quelques années. ». Bilan, il n’y a pas tant que ça d’opportunités d’emploi pour les nouveaux entrants sur les métiers du développement.
Autre tendance : la multiplication des offres pour des profils spécialisés en no-code qui émanent principalement de start up ou de scale up qui veulent créer et tester plus rapidement des outils internes ou de nouveaux services, d’agences no-code ou d’ETI/PME qui ont construit en no code leur site, leur appli, ou une partie de leur infrastructure interne, et qui ont besoin de ressources pour les maintenir et les mettre à jour. « Développeur Bubble », « no-code operator », « product builter no-code », « chargé d’automatisation »… une diversité d’intitulés de postes montrent que le marché est en train de se structurer.
« Deux profils métier se distinguent clairement : les développeurs d’applications et ceux qui sont spécialisés en « no-code ops ». J’estimerais les offres non-pourvues à ce jour à quelques centaines, et je suis convaincu qu’il y en aura plusieurs milliers début 2024 », analyse Erwan Kezzar, président de NoCode for Good. Pour autant, impossible de tout faire en no-code, le code a encore de longs jours devant lui : « Code + no-code peuvent donner un alliage très efficient, véloce et puissant. » conclut-il.
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.