Anthony Maldera, LHH Recruitment Solutions : « Les candidats répondent huit fois plus aux offres d’emploi affichant une rémunération »

Sylvie Laidet-Ratier

PAROLES DE PRO Interview #2 – Nouvel épisode de notre série d’interviews sur le marché de l’emploi vu par ceux qui recrutent en 2023. Après la meilleure année « ever » pour le cabinet en 2022, Anthony Maldera, directeur des opérations régions chez LHH Recruitment Solutions, est également optimiste pour 2023. Selon lui, le marché restera à la main des candidats, où notamment les femmes et les seniors ont de belles cartes à jouer. Il souligne que les enjeux de rémunération sont plus que jamais d’actualité et que les candidats osent parler cash dès la première prise de contact. Si cela ne leur convient pas, ils passent leur chemin. D’ailleurs pour gagner plus, notre expert observe différentes stratégies payantes.

Cadremploi interroge les professionnels du recrutement sur leur vision des recrutements 2023. Episode 2 : Anthony Maldera, directeur des opérations régions chez LHH Recruitment Solutions.

Anthony Maldera, LHH Recruitment Solutions : « Les candidats répondent huit fois plus aux offres d’emploi affichant une rémunération »
Cadremploi interroge les professionnels du recrutement sur leur vision des recrutements 2023. Episode 2 : Anthony Maldera, directeur des opérations régions chez LHH Recruitment Solutions.

Sa vision du recrutement en 2023

Comment qualifier l’année 2022 pour votre cabinet ?
Anthony Maldera :
Challenging car on a rapproché deux marques, Spring et Badenoch + Clark. Et historique car le marché du recrutement n’a jamais été aussi dynamique et complexe. 2022 est notre meilleure année ever.

Et 2023 ? Quelles évolutions attendez-vous ?
A.M. : 2023 est à la fois une année incertaine au niveau géopolitique et économique. Pour autant, nous avons quelques certitudes. Le management de transition va continuer à bien se porter. Notre activité de recrutements de cadres également. Idem pour les campagnes d’embauches massives, nos assessment centers et la chasse de tête.

Activités d’avenir : IT et science de la vie

Quels secteurs vous inspirent confiance pour les recrutements 2023 ?
A.M. : Sans hésiter, l’IT et le « life science ». On recherche tous des DSI, des RSSI, des développeurs…. Et ce, dans tous les secteurs d’activité. En santé, l’industrie pharmaceutique va avoir besoin de se staffer, notamment au niveau de la R&D. Les labos d’analyse devraient également embaucher.

Les candidats imposent leur loi

Comment les attentes des candidats et des entreprises vont-elles évoluer en 2023 ?
A.M. : Les candidats veulent des salaires de plus en plus importants, davantage de flexibilité dans leurs horaires de travail, du télétravail, travailler en mode projet, et scrutent de près les problématiques de RSE des employeurs. On a également de plus en plus de questions sur les politiques de développement des collaborateurs : « combien d’heures consacrées au onboarding ? Quel parcours de formation possible en interne ? Vais-je avoir un mentor ? Un tuteur ? Au bout de combien de temps vais-je pouvoir évoluer ? Ma promotion sera-t-elle assortie d’une augmentation ? ». En face, on a des entreprises qui recherchent des candidats fiables car les désistements en cours de process sont nombreux. Les candidats trouvent mieux et plus cher ailleurs ou se font « racheter » par leur employeur qui accepte leurs exigences salariales. On constate également de nombreux départs au bout de 6 mois.

Pas de salaires affichés, moins de candidats

Quelles évolutions notables dans les process de recrutement en 2023 ?
A.M. : L’affichage de la rémunération dans les offres d’emploi devrait devenir plus systématique sinon, les candidats ne postuleront même pas. Dans notre cabinet, on a 8 fois plus de candidatures sur les offres qui précisent la rémunération. Le salaire est abordé de plus en plus tôt dans le process de recrutement. Dès l’entretien de pré-qualification, les candidats osent désormais demander des précisions sur le fixe, le variable et les périphériques.

L’année de l’ouverture aux séniors

Plus d'ouverture aux candidats séniors ?
A.M. : oui c’est une évidence notamment sur les métiers pénuriques et quand les seniors disposent d’expertise pointue sur un sujet. Le gouvernement demande aux entreprises de booster l’emploi des seniors, donc elles vont y être obligées. Comme pour l’égalité femmes -hommes, les mentalités vont devoir évoluer.

Le diplôme reste la référence

Plus d’ouvertures aux cadres qui veulent changer de secteur ? De région ?
A M : pour la mobilité géographique, ce sont souvent les candidats qui ne veulent pas bouger et pas les entreprises qui rechignent. Passer d’un secteur à un autre est en revanche toujours très difficile car en France, le diplôme reste une référence. Donc si les candidats ne sont pas formés sur un domaine, ils auront du mal à changer de secteur. J’ai vécu au Canada et j’y ai vu des DAF émargeant à 120 000 dollars recommencer une carrière dans un autre univers en tant que chef comptable à 60 000 dollars et ensuite gravir les échelons. En France, le seul secteur qui permet ce type de changement sont les associations car elles manquent de candidats.

Avec le recul, est-ce que la crise sanitaire a changé les skills demandées aux cadres ?
A.M. : on attend désormais des managers qu’ils soient moins dans le contrôle et davantage dans l’accompagnement. Ils doivent avoir cette capacité à faciliter le travail collaboratif, à créer du lien et à embarquer des équipes en mode projet, petit ou grand d’ailleurs.

L’influence des sites de notation d’entreprises

Quelles questions posent les candidats et qu’ils ne posaient pas avant ?
A.M. : on l’a dit plus haut, le salaire et les plans de développement font partie des priorités des candidats donc ils nous interrogent d’emblée sur ces sujets. Et surtout, ils se renseignent en amont sur les entreprises en regardant de près les avis sur des sites comme Glassdoor. S’ils trouvent trop d’avis négatifs, ils ne postulent même plus.

Les stratégies de carrière pour gagner plus

Quelle meilleure stratégie pour réussir un gap de salaire en 2023 ? Rester ? Partir ? Revenir ? Se former ?
A.M. : tout dépend bien sûr des entreprises. Mettre sur la table une offre d’embauche externe à +20% est un excellent moyen de se faire « racheter » à ce prix-là – voire plus – par son employeur actuel. Surtout si on est sur un métier pénurique. Si le collaborateur est sur une fonction moins en vogue, il peut espérer une gap salarial en participant à des projets stratégiques par exemple. Changer de boite permet évidemment de faire un vrai gap salarial. Et puis revenir chez son ancien employeur au bout de deux ans peut aussi être payant. En effet, le salarié aura au moins pris + 10% en quittant sa boite et il peut espérer au moins +10% en y revenant. Alors que sans bouger, il n’aurait jamais augmenté son salaire de 20% au bout de 2 ans.

Qu’est-ce qui naîtra de meilleur pour vos métiers d’intermédiaire du recrutement ?
A.M. : un rôle accru de conseil auprès de nos clients. En effet, le sourcing va être facilité par le développement des IA et dans le même temps, on va devoir trouver des candidats pour de nouveaux métiers pour lesquels il n’y aura pas encore nécessairement de formation technique. A nous de conseiller au mieux nos clients pour trouver des candidats dotés d’une excellente intelligence émotionnelle.

Les managers femmes davantage demandées

Avez-vous davantage de « oui » pour l’embauche de managers féminins ? Et pour entrer dans des CA ?
A.M. : on a effectivement plus de demandes pour des recrutements de femmes, notamment sur des fonctions à la base pas très féminisées, comme les directions financière ou industrielle. Les lois en faveur d’égalité femmes -hommes, la pénurie de talents et les études montrant que la mixité des équipes rime avec performance économiques conduisent les entreprises à faire évoluer leurs demandes. Les mentalités changent

LHH Recruitment Solutions en quelques chiffres  

  • 4100 recrutements en 2022
  • 357 consultants en 2022
  • CA 2022 (estimé) : 102 millions d’euros

 

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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