Sa vision des recrutements 2022
Comment qualifier l’année 2022 pour votre cabinet de recrutement ?
Damien Créquer : 2022 constitue à la fois une divine surprise et une année folle de recrutement. Nous avions anticipé ce surcroit d’activité mais pas à ce point avec un premier semestre stratosphérique. En cause : le développement économique important, couplé à l’aspiration à la mobilité des cadres avec un turn-over passant de 6 à quelque 10 %. Du jamais vu. Notre chiffre d’affaire a progressé de 44 % par rapport à 2021. Nous n’avions jamais été autant sollicité. 2022 a dépassé les très bonnes années 2004, 2007 ou 2019.
Quelles sont les incidences de ce marché du recrutement 2022 en effervescence ?
D.C. : La première incidence tient au développement du télétravail. Ce home office est devenu un acquis pour les cadres. Une entreprise qui n’en propose pas est presque disqualifiée. Ensuite, on assiste à une hausse importante des salaires proposés aux nouveaux entrants. Cela pose des problèmes d’équité en interne avec des nouveaux entrants ayant 3 à 5 ans d’expérience rémunérés comme des cadres en ayant 10 ans… Les hausses salariales, par rapport à 2021, ont pu atteindre les 20-25 % en 2022. C’est particulièrement le cas pour des experts en direction financière pour des fonds d’investissement, des spécialistes de la cybersécurité ou de l’intelligence artificielle.
Ses prévisions 2023
Quelles sont les perspectives du marché du recrutement des cadres pour 2023 ?
D.C. : J’anticipe une baisse du volume de recrutements des cadres d’environ 20 %. Il y a eu environ 300 000 embauches de cadres en 2022. On sera proche de 240 000 en 2023. C’est donc moins mais cela restera une des meilleures années depuis 15 ans… Plusieurs causes expliqueront ce phénomène : une stagnation de nos économies, une baisse des investissements technologiques, la fin du plan de relance français. Ce marché du travail sera cependant dynamisé par de forts départs à la retraite, par un turn-over important et par l’arrivée de jeunes diplômés. Par contre, en 2023, le nombre de création de poste devrait baisser pour passer de 100 000 en 2022 à 40 000 en 2023.
Aspirations au changement
Quels sont les nouvelles aspirations professionnelles des cadres en cette fin de Covid ?
D.C. : Beaucoup de managers souhaitent changer d’entreprise. Cette forte appétence à la mobilité n’est toujours pas comblée. Ils veulent rejoindre des employeurs plus performants, pour encadrer plus de salariés. Ils trouveront des postes car bon nombre d’entreprises n’arrivent toujours pas à honorer leurs commandes faute de salariés.
En 2023, les candidats vont recommencer à étudier sérieusement les offres proposées.
Comment les attentes des candidats vont-elles évoluer en 2023 ?
D.C. : Les candidats vont recommencer à étudier sérieusement les offres proposées. Nous devions, en 2022, composer avec des candidats divas. Tout cela devrait se calmer avec le sentiment, de la part des cadres, que recevoir une offre d’emploi est une bonne nouvelle…
Le futur du recrutement
Quelles seront les nouveautés en matière de process de recrutement en 2023 ?
D.C. : On développe de plus en plus des outils de recrutement prédictif qui recherchent les adéquations entre les compétences demandées en entreprises et celles des salariés, comme AssessFirst par exemple. Cela va encore plus se développer. Tout comme les logiciels de gestion du recrutement (ATS).
Quels bénéfices pour les séniors ?
Dans quelle mesure cette tension sur les recrutements pourrait bénéficier aux cadres séniors ?
D.C. : Cette difficulté à embaucher que rencontrent les entreprises est bénéficiaire aux cadres de plus de 50 ans. Nous venons par exemple de finaliser un recrutement pour un candidat de 62 ans. Nos clients sont plus ouverts aux potentiels des candidats à travers l’analyse de leur « soft skills » qu’à leur âge.
Adoption de réflexes anglo-saxons
Avec le recul, est-ce que la crise sanitaire a changé les skills demandées aux cadres ?
D.C. : L’agilité, l’improvisation, la capacité à s’adapter sont les compétences comportementales qui sont aujourd’hui les plus recherchées. Nos clients ne recherchent pas que ces profils de personnalité atypique, mais des brèches s’ouvrent pour les managers « différents », poussant de nouvelles idées, développant de nouveaux leaderships, provenant d’autres cultures. La crise sanitaire a donc encore un peu plus ébranlé l’élitisme à la française où tout se jouait à la sortie des classes préparatoires. Ces dernières ne se remplissent plus aussi rapidement. On assiste à l’aboutissement d’une anglo-saxonnisation du recrutement privilégiant l’expérience au diplôme. En résumé : décrocher Polytechnique ne suffira plus pour « faire » une carrière balisée de dirigeant en France. Cela va de pair avec l’aspiration des nouvelles générations qui n’ont pas envie de se retrouver enfermées dans un corporatisme made in France.
Le cabinet Taste en quelques chiffres
- 360 recrutements en 2022
- 40 consultants en recrutement en 2022
- CA 2022 : 7,5 millions d’euros
Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.