Didier Perraudin, Uptoo : « Pour moi, une force de vente en full télétravail est une hérésie »

Sylvie Laidet-Ratier

Selon, Didier Perraudin, fondateur et directeur général du cabinet Uptoo, spécialisé dans le recrutement de commerciaux, les entreprises vont chercher à optimiser leur masse salariale. Exit les éléments moyens au profit de super commerciaux. Pour les attirer et les fidéliser, les employeurs vont vraiment devoir s’intéresser aux projets des candidats. Mais il ne faut pas céder sur le télétravail intégral car les équipes commerciales ont besoin de se voir pour bien travailler ensemble, selon lui. Découvrez d’autres analyses du marché du recrutement en fin d’article.

Didier Perraudin, fondateur et directeur général du cabinet Uptoo, spécialisé dans le recrutement de commerciaux, partage sa vision du recrutement en 2023

Didier Perraudin, Uptoo : « Pour moi, une force de vente en full télétravail est une hérésie »
Didier Perraudin, fondateur et directeur général du cabinet Uptoo, spécialisé dans le recrutement de commerciaux, partage sa vision du recrutement en 2023

Comment qualifier l’année 2022 pour votre cabinet ?
Didier Perraudin :
Fantastique. On a enregistré +30% de chiffre d’affaires. Mais les recrutements ont été plus compliqués dans ce contexte de guerre des talents. On a reçu moins de candidatures spontanées donc mené plus de chasse de têtes. Ceci nous pousse à innover pour sélectionner des talents en dehors de leur CV.

Et 2023 ? Quelles évolutions attendez-vous ?
D.P. : Difficile à dire. Dans ce climat anxiogène, l’activité va sans doute ralentir un peu. Le rattrapage post-covid est à mon avis terminé. En volume, on s’attend donc à un ralentissement car le nombre de postes liés à la croissance des entreprises va baisser. Dans le sillage des géants de la tech qui ont donné le ton en termes d’emploi, les start up et scale up vont prendre cher. A cela vont s’ajouter les défaillances d’entreprises qui jusque-là tenaient grâce aux prêts de l’Etat qu’elles doivent maintenant rembourser. Les dirigeants veulent pouvoir maitriser leur masse salariale et ne plus rémunérer des commerciaux qui réussissent moyennement. Les employeurs vont garder les meilleurs et essayer de recruter des commerciaux encore plus performants.

Quels secteurs vous inspirent confiance pour les recrutements 2023 ?
D.P. : Tous les secteurs recherchent de très bons commerciaux. Seules les boîtes non rentables ne vont pas recruter car les investisseurs vont demander une optimisation des forces en présence.

Comment les attentes des candidats et des entreprises vont-elles évoluer en 2023 ?
D.P. : Les candidats ont besoin que l’on s’occupe d’eux lors du recrutement et de leur onboarding. C’est encore plus flagrant chez les commerciaux qui réclament beaucoup de formations. Or, ça ne répond pas toujours assez vite sur le sujet du côté des entreprises. Ces dernières sont encore dans une démarche de performance chiffrée. Celles qui gagneront la guerre des talents sont celles qui vont savoir écouter le projet, les moteurs et les sensations des candidats. Sur le sujet, les managers ont encore beaucoup de progrès à faire. En principe, on rejoint une entreprise pour un projet et on la quitte à cause d’un manager. Les commerciaux sont encore plus sensibles que les autres à ces sujets de management.

Quelles évolutions notables dans les process de recrutement en 2023 ?
D.P. : Nous devons être capables de prendre en compte des datas ignorées avant. En faisant passer des tests basés sur l’IA, nous évaluons désormais plus finement le tempérament et les soft skills des candidats. Ce qui nous permet de repérer des candidats dont la personnalité et le potentiel ne transparaissent pas nécessairement sur un CV.

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Plus d'ouverture aux candidats séniors ?
D.P. : Structurellement l’emploi des seniors est compliqué en France. Au cabinet, nous ne sommes pas non plus des magiciens mais les choses vont changer. L’image du jeune plus dynamique et plus évolutif n’est pas vraie. La génération Z est moins engagée au travail. Pour eux, la valeur travail est toute relative. Ce qui n’est pas le cas des plus de 50 ans. Du coup, les jeunes déçoivent parfois. 

Plus d’ouvertures aux cadres qui veulent changer de de secteur ?
D.P. : Pour les commerciaux, les passerelles inter secteurs sont tout à fait possibles. Sur les cycles de vente très techniques, c’est un peu moins vrai.

Avec le recul, est-ce que la crise sanitaire a changé les skills demandées aux cadres ?
D.P. : Avec le développement du télétravail, les employeurs vérifient la capacité des candidats à savoir travailler seuls, loin du reste de l’équipe. Pour moi, une force de vente en full remote est une hérésie. Les équipes commerciales ont besoin de se voir pour bien travailler ensemble.

Quelles questions posent les candidats et qu’ils ne posaient pas avant ?
D.P. : Ils n’ont plus aucune gêne à nous interroger les avantages matériels et le niveau de rémunération car le marché leur est favorable. Ils affichent clairement leurs critères de choix. Ils évoquent aussi évidement les questions de flexibilité au travail.

Avez-vous une question fétiche aux candidats que vous ne posiez pas avant ?
D.P. : Je m’intéresse aux projets et aux moteurs du candidat. Mieux vaut recruter un candidat pour qui c’est le job de ses rêves même si son expérience précédente ne plaide pas nécessairement en sa faveur. En effet, il sera sans doute plus engagé sur le long terme qu’un autre candidat qui serait juste en phase avec les attendus du poste.

Quelle meilleure stratégie pour réussir un gap de salaire en 2023 ? rester ? partir ? revenir ? se former ?
D.P. : Evoluer ! Les candidats qui changent tous les deux ans d’entreprise ratent à mon avis certains paliers. Donc certes, ils prennent au passage +10% de salaire à chaque fois mais sur le long terme cette stratégie n’est pas durable. Pour faire un gap salarial mieux vaut évoluer en interne vers des postes de management ou de dirigeant. Bref, se concentrer sur les opportunités offertes par l’ascenseur social.

Uptoo en chiffres

  • 2500 recrutements en 2022
  • 90 consultants
  • CA 2022 : 30 millions d’euros
Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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