Comment qualifier l’année 2022 pour votre cabinet ?
Eric Gandibleu : 2022 est une bonne année mais pas exceptionnelle. Les années 2000 ou 2017 ont, par exemple, été meilleures. 2022 est, cependant, remarquable par une volonté des entreprises d’embaucher des spécialistes de la relation client ou des marketeurs en innovation pour chercher de nouveaux produits ou de nouvelles offres. Et, puis, par-dessus tout, 2022 marque aussi le désengagement des candidats sur les postes de commerciaux. Tout le monde en recherche. Mais plus personne ne veut devenir commercial. Cette activité a perdu ses lettres de noblesse auprès des jeunes. Pourtant, le commerce est la base de tout. Je viens ainsi de conclure une mission de dirigeant commercial grand compte. Un poste à 60 000 euros brut par an + variable de 20 000 euros. Cela a été un enfer.
Voyez-vous des changements dans le comportement des candidats ?
Oui, 2022 a été marqué par une foultitude de désistement de la part des candidats. Ils ne sont pas présentés, pas excusés. Notre valeur-ajouté, à nous les recruteurs, est d’accompagner les candidats dans leur réflexion et leur acceptation d’un poste. Je me suis retrouvé en face de candidats refusant, in fine, un poste car voulant vivre en région, souhaitant du télétravail, pas trop de management, pas trop de pression sur le chiffre d’affaire. Parfois, je ne comprenais pas les motivations, peu claires, du refus… Avec des clients désarçonnés face à des managers qui ne mettaient pas en avant un épanouissement lié à une progression de carrière mais à un équilibre vie personnelle-vie professionnelle.
Quels secteurs vous inspirent confiance pour les recrutements 2023 ?
Je n’aurais qu’un conseil aux candidats : Optez pour une fonction commerciale : plus personne ne veut le devenir. « Foncez » sur ces postes. C’est le bon moment. Les demandes sont légions. Il y a des opportunités à saisir dans toutes les régions. Surtout pour les jeunes qui se désengagent massivement de cette fonction. Il faut se rappeler que le commerce est la base de tout. Le travail aussi…
Et en 2023, quelles évolutions attendez-vous ?
2023 va être une année intermédiaire avec beaucoup de demandes de la part d’employeurs disposant de moins de moyens pour recruter. D’où une baisse des recrutements. Il restera cependant de gros besoins en spécialistes de la transformation des entreprises : category manager, direction de la relation client. Cette dernière fonction se développe fortement. Il faut de plus en plus communiquer avec ses clients, les faire parler. Enfin, dans mon secteur, les fonctions digitales vont être aussi très recherchées. L’exemple des juniors en data est, à cet égard, significatif. Aujourd’hui, ils sont embauchés à des salaires avoisinant, avec 3 ans d’expérience, les 50 000 euros brut par an. Dans trois ans, ils toucheront quelque 70 000 euros brut par an. Ce sont les émoluments d’un manager expérimenté ayant plus de dix ans d’expérience…
Comment les attentes des candidats vont-elles évoluer en 2023 ?
Je prévois un retour à la « normale » en 2023 avec des candidats qui devront être plus préoccupés par leur carrière. On construit sa vie entre 28 et 35 ans. Or les jeunes semblaient avoir délaissé ces questions de carrière. On va revenir à plus de carriérisme, d’ambitions professionnelles.
Et pour les entreprises ?
Les employeurs devraient mieux considérer les candidats « atypiques » que sont les séniors pour des postes de commerciaux. Ceci précisé, les métiers de la communication et du marketing devraient conserver leur propension au jeunisme…
Avec le recul, en quoi la crise sanitaire a changé les « skills » demandées aux cadres ?
Le seul vrai changement que je constate est celui du management à distance. Ce soft skill devient de plus en plus indispensable. Certains managers disposent de plus de 50 % de leurs équipes en télétravail. Il faut savoir manager à distance. Or, c’est très difficile de garder un niveau de créativité chez soi. Il faut savoir se remettre en question tous les jours. Ce n’est pas simple.
Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.