
Le pitch du livre

Une méthode ludique pour transformer radicalement notre vieux monde qu’il juge à bout de souffle : c’est la proposition de Playtime - Comment le jeu transforme le monde*.
Et l'auteur d'emprunter des chemins novateurs dans la critique de nos sociétés occidentales mais aussi orientales. C’est à la fois foncièrement ambitieux, totalement révolutionnaire et parfaitement foutraque dans le sens excentrique. Aurélien Fouillet conseille un « voyage dans les mutations ludiques de notre époque » avec trois constats majeurs.
Accrochez-vous :
- Tout d’abord, le jeu va remplacer « le travail comme dynamique sociale et culturel ».
- Il est ensuite un « symptôme de la fin des sociétés modernes ».
- Enfin, ce jeu a pour but, dans ses multiples formes et expressions, de forger « les mondes à venir (…), d’expérimenter d’autres vies et d’autres mondes ».
C’est, pour l’auteur, ce que le jeu permet et « c’est cela que le jeu a déjà changé dans nos vies ».
Suivent quelque 200 pages où l’auteur démontre que la révolution peut (doit !) passer par le jeu, seul instrument capable de déstructurer notre monde en train de s’autodétruire.
Brandissant l’étendard de la révolte, Fouillet fait le tour de ce que sa génération (il est né en 1982 et est un pur représentant de la génération Z) et les autres subissent et estime être en « panne de récits et d’imaginaires » qui nous diraient « les comment et les pourquoi » et nous indiqueraient « ce qu’est le réel ».
« Playtime. Comment le jeu transforme le monde », de Aurélien Fouillet, éditions Les Pérégrines, octobre 2022, 200 pages, 19 euros.
Jeux de société, jeux vidéo, cosplay, zombie walks, films de super-héros, réseaux sociaux, métavers, ou même télétravail, séminaires ludiques, ou encore des phénomènes d'effervescence comme le complotisme, ou les fake news, sont autant de signes de ce que le jeu fait à nos vies.
1/ Un plaidoyer pour placer le jeu au centre du système
Aurélien Fouillet est l’avocat d’une cause : changer notre vieux monde, nos vieilles façons de faire, le travail, nos habitudes. Il rappelle que ces dernières ont l’inconvénient majeur de détruire l’habitat dans lequel nous vivons. Il ne sera pas ici question de la fin de la Terre mais de la destruction de ses habitants humains et de quelques autres.
Devant ces défis majeurs, le jeu est une solution. Son « omniprésence dans nos pratiques quotidiennes est la manifestation d’une transformation. Ce qui structurait nos vies (famille, travail, idéologie, religion.) est chahuté, déconstruit, interrogé et n’est, la plupart du temps, pas encore remplacé ».
Il pourrait l’être par le jeu et les « nouvelles pratiques ludiques contemporaines ». Pour Fouillet, « tout cela est la preuve qu’un modèle de société se meurt et qu’une infinité d’autres se testent » avec le jeu dont la vocation est « de démontrer que d’autres mondes existent. C’est la fin de l’universel et le début du pluriel – amours plurielles, fluidité des genres, mondes divers, zones alternatives ».
Le travail n’œuvre plus et n’est plus digne. Le jeu offre une échappatoire, un ensemble de mondes ou tout devient possible. Et dans lesquels on retisse ce qui fait œuvre commune.
Pour étayer sa démonstration, Fouillet propose une série de « level » à atteindre, façon jeu vidéo.
2/ Ce que le jeu a transformé dans nos vies
Le premier niveau que propose Fouillet explique comment le jeu s’est tout doucement infiltré dans les interstices de nos vies pour en devenir un élément important. « La différence entre le travail et les loisirs semblent s’estomper », précise-t-il. Il faut alors évoquer une « société en jeu ».
Ni travail, ni simple loisir, « le jeu est une subversion et un dépassement ». Car en « rationnalisant le monde, nos sociétés l’ont démagnifié, désenchanté ».
Nous isolant les uns des autres, notre système « a uniformisé notre expérience au monde. Le jeu permet alors de romancer sa vie, de définir un monde à vivre. Le jeu est donc un récit qui fait le monde ».
Le jeu est aussi une « réponse à l’ennui, angoisse sociale, conséquence de la rationalisation qui produit l’individualisme et du désenchantement ». Le jeu contemporain permet alors de construire « une fiction factory, une manufacture de fictions » pour « façonner de nouveaux mondes ».
3/ Ce que le jeu affecte dans notre quotidien
Fouillet nous met en garde contre des technologies ludiques trop invasives. Car cela a pour incidence que l’objet prend « un certain pouvoir sur nous », nous rapprochant alors des prévisions d’un certain George Orwell et de son 1984.
C’est le cas des technologies prêtes à utilisation comme le plug and play. « L’outil est devenu un jouet ». Ce n’est plus « une maîtrise technique mais un devenir technique » avec « invisibilisation de la technique » qui nous « dépossède de la compréhension des objets ».
Fouillet propose de nombreux exemples des dangers qui nous guettent, plus glaçants les uns que les autres. Cela va des « publicités ciblées par les algorithmes qui lisent en série nos conversations » au « crédit social chinois qui accorde aux entreprises, aux résidents, aux citoyens du pays un capital de points amendables en fonction de leur respect ou non des lois… ». Un danger mis en scène dans l’épisode Nosedive de la série Black Mirror.
Les Big Brothers sont dans la place : « submergés d’algorithmes et de tweets, incapables de comprendre ou d’expliquer le fonctionnement des choses, nous sommes au stade des bullshits jobs et des bullshits lives ».
Que faire alors ? « Cela n’est pas irréversible », répond Fouillet… Pour lui, il faut « enromancer nos techniques, développer de la slow life et de la low tech ». Dans une formule on ne peut plus romantique, Fouillet s’exclame : « l’algorithme détruit le beau et l’autonome parce qu’il uniformise. Il est voué à produire de la répétition et à limiter nos choix ».
Bref, il faut « réinjecter le beau dans l’industrie… », produire des récits communs, des espaces de traduction et faire que l’on sorte de cette technologie ludique dangereuse.
4/ Ce qu’il faut inventer pour changer le monde
A la fin de cette quête, Aurélien Fouillet propose une méthodologie pour « inventer d’autres mondes et d’autres récits ». On arrête tout et on réfléchit. L’idée est de développer, par le jeu, des alternatives subversives.
« Le jeu peut annoncer l’ère des soulèvements » pour lutter contre « la fièvre du prédateur », de nos économies et sociétés modernes qui développent un « confort destructeur : pollution, surpopulation, pandémies, incidents industriels »…
« L’idée que les imaginaires structurent le monde et nos comportements est devenue mainstream ». Il faut faire maintenant en sorte que le jeu devienne « un outil de contestation »… Dans cette fin d’un monde, l’auteur appelle la recréation d’autres mondes via le jeu.
C’est le signe que l’on a besoin de se raconter des histoires pour faire des mondes vivables, souhaitables, aimables, jouables.
PODCAST L'auteur en interview chez Zoom-zoom-zen
A réécouter, une interview d'Aurélien Fouillet sur France Inter du 14 octobre 2022 où il détaille notamment la notion d'enromancement, au cœur de l'esprit du jeu.

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.