
Ils témoignent
- Leila Mamet, directrice RH des territoires de la Macif (Mutuelle d'assurances)
- Jim Ramos, DRH d’Agriconomie (une place de marché de produits agricoles)
- Guillaume Saintagne, directeur du recrutement de Mirakl (éditeur de solutions technologiques pour les marketplaces)
Des recruteurs sous pression
L’année dernière, le délai moyen de recrutement d’un cadre s’est allongé, passant de 8 semaines en 2021 à 11 semaines en 2022. Pourtant, le marché s’est tendu : à mesure que les entreprises ont (re)lancé leurs campagnes de recrutement, elles se sont confrontées à des candidats plus exigeants, allant même parfois jusqu’à dicter leurs conditions.
Dans ce contexte de marché, la logique voudrait que les entreprises fassent preuve d’une plus grande réactivité vis-à-vis des candidats qu’elles reçoivent, ne serait-ce que pour éviter de les voir se désister en cours de process (une difficulté rencontrée par 40 % des recruteurs en 2022, selon l’Apec). D’autant qu’elles le savent : le temps ne s’écoule pas à la même vitesse pour un candidat et un recruteur.
Lorsqu’un besoin de recrutement est avéré, on ne se paye pas le luxe de prendre notre temps. Nous sommes aujourd’hui davantage tributaires du marché que par le passé.Leila Mamet, directrice RH des territoires de la Macif
L’assureur mutualiste, qui recrutera 1500 personnes en 2023 (commerciaux, actuaires, managers...) ne confond toutefois pas vitesse et précipitation. « Notre enjeu, c’est de ne pas démultiplier les étapes de recrutement, afin d’aller directement à l’essentiel. A minima, un candidat sera reçu en entretien par un RH et un manager et passera un test de personnalité. Ce sont ces garde-fous qui nous permettent de réduire les erreurs de casting. Ils sécurisent nos recrutements et nous ne les abandonnerons pas, malgré le contexte. »
Malgré la pénurie de candidats, des étapes incontournables
Au sein d’Agriconomie, qui dispose d’une soixantaine de postes ouverts au recrutement, la durée du processus d’embauche varie en fonction de la dimension stratégique du profil recruté. « Il est plus court lorsqu’on recherche un commercial qu’un directeur financier », illustre Jim Ramos, son DRH. Pour autant, il se passe au maximum deux semaines entre le moment où la société intercepte une candidature et celui où elle lui fait une proposition d’embauche. Durant ce laps de temps, ni l’équipe RH ni le candidat ne chôme.

Après avoir pris contact avec lui au cours d’une visioconférence de 15 à 30 minutes, nous le convions dans nos locaux. En l’espace de 2h à 2h30, il visite nos bureaux, mène un entretien avec un responsable RH, puis un second avec son futur manager et un collaborateur et il résout un cas pratique. Dès le lendemain de sa venue, nous sommes en mesure de lui donner une réponse.Jim Ramos, DRH d'Agriconomie
Malgré la pénurie de candidats, la société Mirakl maintient, quant à elle, son processus de recrutement en 5 étapes. « Il est composé d’une évaluation à 360° par téléphone, d’un test technique ou d’une rencontre avec le futur manager pour jauger de l’expertise du candidat puis de trois entretiens consacrés aux valeurs comportementales, menés par des futurs collègues plus ou moins éloignés, pour ne pas être biaisé par l’urgence du recrutement », explique Guillaume Saintagne, directeur du recrutement. Des étapes entre lesquelles la société s’attache « à ne pas ghoster les candidats ». Au final, la durée est extrêmement variable d’une situation à l’autre. Si, en 2022, 81 jours étaient constatés entre la publication d’une offre d’emploi et la réponse positive au candidat (contre une centaine en 2021), « tout le processus peut aussi se faire en visioconférence, en moins de deux semaines », rassure-t-il.
Des managers priés d’être réactifs !
Pour s’assurer que leurs délais de recrutement restent concis, malgré les agendas de ministre des uns et des autres, les entreprises développent des stratégies.
« Lorsque nous ouvrons un poste, nous bloquons des créneaux de disponibilité dans les agendas de nos managers. Comme le besoin est là, ils jouent le jeu et se montrent coopératifs », illustre Leila Mamet, de la Macif.
Chez Agriconomie, la méthode est sensiblement la même. « Je prends la liberté de mettre les créneaux des entretiens de recrutement dans leur agenda partagé. Puisque nous ouvrons des postes essentiels, rencontrer des candidats est de toute façon leur priorité », indique Jim Ramos.
Chez Mirakl, certains salariés appartenant à l’équipe RH se consacrent entièrement à l’organisation des entretiens. « Nous les appelons les coordinateurs : non seulement ils gèrent toute la partie logistique de l’entretien (par exemple solliciter les interviewés), mais ils sont également chargés de coacher les candidats, de leur expliquer la méthode STAR... », explique Guillaume Saintagne. Au sein de l’éditeur de logiciels, on dénombre environ 1 coordinateur pour 5 recruteurs.

Avant, nos recruteurs perdaient entre 3 et 4 heures par semaine à organiser des entretiens avec les candidats. Cette nouvelle approche nous permet de mieux suivre la cadence de nos recrutementsGuillaume Saintagne, directeur du recrutement de Mirakl
La nécessité d’investir dans sa marque employeur
Pour améliorer la qualité de leurs recrutements mais aussi réduire leurs délais, les entreprises actionnent d’autres leviers. En plus de solliciter des cabinets de recrutement pour sourcer les profils les plus pénuriques, la Macif compte par exemple sur ses collaborateurs. « En 2022, nous avons développé la cooptation. Près de 70 collaborateurs ont déjà été recrutés par ce biais. C’est un levier supplémentaire qui nous permet de contourner les contraintes du marché tout en sécurisant notre recrutement », explique Leila Mamet.
Plus que le processus de recrutement, c’est la phase de marque employeur qu’Agriconomie soigne le plus depuis que les candidats sont devenus une ressource rare. « Notre manière d’approcher les candidats a changé ces derniers mois. Ils sont davantage dans l’attente d’être séduits par un poste ou une équipe, y compris lorsqu’ils postulent pour des stages. Nous sortons donc l’artillerie lourde et investissons davantage dans notre marque employeur, par le biais de notre nouveau logiciel de recrutement », raconte Jim Ramos. Alors que le marché est clairement en faveur des candidats, Agriconomie avoue toutefois lâcher du lest sur les profils qu’elle recrute. « Nous ne bâclons pas nos recrutements et nous sommes regardants sur les profils que nous retenons. Pour autant, nous challengeons moins leurs compétences », concède le DRH. Les tests de personnalité ont par exemple été abandonnés au profit de la prise de références, pour gagner en réactivité.

Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.