
- BTP : entre 11 000 et 27 000 recrutements de cadre
- BTP : des candidats hyper chassés qui savent négocier
- Jeunes diplômés du BTP : ils choisissent leur employeur
- BTP : 2 familles de fonctions très recherchées
- Le BTP embauche des Bac+2+3, faute de profils d’ingénieurs
- Des salaires en hausse de 15 % par rapport à 2021
- Un retournement de tendance pour 2023 ?
Ils témoignent
- Bernard Alberti, dirigeant au sein de la société de conseils Kyu
- Vincent Roiron, directeur régional Sud-ouest d'Expectra à Toulouse
- Claire-Marie Chaffin, directrice du développement et des relations entreprises à l’ESTP Paris
- Safae Mouaouia, 23 ans, étudiante à l’ESTP en Master 2 Génie mécanique et électrique et vice-présidente du forum ESTP
- Hervé Dagand, membre de l’Observatoire des métiers du BTP, l’instance paritaire qui réalise des études sur l’emploi et les formations du secteur
- Céline Blanc, responsable du cabinet de recrutement dédié au BTP « Fed Construction » au bureau de Lyon
- David Herlem, DG de Partnaire (190 implantations en France dont 35 dédiées au BTP)
BTP : entre 11 000 et 27 000 recrutements de cadre

« En France, la tension des recrutements dans le BTP est générale. Ce n’est pas seulement un souci local mais un problème national. Elle concerne avant tout les ouvriers mais aussi, dans une moindre mesure, les cadres, rappelle Bernard Alberti, un des dirigeants de la société de conseils Kyu qui vient de publier son Baromètre 2022 des « tensions du recrutements dans le secteur du bâtiment ».
Bon an, mal an, le secteur a recruté quelque 270 000 collaborateurs en 2021 dont 10 % de cadres et 23 % d’employés, techniciens, agents de maitrise (ETAM). Un recrutement en forte hausse puisque le recrutement total était de de 240 000 en 2018.

Pour les cadres, cela représente entre 11 000 (source Pôle Emploi, enquête BMO 2022) et 27 000 (source Observatoire des métiers du BTP) projets de recrutement.
BTP : des candidats hyper chassés qui savent négocier
« Jusqu’ici tout va (très) bien », affirme Vincent Roiron, directeur régional Sud-ouest d'Expectra à Toulouse. Cette filiale de Randstad, spécialisée dans le recrutement des Etam-Cadres, réalise, en France, près d’un tiers de ces activités dans le Bâtiment-travaux public (BTP).

L’année 2022, dans ce secteur, a été plus qu’exceptionnelle. Je n’avais jamais connu cela. Les missions qui n’aboutissent pas faute de candidats, une croissance de nos missions avoisinant les 30 % entre le 1er semestre 2021 et celui de 2022.Vincent Roiron, directeur régional Sud-ouest d'Expectra à Toulouse
Jeunes diplômés du BTP : ils choisissent leur employeur

Du côté des jeunes diplômés, 2022 a aussi été une grande année. « Les embauches de nos diplômés sont au beau fixe, confirme Claire-Marie Chaffin, directrice du développement et des relations entreprises à l’ESTP Paris, l’école phare du secteur classée par l’hebdomadaire Usine Nouvelle 3e meilleure école de ce secteur, derrière Centrale Nantes et le Cesi. En septembre 2022, 80 % des entreprises accueillant un de nos étudiants en stage ingénieur leur ont fait une proposition d’embauche. Le millésime 2022 sera donc bon avec 78 % de nos étudiants 2022 en poste et ne recherchant donc pas de travail. Nous avons aussi reçu 1200 offres d’entreprises intéressées par nos élèves en 2021-2022 contre 783 en 2020-2021 ».
Les perles 2022 des recruteurs dans le BTP
2022 n’aura rien épargné aux recruteurs. La guerre des talents engendrent un nouveau rapport de force en faveur des candidats, et parfois quelques facéties :
- Une société du BTP de 150 salariés, spécialisée en gros œuvre du logement collectif, recherchait un conducteur de travaux avec 10 ans d’expérience prévoyant un salaire de 50 000 euros brut par an. Le candidat retenu a demandé et obtenu 56 000 euros brut par an avec une voiture de fonction.
- Un ingénieur travaillant en promotion immobilière se présente sur le marché avec des prétentions salariales de 60 000 euros brut par an alors que l’employeur prévoyait 45 000. L’entreprise a dû plier.
- Une candidate ingénieure sans expérience s’est vu proposer un financement d’un cursus pour se mettre à niveau et quelque 45 000 euros brut par an. Elle a refusé le poste car son futur (ex) employeur ne lui proposait pas de ticket restaurant. La responsable des RH n’en est toujours pas revenue.

Autre preuve de l’appétence des employeurs pour ces Bac +5 BTP, le forum de l’ESTP qui s’est tenu le 6 décembre 2022. « Deux cents entreprises se sont présentées au salon cette année contre 180 en 2021, confie Safae Mouaouia, 23 ans, étudiante à l’ESTP en Master 2 en génie mécanique et électrique et vice-présidente du salon. Pour ma part, je souhaite effectuer mon stage de fin d’étude – il débutera en février 2023 – dans une société de conseils comme auditrice junior. Je n’ai eu aucun mal à trouver mon employeur. Les entreprises viennent nous chercher. On est beaucoup sollicités ».
BTP : 2 familles de fonctions très recherchées
Dans ce monde des cadres du BTP, deux fonctions sont particulièrement difficiles à pourvoir, selon Hervé Dagand, membre de l’Observatoire des métiers du BTP, l’instance paritaire qui réalise des études sur l’emploi et les formations du secteur :
- Les fonctions d’encadrement des chantiers : conducteur de travaux, chef d’équipe, chef de chantiers notamment.
- Les fonction conception et études : chargé d’affaire, chargé d’études techniques, dessinateur-projeteur et tous ceux qui travaillent sur les logiciels de DAO-CAO.
Les métiers cadres du bâtiment les plus en tension
Source : DARES, 2021
- Techniciens en mécanique et travail des métaux
- Dessinateurs en électricité et en électronique
- Ingénieurs et cadres d’étude, recherche et développement en informatique
- Agents de maîtrise et assimilés en fabrication de matériel électrique
- Ingénieurs du bâtiment et des travaux publics
- Régleurs
- Géomètres
- Couvreurs
- Chefs de chantier, conducteurs de travaux
Le BTP embauche des Bac+2+3, faute de profils d’ingénieurs

« Le niveau d’exigence des employeurs a augmenté, remarque Hervé Dagand. Les cadres doivent aujourd’hui disposer de compétences techniques de plus en plus complexes pour piloter un chantier mais aussi maitriser la réglementation, les coûts, l’environnement et disposer de compétences managériales pour gérer, par exemple, le voisinage des chantiers… ». Dans ce cadre, les ingénieurs sont particulièrement les bienvenus mais, faute de grives, le secteur recrute aussi en masse des Bac +2-3. Ces derniers représentent près de 50 % des embauches même si le Bac +5 permet d’accéder à des emplois plus rapidement sur des chantiers plus importants.
Des salaires en hausse de 15 % par rapport à 2021
Dans ce secteur, un jeune ingénieur – ce sont des estimations de l’ESTP –, débutera à environ 42 000 euros brut par an. C’était le tarif 2021 selon l’école. Ce montant était de 41 000 euros brut par an en septembre 2020.
« Nous avons fait face, en 2022, a des demandes de clients que nous n’avons pas réussi à pourvoir. Il y a eu beaucoup de missions mais peu de candidats, poursuit Céline Blanc, responsable du cabinet de recrutement dédié au BTP Fed Construction au bureau de Lyon. Alors les candidats négocient à la hausse leur salaire. C’est par exemple le cas d’un conducteur de travaux qui a demandé 50 000 euros brut par an et qui les a obtenus alors que l’employeur prévoyait 45 000.»

En 2022, j’ai observé des hausses de salaires avoisinant 5 000 euros brut par an pour un poste donné. Mais cela peut atteindre les + 10 000 euros pour des conducteurs de travaux expérimentés sur des chantiers à gros budget.Céline Blanc, responsable du cabinet de recrutement dédié au BTP « Fed Construction » au bureau de Lyon
Sur les métiers à forte tension, le salaire est donc discuté avec un candidat se retrouvant du bon côté du manche. Il peut même escompter de 10 à 20 % de plus que le tarif proposé par l’employeur. « Cela va durer tant que le marché se tiendra, ajoute David Herlem, le directeur général des agences d'emploi Partnaire. Mais ce sera peut-être moins dynamique au 2e semestre 2023 », lance Céline Blanc
Un retournement de tendance pour 2023 ?
Car, dans cette ivresse de bonnes nouvelles, le risque pour 2023, c'est de se réveiller avec la gueule de bois. L’ensemble des spécialistes note quelques signaux faibles, porteurs de (futures) mauvaises nouvelles.

Entre le premier semestre 2021 et le premier semestre 2022, le nombre de missions BTP a cru de 35 %. Mais la hausse des coûts de l’énergie, celle du prix des matériaux couplées à une hausse des taux immobiliers font que nos clients sont inquiets avec de possibles, pour les plus petites entreprises, difficultés de trésorerie et de potentiels défauts à terme.David Herlem, le DG du groupe Partnaire (agence d'intérim et d'emploi)
Du côté des travaux publics, l’avenir n’apparait pas beaucoup plus rieur. Car ces derniers dépendent beaucoup de la commande publique. Or les communes, les régions et l’Etat doit faire face à une dette publique très importante.
Les métiers du bâtiment les plus en tensions (tous types confondus)
Source : DARES, 2021, traitement KYU
- Maçons
- Techniciens et chargés d’études du bâtiment
- Chefs de chantier, conducteur de travaux
- Ingénieurs du bâtiment et des travaux publics
- Menuisiers et ouvriers de l’agencement et de l’isolation
- Techniciens en électricité et en électronique
- Charpentier
- Couvreurs
- Dessinateurs en électricité et en électronique

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.