L'ESN Teamwill recrute deux séniors à la tête de ses nouvelles activités

Sylvie Laidet-Ratier

TÉMOIGNAGES - Quand on a reçu l’info sur les nominations au comex de cette entreprise du numérique, notre oeil a été attiré par l'âge des deux nouvelles recrues : 58 et 61 ans ! Des séniors dans une ESN (qui carbure plutôt aux trentenaires), c'est assez rare pour nous intriguer. Alors nous avons appelé les principaux concernés pour savoir ce qu’ils pensaient de l’emploi des séniors. Le premier a décliné notre demande d'interview, mais Joël Nadjar, lui a accepté. Pour Cadremploi, il se livre sur son processus d’embauche, son employabilité, sa vision du travail, son appétence à transmettre son expérience… Et en complément, nous avons aussi recueilli le point de vue d’Olivier Le Hénaff, le directeur général de Teamwill qui a approuvé ces embauches, sur cette question de l’âge au boulot.

Joel Nadjar (à gauche) et Pierre Nicolas Carissan, deux anciens d'Accenture, ont rejoint le comité exécutif de Teamwill.

L'ESN Teamwill recrute deux séniors à la tête de ses nouvelles activités
Joel Nadjar (à gauche) et Pierre Nicolas Carissan, deux anciens d'Accenture, ont rejoint le comité exécutif de Teamwill.

Un senior recruté grâce à son réseau pro

Après 25 ans chez Accenture et 10 ans chez Wavestone, Joël Nadjar était en train de passer sereinement la main à son successeur quand il s’entretient avec le directeur général de Teamwill Group, une ESN spécialisée dans les solutions métiers & SI dédiées au crédit et aux financements spécialisés. 

« On se connaissait de longue date grâce à des carrières un peu parallèles et des relations amicales. Ensemble, on a partagé des idées sur le développement de Teamwill. Il m’a présenté le Président. Lors d’échange en mode partage de point de vue, il m’a exposé la stratégie de l’entreprise et notamment sa volonté de créer un pôle éducation. Et m’a proposé de rejoindre cette aventure en prenant la tête de ce pôle », raconte-t-il volontiers.

En avril dernier, donc à 61 ans, Joël Nadjar a pris la tête du nouveau pôle Éducation qui fait suite à l’acquisition par Teamwill Group de l’école d’ingénieur Sésame. 

Extrait du communiqué de nomination chez Teamwill

Un senior qui travaille son employabilité 

A 61 ans, Joël Nadjar n’a pas encore eu l’intention d’arrêter de bosser. Mais pour « tenir dans le conseil », il faut sans cesse se renouveler afin de « sentir les modes, anticiper les transformations à venir ». « L’éducation est en plein bouleversement. Avec l’IA et l’accès permanent à la connaissance, on n’éduque plus aujourd’hui comme il y a 10 ans. Le challenge est désormais d’aider les gens à apprendre à apprendre, à décrypter les enjeux et à s’orienter », analyse-t-il. Pour rester à la page, notre sexagénaire cultive un état d’esprit pro actif : « pas question de se contenter de ce que l’on sait quand on est senior »

Deuxième corde à son arc : le réseau.

Je rencontre beaucoup de gens différents lors d’entretiens en one to one. J’assiste à des conférences et des séminaires afin d’écouter et de comprendre les besoins des gens.
Joël Nadjar, directeur du pôle Education et membre du comex Teamwill Group

Un senior qui aime transmettre son expérience 

Joël Nadjar évolue dans une ESN multiculturelle (le président est franco-tunisien) et multi-âges. Si le codir compte essentiellement des managers de plus de 45 ans, les équipes sont, elles, plus jeunes. Il se pose donc naturellement dans une posture de transmission avec les plus juniors. « Je leur partage des méthodologies de travail par exemple pour la résolution de problèmes. Comment structurer les idées et les priorités », explique-t-il. 

A plus de 60 ans, Joël Nadjar a déjà vécu nombre d’expériences plus ou moins couronnées de succès.

Je les épaule pour développer leur propre capacité à prendre du recul. Je suis dans une réelle posture de transmission. Je m’interroge au quotidien sur comment je peux les aider à mieux travailler.
oël Nadjar

Un senior qui gagne moins qu’avant 

Dans son précédent job, Joël Nadjar percevait un fixe et un variable proportionnel à sa performance indexées sur certains KPI (taux de marge…). « Chez Teamwill, je gagne 20% de moins mais j’ai négocié une pression moindre. C’est un bon compromis pour bien travailler et pour moi, être dans un état d’esprit constructif », résume-t-il. 

Un senior qui sait prendre du recul 

« Après une nuit blanche, c’est sûr, je mets plus de temps à récupérer qu’avant. Pour rester en forme, je fais du sport et j’ai appris à gérer mon temps. Pour moi, il n’y a pas vraiment de frontière entre la vie privée et professionnelle. Je suis en continu », reconnaît-il. 

Quand il nage ou pédale le week-end, il réfléchit par exemple à sa semaine, à ses projets… A contrario, dans la semaine, il s’octroie des parenthèses off. Deux heures pour bouquiner sur un sujet qui n’a rien à voir avec ses centres d’intérêt… et quelques jours plus tard, il n’est pas rare que ses lectures « matchent » avec un problème humain à résoudre, une question d’organisation… « J’aime cette porosité entre les deux vies. Mais je ne l’impose pas à mes équipes. Je leur explique comment je fonctionne. Si j’arrive à les inspirer, c’est certain, ils vont bosser autrement », argumente-t-il. 

Un senior qui s’interroge sur la place des seniors en entreprise

Quand on lui demande son sentiment sur la réforme des retraites et de l’emploi des seniors, Joël Nadjar le résume ainsi : « en France, on travaille beaucoup et de manière trop stressante sur une période trop courte. J’attends de cette réforme qu’elle détende le rapport au travail avec des modes de fonctionnement moins stressants ». Et de citer pêle-mêle la semaine de 4 jours, alterner un mois de travail avec un mois off. Mais aussi pour seniors, le renforcement des temps partiels aménagés, le développement de la fonction de « profs ». 

Pourquoi demander à des personnes extérieures de venir former les gens à des méthodologies de travail alors que des collaborateurs expérimentés pourraient s’en charger comme “prof vacataire” à raison de 2 heures par semaine ou 1 à 2 jours par mois ?

Avec tous ses projets en tête, on s’en doute, Joël Nadjar n’est pas prêt à raccrocher même s’il est éligible à la retraite en décembre 2024. « Un job c’est un cycle donc je me donne 2 -3 ans de plus. Ensuite je passerai peut-être à temps partiel afin de me préparer doucement à la retraite. Dans ma vie professionnelle, je multiplie les contacts et je suis au cœur des transformations sociétales. Si je stoppe net tout ça, je le sens comme un traumatisme potentiel », conclut-il, ravi pour l’heure de sa vie sociale autour de la machine à café du boulot. 

Le point de vue d’Olivier Le Hénaff, directeur général de Teamwill Group

Olivier Le Hénaff

« Nous n’avons pas une stratégie pour ou contre l’emploi des seniors. L’âge n’est pas un sujet en tant que tel, nous n’en parlons jamais d’ailleurs. Teamwill compte 700 personnes dans le monde dont 350 en France. Nos top managers ont entre 50 et 61 ans ! En dessous, c’est la pyramide classique d’une ESN avec une forte proportion de consultants âgés de moins de 30 ans et des experts métiers entre 30 et 40 ans. On ne recrute pas les top managers pour leur compétences métiers mais pour leur capacité à embarquer les plus juniors dans une stratégie et une vision. Avec leurs expériences, les seniors ont un vécu qui leur permet de réagir au mieux dans un contexte clients, collaborateurs en cas de conflit par exemple mais aussi pour motiver les équipes. Côté rémunération, nous pratiquons les prix du marché. Les seniors consentent des baisses de salaire car ils sont moins dans la commercialisation qu’avant. Ils génèrent moins de chiffre d’affaires et perçoivent donc moins de variable qu’avant. A 55 ans, je considère que l’on a encore la capacité à prendre un ou deux postes ». 

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

Vous aimerez aussi :