- L’expérience des comptables en recherche d’emploi face à des offres d’emploi
- Peur de s'exposer à un refus et de l'atteinte à l'estime de soi
- Faut-il s’adresser différemment aux comptables dans les annonces ?
- Pourquoi Fiducial préfère ne pas indiquer les salaires dans ses offres d’emploi ?
- La solution de l’approche directe
- Offrir des feedbacks qualitatifs aux candidats
Ils témoignent
- Jean Pralong, professeur en gestion des ressources humaines à l’EM Normandie
- Nicolas Leroy, directeur du recrutement chez Fiducial (service aux entreprises, présente dans plusieurs domaines d'activités, tels que la comptabilité, la fiscalité, la gestion de paie, le conseil en gestion, l'informatique, l'assurance, l'immobilier, le juridique, le marketing, la communication et la sécurité). Tout particulièrement connue pour ses services de comptabilité et de gestion financière pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les travailleurs indépendants.
L’expérience des comptables en recherche d’emploi face à des offres d’emploi
Le constat ne fait pas débat : malgré un nombre toujours important de chômeurs et malgré les efforts des entreprises pour se doter de marques employeurs attractives, un nombre significatif d'offres d’emploi demeure non pourvu. Pour rappel, le volume des annonces d’emploi cadres a augmenté de 34 % en 2022. Mais les candidats manquent à l’appel.
Pour comprendre le phénomène, l’équipe de la chaire Compétences, employabilité et décision RH de l’EM Normandie a décidé de confronter une population de 165 comptables généralistes, tous en recherche d’emploi, à de vraies annonces.
« Les candidats étaient de compétences et d’anciennetés équivalentes, mais de parcours très différents : très linéaires pour certains, très marqués par des étapes de chômage pour d’autres. Les annonces ont été choisies pour correspondre aux compétences et aux lieux de résidence des candidats », prévient Jean Pralong, professeur en gestion des ressources humaines à l’EM Normandie, qui a piloté l’étude. Les candidats devaient décider de postuler ou non. Bilan : 54% de ces candidats ont préféré s’abstenir de répondre aux offres.
Peur de s'exposer à un refus et de l'atteinte à l'estime de soi
Pour Jean Pralong, ce faible taux de réponse alerte sur un comportement d’auto-censure de la part de ces candidats :
« Dans tous les cas, l’estimation des chances de succès est la première cause de la décision, loin devant l’affinité avec le poste ou avec l’entreprise », signale Jean Pralong.
Les causes du choix de postuler et de ne pas postuler :
Source : étude HR Insights#8, Pourquoi répond-on à une offre d'emploi, EM Normandie, Chaire compétences, employabilité et décision RH
À compétences égales, cette estimation est directement liée aux différences de parcours. Les candidats aux carrières les moins linéaires, anticipant d’être éliminés pour cette raison, s’auto-éliminent majoritairement. Au lieu de tenter leur chance et de postuler massivement, ils cherchent à s’éviter les émotions négatives engendrées par les refus.Jean Pralong, professeur en gestion des ressources humaines à l’EM Normandie et pilote de l'étude
Les auteurs de l'étude distinguent trois types de candidats selon la "qualité" de leur carrière :
- « Lorsque la qualité de carrière est faible, les candidats semblent avant tout à la recherche d’un travail : ils s’intéressent aux conditions d’emploi plutôt qu’aux missions ou aux perspectives d’évolution. Ils supposent que leurs trajectoires ne les rendent pas attractifs pour des recruteurs. Ils redoutent l’échec et postulent peu pour éviter de se confronter aux émotions négatives qu’ils y associent.
- Lorsque la qualité de carrière est moyenne, les candidats semblent avant tout désireux de développer leur employabilité. Ils cherchent des missions et un poste, sans doute pour y développer leurs compétences à court terme et pour développer l’attractivité de leurs CV. Sans doute parce qu’ils se sentent moins menacés par la précarité que les précédents, ils craignent moins les réponses négatives et hésitent moins à postuler.
- Enfin, lorsque la qualité de carrière est forte, les individus savent qu’ils sont particulièrement attractifs pour les recruteurs. Leurs parcours linéaires sont ceux dont sont friandes les entreprises. Leur stratégie est orientée vers la recherche d’une carrière traditionnelle : ce sont les perspectives d’évolution qui les intéressent, et l’affinité avec l’entreprise qui motive leur envie de postuler."
Que pourraient faire les employeurs pour inverser la tendance ?
Faut-il s’adresser différemment aux comptables dans les annonces ?
Outre l’auto-censure, Jean Pralong pointe également du doigt la pauvreté des textes de certaines annonces et le manque de transparence des employeurs. Selon le chercheur, « les offres d’emploi devraient détailler ce que le candidat va réellement faire, comment, avec qui… au lieu de ça, les annonces prônent des valeurs et des stratégies d’entreprise trop éloignées du quotidien des candidats. »
Pour encourager les candidats comptables à davantage postuler, il faudrait donc que les recruteurs parlent « vrai et concret » dans les annonces. « Or, le niveau de juniorité actuelle des recruteurs fait qu’ils ne connaissent pas vraiment les métiers présentés dans les annonces donc ils ont dû mal à en détailler les tenants et les aboutissants. C’est plus facile pour eux d’insister sur des soft skills transverses que de parler du métier », regrette-t-il.
Pour Nicolas Leroy, directeur du recrutement chez Fiducial qui recrute chaque année 1000 comptables, personnaliser davantage les offres d’emploi ne serait pas vraiment le sujet. Selon ce pro du recrutement, les candidats ne regardent en réalité pas le texte de l’annonce mais s'arrêtent souvent au titre, à la localisation et au salaire.
Je pense qu'il serait un peu malhonnête de notre part de faire trop rêver les candidats via une annonce en y mettant trop de “cotillons”. Ce procédé peut générer par la suite de la frustration ou de la déception. Nous jouons donc la carte de l’authenticité et de la transparence en nous limitant aux éléments “objectifs” (intitulé de poste, localisation, descriptif...) et c'est lors de la suite du process de recrutement que nous essayons de donner envie de nous rejoindre au fil des échanges et des rencontres. Avoir une marque employeur forte est également un levier important pour attirer les candidats.
Pourquoi Fiducial préfère ne pas indiquer les salaires dans ses offres d’emploi ?
Pour autant, Fiducial refuse d’indiquer une fourchette de rémunération dans ses offres d’emploi.
« Statistiquement les études prouvent que les candidats répondent davantage aux annonces qui mentionnent la rémunération. Néanmoins, ce n'est pas le choix que nous faisons. Nous sommes ouverts en termes d'expérience pour un poste, et nous ne voulons pas être "coincés" par une rémunération affichée dans une annonce si nous nous ouvrons sur un candidat plus ou moins expérimenté. L'expérience fait évidemment varier les rémunérations que nous proposons », explique Nicolas Leroy.
La solution de l’approche directe
Alors pour identifier des candidats, Fiducial inverse les rôles et approche directement les candidats.
« Les candidats étant de plus en plus passifs, ils attendent d'être approchés et répondent de moins en moins aux annonces. Il est donc nécessaire d'être très actifs pour se faire connaitre et pouvoir les attirer via approche directe », constate-t-il, fataliste.
Offrir des feedbacks qualitatifs aux candidats
Pour Jean Pralong, le bât blesse entre candidats et entreprise car « le process de recrutement est perçu par les candidats comme étant au seul service des employeurs.
C’est une compétition avec un seul finaliste. Il faudrait au contraire créer de la valeur pour tous les candidats ayant pris la peine de répondre à l’annonce et investis dans le process de recrutement. Par exemple, systématiser du feedback au candidat sur les tests qu’ils auraient pu passer. Cela leur permettra d’en apprendre plus sur eux et de se dire qu’ils n’ont pas été jusque-là dans le process pour rien ».
Un retour sur leur expérience candidat devrait leur permettre de (re)gagner en assurance et confiance en soi et les inciter à davantage répondre à des annonces.
Il entend d’ici l’argument des employeurs sur le coût exorbitant d’une telle démarche de feedback.
« 9 recruteurs sur 10 vont effectivement se dire que cette démarche va être trop coûteuse. L’entreprise qui pensera le contraire et sera capable de donner ce type de feedback préparera au contraire ses embauches de demain car elle n’aura pas dégouté le candidat de postuler dans le futur. Renault a coutume de dire que le candidat malchanceux doit au moins avoir envie d’acheter une Clio. Plutôt que de se cantonner à des processus de sélection, les employeurs gagneraient à se lancer dans des processus de séduction et d’orientation », conclut Jean Pralong.
Créer un CV en ligne sur Cadremploi
Facile et rapide, créez votre CV et téléchargez-le gratuitement.
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.