
Refus de CDI et allocation chômage : ce que dit la loi
Pour atteindre le plein emploi d’ici la fin de son second mandat, Emmanuel Macron a toujours dit qu’il mettrait les bouchées doubles. Et autant dire qu’il tient parole pour détricoter les règles d’accès à l’assurance chômage et remettre les Français au boulot - ou sur la voie de la précarité, selon d'autres voix. Après les séniors, le tour de vis concerne cette fois les bénéficiaires de CDD ou de contrats d’intérim.
Si, en fin de CDD ou de mission d’intérim, vous déclinez deux fois un « emploi stable », donc un CDI émis par le même employeur, vous ne serez plus éligible à des allocations chômage précise le décret paru le 28 décembre 2023 au Journal Officiel ( issu de la loi du 21 décembre 2022).
Refus de CDI et privation d'allocation chômage : à quelles conditions ?
Plusieurs conditions doivent être respectées. Avant l’issue de votre CDD ou de votre mission d’intérim, l’employeur qui voudrait vous embaucher en CDI doit
- vous faire une offre écrite, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par lettre remise en main propre contre décharge, ou par tout autre moyen indiquant une date précise de sa réception;
- L’emploi proposé doit être de qualité égale à celui que vous aviez en CDD ou intérim, comprendre les mêmes tâches et missions et au moins la même durée;
- Il doit indiquer un salaire au moins équivalent au précédent;
- et se situer au même endroit.
Si l’une de ces conditions n’est pas respectée, vous pouvez décliner l’offre sans prendre le risque de perdre vos allocations chômage.
Le décret indique que vous avez un « délai raisonnable » pour vous décider. En fait, sans réponse de votre part au plus tard un mois après la réception de cette proposition de CDI, l’entreprise peut considérer que vous refusez cette offre d’emploi durable et vous dénoncer à France Travail (ex-Pôle emploi)
Des refus de CDI transmis à France Travail par votre employeur
- Si vous refusez un premier CDI (ou que vous ne répondez pas à l’offre de votre employeur)
Votre employeur dispose alors d’un mois pour en informer France Travail. Les agents du service public de l’emploi peuvent tout simplement prendre acte de votre refus de signer un CDI ou vous demander des informations complémentaires. Mais avec ce premier refus, pas encore de sanction financière.
- Si vous refusez un second CDI (ou que vous ne répondez pas à l’offre de votre employeur)
Même procédure que pour le premier refus, sauf que là, l’issue peut être punitive. Si vous étiez éligible à une indemnisation chômage à l’issue de votre CDD ou de votre mission d’intérim, eh bien vous ne toucherez plus un kopek. Votre allocation de retour à l'emploi pourrait être suspendue.
Les entreprises dénonceront-elles vraiment les CDD qui refusent un CDI ?
L'application de ce dispositif paraît mal partie. Pour des raisons éthiques mais aussi administratives, exprimées par les chefs d'entreprises et les patrons d'agences d'emploi.

Je suis contre par principe. Je comprends l'intention de cette mesure mais j'estime qu'un employeur n'a pas à se transformer en délateur. De plus, il serait malvenu de pénaliser des personnes qui ont besoin de flexibilité et de liberté dans leur façon de travailler. 70 % des intérimaires à qui j’ai proposé un CDI ont refusé. Je ne me vois pas les sanctionner.Samuel Tual, le président du groupe Actual qui fait travailler 165 000 intérimaires chaque année dans 33 000 entreprises.
D'autres voix patronales ont manifesté leur désaccord dans les médias, invoquant des raisons administratives. Car pour dénoncer un candidat, l’entreprise devra créer un compte sur une plateforme du gouvernement et remplir un formulaire afin de communiquer tous les éléments du contrat de travail proposé. Bref, des démarches administratives supplémentaires qui déplaisent aux employeurs qui estiment en faire déjà assez.

Sylvie Laidet, journaliste indépendante, réalise des enquêtes sur le monde du travail. Sylvia Di Pasquale est rédactrice en chef de la partie Actualités de Cadremploi.