Renaissance industrielle à Dunkerque : 27 000 créations potentielles de postes d’ici 2040, dont 20 % de cadres

Sylvie Laidet-Ratier

RECRUTEMENTS – Avec une quarantaine de nouveaux projets industriels, l’agglomération nordiste est en passe de retrouver un second souffle. A la clé, plus de 27 000 créations potentielles d’emploi à pourvoir localement. Mais ils ne seront pas tous pourvus par des talents du cru. Une aubaine pour des talents venus d’ailleurs ? Type de postes, conditions d’emploi et de vie… Nous avons interviewé quatre expertes pour vous aider à décider si vous êtes partant pour un remake de bienvenue chez les Ch’tis.

Portée par d'ambitieux projets d'investissement et des innovations technologiques, Dunkerque se prépare à une renaissance économique impressionnante, avec une prévision de 27 000 emplois potentiellement créés d'ici 2040 dont 5400 postes cadres. L'occasion pour les natifs de revenir au pays et pour les autres de découvrir la convivialité ch'ti ?

Renaissance industrielle à Dunkerque : 27 000 créations potentielles de postes d’ici 2040, dont 20 % de cadres
Portée par d'ambitieux projets d'investissement et des innovations technologiques, Dunkerque se prépare à une renaissance économique impressionnante, avec une prévision de 27 000 emplois potentiellement créés d'ici 2040 dont 5400 postes cadres. L'occasion pour les natifs de revenir au pays et pour les autres de découvrir la convivialité ch'ti ?

Elles témoignent

  • Emmanuelle Leroy, directrice attractivité et emploi à la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD).
  • Diane Martel, DRH de Flocryl
  • Marie-Claude Gabriele, dirigeante du cabinet de recrutement Keezi Solutions
  • Caroline Vannier, directrice Hauts-de-France chez LHH Recruitment Solutions

27 000 créations potentielles de postes à Dunkerque d’ici 2040

En mai dernier, le président de la République lui-même faisait le déplacement pour annoncer en grande pompe la future installation d’une nouvelle giga factory de batteries électriques à Dunkerque.

Depuis quelques mois, ce territoire de la Côte d’Opale semble être devenu the place to be pour les investisseurs français et étrangers. En début d’année, Verkor, fabricant de batteries électriques, confirmait sa prochaine implantation dans le bassin dunkerquois et la création de 1200 emplois d'ici 2025. Un peu plus tôt, Clarebout Potatoes signait pour un nouveau site de production de frites (320 emplois).

A la clé de tous ces projets, la création de 16 000 emplois d’ici 2030 nous annonçait-on ! Une aubaine pour cette région du Nord industriellement sinistrée du fait de son passé sidérurgique et de sa lente reconversion.

En réalité, les prévisions sont bien plus optimistes : d'ici 2040, on serait en mesure d'atteindre 27 000 créations potentielles de postes. La part des cadres sera de l’ordre de 20%.

Des postes à pourvoir dans les grandes et petites entreprises

Dans les 20 ans à venir, le Dunkerquois s’apprête donc à accueillir 41 grands projets d’investissement portés par des ruptures technologiques.

Bye bye les hauts fourneaux à l’ancienne, on parle désormais de « hauts fourneaux verts » chez ArcelorMittal avec notamment l’injection d’hydrogène vert. EDF va y implanter deux nouveaux EPR. Pas moins de 2 giga factory de batteries électriques nouvelle génération pilotées par Verkor (1200 créations d’emploi) et le taïwanais Prologium Technology (2000 à 3000 créations de poste) vont aussi jeter l’ancre à Dunkerque et engendrer des milliers d’emplois. Le spécialiste de production de polymères pour le traitement de l’eau, Flocryl, est d’ores et déjà en train de constituer un vivier de candidats afin d’être en mesure d’embaucher 40 personnes tous les 2 ans pendant 30 ans.

Diane Martel

« A terme, nous compterons 1000 salariés dont 8% de cadres », décompte Diane Martel, DRH de Flocryl, arrivée dans le groupe fin 2021. Les PME-PMI locales ne sont pas en reste et cherchent également à staffer leurs équipes afin de pouvoir répondre à la commande locale. Bref, le marché de l’emploi dunkerquois retrouve des couleurs !

Des postes techniques à foison

Les futures implantations industrielles vont évidemment nécessiter l’embauche de profils techniques : ingénieurs, directeurs de production, responsables de maintenance, responsables logistique, etc. Des postes seront aussi créés dans les fonctions supports. Sans oublier tous les emplois indirects générés par ses nouvelles implantations. Et ce, chez les sous-traitants de ces industries mais aussi dans l’économie du quotidien (BTP, logistique, alimentaire, loisirs, nettoyage…).

Des candidats locaux mais aussi en provenance d’autres régions

Afin de pourvoir au mieux ces emplois, les employeurs chassent évidemment en terre nordiste.

Les entreprises recherchent des experts techniques. Or, localement, le vivier de candidats n’est pas suffisant. L’offre de formation est en cours de refonte sur le territoire afin de former des jeunes à ces métiers porteurs.
Emmanuelle Leroy, directrice attractivité et emploi à la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD)

« Malgré des universités à Calais, Dunkerque et Boulogne-sur-Mer, les jeunes diplômés partent travailler à Lille, Amiens ou encore Paris », renchérit Marie-Claude Gabriele, dirigeante du cabinet de recrutement Keezi Solutions.

Une bonne nouvelle pour les candidats venant d’autres régions. Notamment, ceux ayant des attaches passées avec la région de Dunkerque et qui aimeraient rejoindre leurs terres natales. Dans ce contexte, un service d’accompagnement des salariés en mobilité a été mis en place et une personne a été embauchés afin de prendre en charge l’information, l’aide à la recherche de logement, de l'école, etc.

Caroline Vannier

«  Depuis, le covid, même si la région est moins attractive que Nantes par exemple, beaucoup de candidats sont contents de sortir des grandes agglomérations. Et sont prêts à « s’expatrier » ailleurs en France pour un meilleur équilibre vie pro-vie perso, » constate Caroline Vannier, directrice Hauts-de-France chez LHH Recruitment Solutions.

Pour satisfaire les attentes des employeurs locaux, les candidats doivent être prêts à s’installer sur place. « Ce sont des emplois industriels nécessitant une présence accrue sur site. Et quand bien même le poste serait télétravaillable une partie de la semaine, les employeurs de la région ne sont pas encore très ouverts à ce mode d’organisation. Donc pas vraiment fans des profils pendulaires qui viendraient bosser 3 jours à Dunkerque et le reste du temps en télétravail depuis une autre région », observe un autre spécialiste du marché de l’emploi à Dunkerque. Vous voilà prévenus.

Un territoire qui veut devenir attractif pour les néo Dunkerquois

Pour attirer les candidats venus d’ailleurs, la métropole Dunkerquoise multiplie les initiatives. En organisant notamment des week-ends « Welcome pack » à destination de ceux qui hésiteraient encore à franchir le pas pour rejoindre le bassin Dunkerquois. Lors de cette courte immersion, la CUD leur présente le territoire, le tissu économique (visite de boîtes, rencontres d’employeurs…) et bien sûr la qualité de vie (mer, grands espaces, proximité avec la Belgique, nature…).

« Nous voulons attirer des populations qui ont un intérêt à l’économie de la transition. Avec les industriels, nous réfléchissons ensemble à repenser les façons de vivre et de travailler. Par exemple, sur la création de logements à proximité des zones d’emploi dans des villages. Ainsi, on redynamise le territoire et on limite les émissions de Co2 », illustre Emmanuelle Leroy. Voilà pour la carte postale.

Sur le terrain, la réalité est un peu moins rose. « L’attractivité du territoire est encore à travailler. On a besoin d’un accompagnement complet pour les nouveaux arrivants en termes de logement, de scolarité mais aussi pour le deuxième emploi du conjoint », souligne Marie-Claude Gabriele (Keezi Solutions). Et Caroline Vannier (LHH Recruitment Solutions) de constater que « l’aide au retour à l’emploi du conjoint fait rarement partie du package proposé au candidat. C’est souvent nous, cabinet, qui leur venons en aide ».

Des rémunérations moins importantes mais un coût de la vie moindre aussi

Côté salaire, il y a aussi battle par rapport aux pratiques sur le reste du territoire. Et notamment comparé à Paris.

Dans le Dunkerquois, « le salaire net horaire moyen des cadres, professions intellectuelles supérieures et des chefs d'entreprises salariés s’élève à 26,55 € en 2020 contre 28,23 € en France sur la même période, nous précise la CUD. Donc inférieur de plus de 10% mais compensé par un gain de pouvoir d’achat (immobilier, transport collectif gratuit…). »

« Sur des profils pénuriques, les entreprises sont capables d’augmenter leur niveau de rémunération pour attirer les meilleurs », constate néanmoins Caroline Vannier.

Cette surenchère concerne essentiellement les grandes structures qui ajoutent aux salaires des avantages connexes.

Des packages que les PME/PMI ou encore les TPE locales ne vont pas pouvoir honorer. Il y a donc un risque d’aspiration des talents locaux par ces grandes entreprises. Les candidats au retour dans la région de Dunkerque pourraient alors remplacer les sortants dans les entreprises plus petites
Marie-Claude Gabriele, dirigeante du cabinet de recrutement Keezi Solutions

Consciente des pratiques de gestion des ressources humaines des groupes qui challengent les entreprises locales, la CUD et le tissu économique local travaillent de concert pour rendre les PME/PMI plus attractives.

« La revalorisation des salaires, les déroulements de carrière, la semaine de 4 jours sont autant de thèmes en discussion », déroule Emmanuelle Leroy. En attendant des décisions concrètes, elle préfère insister sur la vie moins chère en Dunkerquois et les préoccupations écologiques. « Nous multiplions les programmes d’incitation à verdir sa consommation. Avec par exemple un système d’aide pour la réfection de logement, pour les diagnostics énergétiques. Les bus sont gratuits. Nous avons de nombreuses ressourceries, une solide économie du don… », illustre-t-elle. Pour convaincre un candidat « externe » de rejoindre la région, il en faudra sans doute plus. Par exemple les prix de l’immobilier bien moins élevés qu’à Paris. Idéal pour ceux qui rêvent d’une maison au bord de la mer !

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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