
- Des augmentations 2021 comprises entre 1,3 et 2,2 %
- Les jeunes diplômés peu concernés par les hausses
- Différence hommes / femmes : l’écart salarial risque de perdurer
- Paris-Régions : le télétravail n’a pas encore d’impact sur le différentiel
- Quelles fonctions seront les plus augmentées en 2021 ?
- Quelles augmentations prévues selon les secteurs ?
- Comment négocier une augmentation en 2021 ?
Ils témoignent
- Khalil Aït-Mouloud, responsable de l’activité enquêtes de rémunération au sein de Gras Savoye Willis Towers Watson
- Laurent Blanchard, directeur général senior PageGroup
- Oualid Hathroubi, directeur de Hays Paris
- Sandrine Meunier, chief people officer d’Aircall
- Daniel Porot, auteur de « 101 secrets pour bien négocier son salaire… ou une augmentation »
- Coralie Rachet, DG France du cabinet Robert Walters
- Alexandre Tamagnaud, dirigeant du groupe Fed
- Laure Thévenin-Metzger, directrice de Rittmo Agroenvironnement
Des augmentations 2021 comprises entre 1,3 et 2,2 %
Ce n’est rien de dire que la Covid 2020-2021 représente un véritable casse-tête pour les ressources humaines. Au sein d’une même entreprise, les managers vont devoir gérer une stagnation des salaires pour beaucoup et de fortes hausses pour quelques happy few…

« La crise de 2008 était financière et attaquait tout le monde, pose Laurent Blanchard, directeur général senior de PageGroup, le leader des cabinets de recrutement français en nombre de missions réalisées, qui vient de publier son étude de rémunération 2021. Celle de 2021 est atypique. Elle booste des secteurs et en condamnent d’autres. Résultat : les salaires fluctuent avec des cadres que l’on s’arrache davantage en janvier 2021 qu’au début 2020 ».
La crise de la Covid marque aussi un fléchissement des augmentations salariales des cadres selon le cabinet de recrutement Robert Walters qui vient de publier son étude salaire 2021 menée auprès de 50 000 cadres et clients. « Mais les pratiques sont extrêmement hétérogènes d’un secteur à l’autre, d’un dirigeant à l’autre », relève Coralie Rachet, la DG France du cabinet Robert Walters
Même constat de la part d’Alexandre Tamagnaud, dirigeant du groupe de recrutement Fed « Nos clients nous remontent des augmentations de l’ordre de 1 à 2 %. Une très grosse banque annonce une hausse ne dépassant pas les 0,8 %. Un média envisage 0,7 tout au plus. Un spécialiste de la cosmétique entrevoit 2 % grand maximum ».
Des augmentations symboliques chez Rittmo Agroenvironnement

Ce centre de recherche de 20 salariés dont la moitié sont des cadres propose, pour 2021, une augmentation générale de 0,99 %. « C’est la hausse du Smic pour 2021, explique Laure Thévenin-Metzger, sa directrice. Nous avons aussi payé une prime de 300 euros aux salariés qui sont venus à leur bureau pendant l’année 2020 ».
Seulement 26 % des cadres s’attendent à recevoir une augmentation en 2021 contre 73 % en 2020. Cette année moins de cadres attendent une augmentation mais ceux qui l’attendent, espèrent beaucoup plus que l’an passéCoralie Rachet, DG Robert Walters France

Dans la plupart des entreprises, les salaires des cadres ne devraient donc pas augmenter considérablement. « On parle d’année blanche pour leurs salaires, » confirme Coralie Rachet, pour Robert Walters. Et les cadres en sont bien conscients. Dans son enquête 2021 réalisée auprès de 1300 candidats, le cabinet révèle que seuls 26 % d’entre eux s’attendent à recevoir une augmentation en 2021 contre 73 % l’an passé. « Mais 38% s’attendent à recevoir un bonus de compensation », avertit Coralie Rachet.
En 2008, près de 40 % des entreprises avaient procédé à un gel des salaires. Elles ne sont que 10 % en 2021.Khalil Aït-Mouloud, Gras Savoye Willis Towers Watson

« Alors que la moyenne de ces hausses était de l’ordre de 2,5 % depuis 2017, l’augmentation 2021 sera de 2,2 %, estime Khalil Aït-Mouloud, responsable de l’activité enquêtes de rémunération au sein de Gras Savoye Willis Towers Watson. Mais il ne s’agit pas non plus d’une baisse drastique. Si on compare cette crise avec la dernière, celle de 2008, le millésime 2021 n’est pas si mauvais. En 2008, près de 40 % des entreprises avaient procédé à un gel des salaires. Ce n’est le cas que de 10 % en 2021 ».
On assiste donc à une crise sanitaire qui touche peu, pour l’instant, les salaires d’autant plus que l’inflation sera, selon la Banque de France, de l’ordre de 0,8 % en 2021. Soit un pouvoir d’achat maintenu ou en hausse d’environ 1 %. Pas de quoi ni sabler le champagne, ni tomber dans la déprime.
Les entreprises ont le choix. Elles demanderont plus de compétences pour le même salaire.Oualid Hathroubi, directeur de Hays Paris
Les jeunes diplômés peu concernés par les hausses

Les jeunes diplômés et les jeunes cadres seront les principaux perdants de la crise 2020-2021. « Mais ils ne seront pas ‘’sacrifiés’’ comme cela s’est passé en 2008, commente Oualid Hathroubi, directeur de Hays Paris, l’un des principaux cabinets de recrutement français. Leurs salaires 2021 seront comparables à ceux de 2020 et de 2019. Par contre, leur intégration en entreprise sera plus difficile. Les employeurs recrutent aujourd’hui avec davantage de méticulosité car il y a plus de candidats que de postes. Là où, en 2019, on intégrait un jeune maitrisant mal l’anglais, on préfère embaucher un « fluent » en 2021. Les entreprises ont le choix. Elles demanderont plus de compétences pour le même salaire ».
Différence hommes / femmes : l’écart salarial risque de perdurer
« Malgré les efforts des entreprises et les textes de loi, seuls 22% des femmes vs 43% des hommes déclarent s’attendre à une augmentation. C’est inquiétant. Parmi elles, seules 44% d’entre elles vont oser négocier leur salaire contre 62% des homme », indique Coralie Rachet. La charge mentale des femmes a augmenté avec la pandémie, ceci expliquant peut-être cela.
Paris-Régions : le télétravail n’a pas encore d’impact sur le différentiel
Pour l’instant, la différence de salaire entre Paris et les autres régions se maintient à 5-10 % en faveur de l’Ile-de-France. Cela va-t-il perdurer ? Certains en doutent car le développement du télétravail pourrait inciter les employeurs à abaisser les salaires parisiens dans la mesure où il est de plus en plus facile de vivre à Dieppe ou Biarritz et d’avoir son bureau en Ile-de-France. Un poste ouvert à la Défense peut aujourd’hui intéresser un cadre vivant à 300 km des tours de l’ouest francilien. D’où une possible diminution des rémunérations. « Cependant, cette baisse n’est pas enclenchée, précise Khalil Aït-Mouloud de Gras Savoye Willis Towers Watson. Mais jusqu’à quand ? ».
Quelles fonctions seront les plus augmentées en 2021 ?
Parmi les cadres qui s’attendent à être augmentés (enquête Robert Walters 2021), 35% tablent sur une augmentation plutôt conséquente de plus de 7% (ils n’étaient que 20% l’an passé).
Parmi les cadres qui devraient être les plus augmentés en 2021, les fonctions listées par le cabinet Robert Walters relèvent à la fois des secteurs en croissance mais aussi en souffrance « qui ont eu besoin de talents pour pouvoir se transformer », précise Coralie Rachet :
Ressources humaines
Responsable des relations sociales + 15%
Juridique
Compliance officer +12 %
Ingénieurs
Managers Lean manufacturing (amélioration continue) + 11%
Manager HSE + 11 %
Santé
Directeur des opérations cliniques + 11 %
Finance
CFO en petites structures +11%
Directeur de trésorerie +11%
IT et digital
Responsable de programme de transformation + 10 %
Achats/ Supply chain
Directeur approvisionnements/Supply chain + 10 %
Quelles augmentations prévues selon les secteurs ?
Les augmentations salariales moyennes prévues par secteur en 2021 selon Gras Savoye Willis Towers Watson :
- Media : 2,8%
- Santé : 2,5%
- Chimie : 2,3%
- Nouvelles Technologies : 2,3%
- Consulting : 2,3%
- Marché général : 2,2%
- Assurance : 2,0%
- Industrie : 2,0%
- Distribution : 2,0%
- Energie : 2,0%
- Finance : 2,0%
- Automobile : 1,8%
- Banque : 1,5%
Comment négocier une augmentation en 2021 ?
Certes, comme le précise l’expert es rémunération Daniel Porot, auteur de 101 secrets pour bien négocier son salaire… ou une augmentation, « certaines boites sont tombées de la falaise et tentent de survivre. Mais cela n’empêche pas de négocier une augmentation. Les experts, les métiers en tension peuvent argumenter avec une règle d’or : ne pas négocier en même temps que tout le monde et notamment lors des entretiens d’évaluation annuels. Il faut argumenter lorsque l’on peut démontrer, par un succès, son efficacité. Ce peut-être lorsque l’on vient de décrocher un nouveau client, que l’on vient de faire 10 % d’économie dans son service… Restera à évaluer le gain réalisé, aller voir son dirigeant, lui signifier cette bonne nouvelle et demander à ce qu’une part de ce gâteau soit rétrocédée. Si ça ne marche pas, il faut demander d’engager la mise en place d’un système de bonus sur des objectifs à définir ou demander des responsabilités supplémentaires sans hausse de salaire pour augmenter ses compétences et réitérer une demande l’année suivante. », conseille Daniel Porot.
Témoignages de DRH : Pour 2021, chez Aircall, c’est « + 4 % en global » et des périphériques de rémunération à gogo »
Sandrine Meunier est Chief people officer d’Aircall. Cette entreprise de la « tech » commercialise des logiciels de téléphonie sur le cloud (par internet). Aujourd’hui, la société ne compte que des cadres (250 en janvier 2021). Elle en salariera 350 en janvier 2022.

« Nous allons embaucher quelque 100 cadres en 2021. Nous recherchons des des développeurs, des ingénieurs, des experts en charge de la sécurité, des marketeurs, des commerciaux, des spécialistes de la relation client. 30 % seront des jeunes diplômés, 40 % des expérimentés ayant 5 à 10 ans d’expérience et le reste des séniors. Ils sont tous très demandés sur le marché du travail. Voilà pourquoi nous payons un peu au-dessus du marché et que nous allons augmenter en global nos équipes d’environ 4 % cette année. On permet aussi de belles promotions qui occasionnent une hausse salariale pouvant atteindre les 15 %. A cela, nous offrons une série de périmètres de rémunération intéressants comme une bonne mutuelle, un remboursement de la gym, un chèque de 150 euros par mois et par enfant pour les parents, des stock-options pour chaque nouvel entrant et une prime de 500 à 4000 euros par salarié coopté par un de nos employés. Il faut y ajouter une politique de télétravail attrayante avec 4 jours de home office possible par semaine ».

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.