L’énergie “green” recrute : « Plein de projets mais pas assez de candidats »

Gwenole Guiomard

SECTEUR QUI RECRUTE – Avis à ceux qui souhaitent contribuer à décarbonner la planète. Les branches production et distribution su secteur de l'énergie ont besoin d’embaucher. De très nombreux métiers cadres sont en tension et les employeurs soignent les salaires et les déroulés de carrière. Cadremploi a interrogé différents acteurs de la filière sur les compétences recherchées, les formations possibles et les salaires proposées. Analyse, témoignages et offres d'emploi à pourvoir dès aujourd'hui si ce secteur vous tente.

L'énergie "green" recrute et manque de candidats.

L’énergie “green” recrute : « Plein de projets mais pas assez de candidats »
L'énergie "green" recrute et manque de candidats.

Ils témoignent

  • Antoine Voyer, consultant senior politique et stratégie emploi chez KYU Associés
  • Maxime Alves, manager pour la practice ingénierie et opération pour le chasseur de têtes Robert Walters
  • Emilie Charton, manager pour le cabinet de recrutement Fed Ingénierie Lyon
  • Nolwenn Belleguic, directrice des ressources humaines Lhyfe, pionnier mondial et pure player de l’hydrogène vert renouvelable
  • Ana Carolina de Oliveira Coppe, 26 ans, brésilienne et le Français Victor Duval, 24 ans, tous deux diplômés d’un master en énergie nucléaire de l’Ensta
  • Jacky Catonio, président de Beweis, spécialisée dans le contrôle et la traçabilité des soudures nucléaires
  • Anne-Lise Gloanec, enseignante chercheuse à l’Ensta Paris

De gros besoins en recrutement dans les secteurs de la production d'énergie renouvelable

 

Tous les recruteurs s’accordent : le secteur de la production et de la distribution d’énergie embauche. Le cabinet de conseils Kyu, dans son étude sur cette fonction parue fin mai 2022, a quantifié le phénomène.

 

Un marché tendu

 

« Le nombre d’offres d’emploi dans ce secteur a atteint les 13 000 en 2021 (10 700 en 2020) dont 1800 pour les fonctions dédiées aux Bac +5, précise Antoine Voyer, consultant sénior. C’est aussi une activité où les jobs proposés sont de « qualité » avec 76 % de CDI et 94 % des emplois à temps plein ».

Cerise sur le gâteau : la progression du nombre de ces offres est de l’ordre de + 20 % entre 2020 et 2021. Cela devrait se poursuivre en 2022.

Maxime Alves

Car « le marché  est « tendu », confirme Maxime Alves, manager pour la practice ingénierie et opération pour le chasseur de têtes Robert Walters (lire ici leur étude sur l’emploi dans les énergies renouvelables https://www.robertwalters.fr/hiring/hiring-advice/quelle-place-professionnels-dans-energies-renouvelables.html). Je note aussi que ce sont les entreprises développant les énergies renouvelables (hydrogène, nucléaire) qui accélèrent cette tension, Pour l’énergie carbonée, les embauches sont toujours là mais les candidats sont réticents à intégrer ces fonctions et ceux qui y sont veulent participer à la décarbonation de leur monde ».

 

Les conséquences de cette difficulté à recruter des cadres sont nombreuses. Ainsi, dans le solaire, les employeurs doivent mettre les moyens pour trouver un bon candidat. Un acteur lyonnais vient, par exemple, d’embaucher un responsable business de 45 ans, avec une expérience dans l’énergie solaire, pour le payer 90 000 euros brut par an avec 30 % en plus de variable.

Emilie Charton

 « Le secteur recrute, poursuit Emilie Charton, manager pour le cabinet de recrutement Fed Ingénierie Lyon. Le nombre de missions que nous réalisons a grimpé de 10-15 % entre mai 2021 et mai 2022 ». Les chasseurs de têtes recherche en priorité des ingénieurs maintenance, ingénieurs électriciens et des ingénieurs généralistes polyvalent pour la recherche et le développement. « Nous ne travaillons quasi plus pour le charbon ou le pétrole, ajoute Emilie Charton. Si on a un poste dans ces secteurs carbonés sur 10 missions, c’est le bout du monde. Ce ne sont plus, de surcroit, des secteurs qui font rêver les candidats et ils ont le choix de dire non à une énergie qui sera, de toute façon, en déclin ces dix prochaines années ».

Quelles entreprises recrutent ?

 

Solaire et éolien

Ce boom des embauches concerne des producteurs d’énergie alternative comme la société Boralex, spécialisée dans l’énergie solaire et éolienne. La structure va embaucher 45 salariés en 2022 dont 90 % de cadres. Il s’agit de développer la partie photovoltaïque avec l’embauche de chefs de projets et de développeurs territoriaux.

Hydrogène

C’est aussi le cas de Lhyfe, une PME nantaise (bureau aussi à Paris et filiales en Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Suède, Danemark, Espagne…) de 90 salariés. La société fait le pari du développement de la production d’hydrogène.

Nolwenn Belleguic

« Nous allons recruter en 2022 une petite centaine de salariés dont 99 % de cadres, précise Nolwenn Belleguic, directrice des ressources humaines. Nous doublons nos effectifs tous les 6 mois et recherchons actuellement des « Business developper » pour convaincre les collectivités locales de monter un « écosystème hydrogène » pour des salaires qui oscillent entre 65 000 et 100 000 euros brut par an. Mais aussi des ingénieurs issus de l’oil & gas travaillant comme automaticien ou dans l’électronique de puissance et des spécialistes des fonctions supports : juriste, financier, commerciaux, ressources humaines ou communication ». Ici, tout est à construire et l’entreprise bretonne accueille à bras ouverts des cadres en reconversion, des anciens, des jeunes et des salariés souhaitant travailler à l’international.

Nucléaire

Du côté du nucléaire, c’est aussi la fête au village. « Le marché du travail est très bon, confirment en cœur Ana Carolina de Oliveira Coppe, 26 ans, brésilienne et le Français Victor Duval, 24 ans, tous deux diplômés d’un master en énergie nucléaire de l’Ensta). Tous nos amis ont trouvé du travail à l’issue de leur stage ».

Car le nucléaire est très valorisé dans ce secteur. C’est la porte vers les autres énergies. Il sera plus facile de basculer vers des énergies douces en partant du nucléaire que de se spécialiser dans, par exemple, le photovoltaïque et évoluer vers d’autres sources d’énergie.

Jacky Catonio

Ce que confirme Jacky Catonio, président de Beweis, une société située entre Marseille et Cassis de 10 salariés spécialisée dans le contrôle des soudures nucléaires. Il recherche des ingénieurs en informatique et en sécurité informatique. « Il y a pénurie de cadres, maugrée-t-il. Je n’en trouve pas et mon développement en est freiné. J’ai plein de projets mais pas de candidats. Pourtant, nous leur proposons un déroulé de carrière rapide. Les bons éléments passeront, en un an, de développeur à pilote de projets pour des salaires avoisinant les 40 000 à 50 000 euros brut par an ».

 

Des salaires confortables

Dans ce secteur de pointe, les salaires sont donc confortables. Et ils augmentent depuis le début 2021.

« Pour le même poste, dans ces secteurs de l’énergie, un salaire classique a « pris » entre 2000 à 5000 euros »
Emilie Charton, manager pour le cabinet de recrutement Fed Ingénierie Lyon

Ainsi, la rémunération d’un ingénieur maintenance est passée de 37 000-38 000 euros brut par an à 42 000-45 000 euros en un an. C’est remarquable.  C’est le cas de ce jeune ingénieur maintenance de 27 ans. Diplômé du Cesi (https://ecole-ingenieurs.cesi.fr), il vient d’être embauché par une société d’ingénierie. Avec deux ans d’expérience, il perçoit 40 000 euros brut par an soit le salaire d’un spécialiste ayant 5 ans d’expérience. Ces hausses de salaire concernent aussi les plus vieux. Aujourd’hui, un business developper percevra entre 60 000 et 100 000 euros brut par an dans une société comme Lhyfe. Le salaire médian d’un ingénieur avoisinera les 60 000 euros et les jeunes diplômés débutent à des rémunérations très enviables. C’est le cas de ce jeune diplômé d’un Master en énergie nucléaire. A 23 ans, il perçoit 40 000 euros brut par an avec un intéressement de l’ordre de 4000 euros par an. Il n’a jamais connu le chômage passant de son entreprise de stage à son employeur.

 

Les compétences recherchées

Dans le secteur de la production et la distribution d’énergie, renouvelable ou pas, il faut pouvoir montrer un diplôme lié à ce secteur… Il est aussi indispensable de démontrer en entretien une expérience et une adhésion aux valeurs du secteur même si certains sous-secteurs à la pointe de la pointe du progrès comme l’hydrogène offrent plus de latitudes et demandent moins d’expérience que dans les industries classiques. Ensuite, il faudra faire ses preuves et ne pas aller tout de suite au plus offrant. Une expérience d’au moins 5 ans par « mission » est considérée comme un gage de sérieux.

 

Les reconversions sont-elles possibles ?

Les reconversions, dans ce secteur, sont difficiles. Les recruteurs recherchent des profils dotés d’une expérience dans l’énergie visée. Quand on vient de l’automobile, les portes de l’éolien ne sont pas grandes ouvertes. Reste les secteurs très en pointe comme l’hydrogène où le manque de main d’œuvre et la nouveauté de cette énergie permet plus de passerelles. La formation continue permet aussi de se mettre à niveau pour se faire embaucher dans un secteur comme le nucléaire en recherche d’ingénieurs en sureté, exploitation, génie civil. « Les techniciens supérieurs peuvent, par exemple, décrocher le master nuclear energy via la formation continue et/ou la validation des acquis de l’expérience, conseille Anne-Lise Gloanec, enseignante chercheuse à l’Ensta Paris (Institut polytechnique/université Paris Saclay) et coordinatrice du très recherché Master of sciences « nuclear energy » (https://www.ensta-paris.fr/fr/masters-phd-track) (50 diplômés par an). Ensuite, comme les lois de la mécanique s’appliquent à toutes les énergies, on peut aussi évoluer en postulant chez les employeurs des nouvelles énergies comme l’éolien ou l’énergie marine ».

Les métiers les plus en tension dans la production et la distribution d’énergie

Source : Textkernel, Traitement baromètre KYU 2022

1- Technicien de maintenance CVC

2- Technicien de maintenance

3- Frigoriste

4- Ingénieur commercial

5- Technicien de maintenance chauffage central

6- Plombier chauffagiste

7- Installateur eaux et gaz

8- Technico-commercial

9- Responsable logistique

10- Chef de projet

11- Chef de projet génie climatique

12- Commercial terrain

13- Technicien SAV

14- Manager opérations

15- Technicien informatique

16- Mécanicien industriel

17- Réparateur dépanneur

Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

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