Semaine de 4 jours : 22 % des Français en (re)demandent

Sylvie Laidet-Ratier

TEMPS DE TRAVAIL - Jamais ce sujet de la semaine de 4 jours n’aura fait l’objet d’autant d’études que ces derniers mois. Sans doute grâce à la mise en lumière d’expérimentations de plus en plus nombreuses (voir notre série*). Mais pas seulement. Selon une étude ADP publié le 24 juillet**, cette organisation du temps de travail séduit de plus en plus de salariés et près d'un quart d'entre eux la voient devenir la norme d'ici 5 ans. Mais quels efforts seraient-ils prêts à consentir pour passer à la semaine de 4 jours ? Et quels sont les risques inhérents à cette compression du temps travaillé ? Eclairages de Carlos Fontelas de Carvalho, Président d’ADP en France et en Suisse et de Bruno Mettling, président fondateur du cabinet Topics.

La semaine de 4 jours séduit de plus en plus de Français selon la dernière étude ADP pilotée par Carlos Fontelas de Carvalho, président d’ADP en France et en Suisse. Bruno Mettling, président fondateur du cabinet Topics commente cette tendance pour Cadremploi.

Semaine de 4 jours : 22 % des Français en (re)demandent
La semaine de 4 jours séduit de plus en plus de Français selon la dernière étude ADP pilotée par Carlos Fontelas de Carvalho, président d’ADP en France et en Suisse. Bruno Mettling, président fondateur du cabinet Topics commente cette tendance pour Cadremploi.

Plus d’un salarié français sur 5 estime que la semaine de 4 jours sera la norme d’ici 5 ans

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon l’étude de « People at Work 2023 : l’étude Workforce View** » réalisée par l'ADP Research Institute, plus d’un travailleur français sur 5 (22 % contre 28 % au niveau mondial) estime que la semaine de 4 jours sera la norme dans leur activité dans les cinq prochaines années.

Les plus enclins à y croire sont ceux qui travaillent dans l’industrie (31 %), dans l’informatique et les télécoms (27 %), dans l’immobilier et le commerce (25 %). A l’inverse, les collaborateurs des médias et de l’information ne sont que 15 % à faire cette projection. Complètement contre-intuitif.

Nous constatons toujours dans cette étude la demande pour un meilleur équilibre vie professionnelle-vie privée ; cette attente existe depuis longtemps mais cela s’est clairement accélérée depuis trois ans. Lorsqu'il n'est pas possible de proposer du télétravail ou un format de travail hybride, les employeurs peuvent répondre aux attentes de leurs talents par d’autres moyens, comme la mise en place de la semaine de 4 jours, pour les fidéliser et les motiver.
Carlos Fontelas de Carvalho, Président d’ADP en France et en Suisse

Memo : Ces entreprises passées à la semaine de 4 jours payées 5 jours

Depuis trois ans, Cadremploi explore les multiples expériences de flexibilité du temps de travail. Nous repérons ainsi les entreprises qui passent à la semaine des 4 jours et les interrogeons sur la formule adoptée. Récemment, une entreprise a préféré adopté la "quinzaine de 9 jours". A lire ici :

20% des Français souhaitent une semaine de 4 jours avec maintien de salaire

Si plus de 20% des Français se verraient bien basculer dans la semaine de 4 jours, ils posent certaines conditions. 4 journées de travail plus longues ok, mais pour le même salaire !

Selon l'étude ADP, c’est même non négociable pour :

  • 37% d’entre eux.
  • 41 % chez les jeunes de 25-34 ans,
  • 40 % chez les travailleurs hybrides (contre 31 % chez ceux en 100 % télétravail)
  • et 39 % chez les femmes (contre 35 % des hommes) et les parents (contre 34 % chez ceux qui n’ont pas d’enfant).

« Les salariés évoluant dans le commerce (44 %), l’hôtellerie-restauration (43 %) et les transports (41 %) en sont également particulièrement demandeurs, d’autant plus qu’il s’agit de secteurs dans lesquels le télétravail semble impossible à pratiquer pour la majorité des effectifs », soulignent les auteurs de l’étude.

Les Français favorables à la semaine de 4 jours en cas d’absence d’augmentation

Même si les prévisions d’augmentation de salaires pour cette année sont historiquement hautes, les travailleurs français doutent encore visiblement d’en bénéficier. Et selon le bon vieux principe de « un tien vaut mieux que deux tu l’auras », 25% des Français interrogés envisagent la semaine de travail plus courte comme une alternative à une non augmentation de leur rémunération. Un moyen de s’auto-augmenter en somme, ou du moins de ne pas perdre en pouvoir d’achat.

 

Les Français mesurent-ils l’impact des journées de travail plus denses et plus longues sur leur santé ?

Les salariés semblent prêts à faire des journées à rallonge sur 4 jours afin de bénéficier d’un jour off supplémentaire dans la semaine.

Pour l’heure, aucune étude n’a encore mesuré l’impact sur leur santé de ces journées de travail densifiées. Bosser 10 heures d’affilée derrière une chaine de montage, dans un restaurant, dans un call center,… donc avec moins de temps de pauses au quotidien, nécessite de mobiliser davantage d’énergie physique et mentale.

D’où les questions que posent de plus en plus d’acteurs :

  • Tous les salariés seraient-ils capables d’absorber une telle charge de travail journalière ?
  • Toutes les entreprises sont-elles câblées pour assumer de telles réorganisations ?

Carlos Fontelas de Carvalho prévient : « il est nécessaire de faire preuve de vigilance car les risques d’épuisement professionnel chez les salariés existent, que ce soit en travaillant sur des journées plus longues ou en devant réaliser leurs missions en moins de temps. De plus, il est évident qu’une semaine de 4 jours génère aussi des défis considérables en termes d’organisation du travail et du maintien du service et n’est pas réaliste dans de nombreuses organisations ».

L’avis de Bruno Mettling, président fondateur de topics, cabinet spécialisé en stratégie sociale

Bruno Mettling

« Je ne crois pas à la bascule de toutes les entreprises vers la semaine de 4 jours car passer à la semaine de 32 heures serait un vrai choc économique. Et la rallonge du temps de travail sur 4 journées pourraient avoir un impact important sur la santé physique et psychique de nombreux travailleurs. Il ne faut pas en faire un élément systématique mais au contraire, le tester activité par activité et évaluer les conséquences pour les salariés concernés.

Certaines entreprises peuvent en faire un facteur d’attractivité des talents, notamment quand les métiers ne sont pas télétravaillables. Dans l’hôtellerie-restauration par exemple, ce serait une source d’équité entre collaborateurs et travailler 4 jours au lieu de 5 leur permettrait d’enchainer 3 jours de repos consécutifs. Ce qui pourrait être une solution pour absorber la fatigue liée aux horaires tardifs propre au secteur.

Dans les entreprises de services qui peuvent se le permettre économiquement, la semaine de 4 jours est aussi envisageable. Le temps de travail ne serait alors plus le baromètre de la performance d’un salarié. En substance cela dirait aux collaborateurs « peu importe la manière dont vous vous organisez, seul compte le « delivery » de votre prestation ». Pour les entreprises, ce jour non travaillé serait une innovation sociale sérieuse avec, entre autres, des répercussions positives sur leurs factures énergétiques ».

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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