- Anaëlle*, chargée de projet communication : « J’ai peur que ça soit mal interprété »
- Matthieu*, recruteur : « ChatGPT, c’est mieux qu’un stagiaire ! »
- Garance*, community manager : « Ne pas révéler mes secrets de fabrication »
- Valentin*, développeur Javascript : « Ça pourrait être considéré comme un aveu de faiblesse »
- Alain*, formateur : « Si mon employeur me posait la question, je ne m’en cacherais pas »
- L’éclairage de Matthieu Sellies, avocat spécialisé dans la propriété intellectuelle
Anaëlle*, chargée de projet communication : « J’ai peur que ça soit mal interprété »
« Cela fait six mois que j’ai rejoint une start-up en tant que chargée de projet communication. Mon rôle est de rédiger des contenus comme des articles de blogs, des guides téléchargeables, des newsletters..., qui se destinent à la fois pour l’interne et l’externe. Cela fait deux mois que j’utilise ChatGPT. Au début, c’était surtout par curiosité. Maintenant, je m’en sers pour trouver des jeux de mots pour les objets d’emailing, des champs lexicaux lorsque je fais du copywriting... Cela me permet d’avoir une bonne base, que je retravaille ensuite.
Pourquoi utiliser ChatGPT en cachette ?
Ce n’est pas quelque chose que je revendique en interne, car j’ai peur que ce soit mal interprété, notamment par des équipes éloignées de la communication – par exemple les commerciaux – qui pourraient me taxer de fainéantise. Mais comme je travaille dans une société qui nous incite à innover, je ne pense pas le cacher encore longtemps, d’autant que j’aimerais suivre la formation de Nina Ramen sur l’utilisation de ChatGPT dans le copywriting. »
Matthieu*, recruteur : « ChatGPT, c’est mieux qu’un stagiaire ! »
« Plutôt que de partir d’une feuille blanche lorsque je dois rédiger une offre d’emploi pour laquelle je n’ai pas de gabarit type, je fais réaliser une première version à ChatGPT que j’améliore ensuite. Lorsque je dois recevoir en entretien de recrutement un profil pour un poste que je connais moins, je demande également à ChatGPT de me suggérer des questions types. De la même manière, il m’arrive de faire écrire des mails de refus à l’IA... Bref, c’est encore mieux qu’un stagiaire ! Cela suppose toutefois d’être dans l’itération car ce n’est pas si évident d’écrire des prompts clairs et précis.
Pourquoi utiliser ChatGPT en cachette ?
Si je cache à mon employeur mon utilisation de cet outil, c’est parce que j’ai peur qu’il voie, dans cette démarche, un manque de créativité de ma part. Par ailleurs, je travaille dans une ETI qui n’est pas très digitalisée. L’IA, c’est de la science-fiction pour mes dirigeants. Je ne pense pas qu’ils aient déjà entendu parler de ChatGPT ! Je sens donc que mes explications ne seraient pas bien reçues si j’osais en parler. »
Garance*, community manager : « Ne pas révéler mes secrets de fabrication »
« Dans l’agence web dans laquelle je travaille, nous sommes plusieurs community managers à utiliser l’IA, sans le dire ni à notre employeur, ni à nos clients. Pour ma part, je m’appuie sur 1.fr et SemRush pour optimiser le référencement des textes que je rédige. Ces outils me suggèrent non seulement des mots-clés sur une thématique mais également des variantes de phrases lorsqu’elles sont trop longues. Puisque j’anime des communautés sur les réseaux sociaux ainsi que des blogs, je crée également des visuels. Or, lorsqu’on doit en faire 20 à 30 par semaine, l’enjeu est de réussir à toujours se renouveler ! Pour m’assister, j’ai recours à MidJourney : l’IA conçoit des visuels selon mon brief, et je les retravaille ensuite sur Photoshop ou Canva.
Pourquoi utiliser ChatGPT en cachette ?
Puisque globalement, le community management est une activité que les clients estiment pouvoir faire par eux-mêmes mais qu’ils externalisent par manque de temps, je préfère ne pas révéler mes secrets de fabrication, de peur que l’image du CM en pâtisse davantage. »
Valentin*, développeur Javascript : « Ça pourrait être considéré comme un aveu de faiblesse »
« J’ai terminé mes études de développeur il y a quelques mois. Déjà à l’école, le sujet d’utiliser ChatGPT pour écrire du code faisait débat. Mes professeurs ne partageaient pas tous la même vision : certains nous encourageaient à l’utiliser tandis que d’autres estimaient qu’écrire du code via ChatGPT, c’était prendre le risque de ne pas comprendre ce qu’on concevait. Pire, que ça risquait de tuer le travail d’équipe, les développeurs ayant plutôt pour culture de résoudre des problèmes ensemble, de s’entraider... Maintenant que je travaille en entreprise, dans le secteur industriel, j’utilise régulièrement ChatGPT pour écrire du code, identifier les causes d’erreurs et résoudre des bugs. Certains de mes collègues le savent, mais mon N+1 non.
Pourquoi utiliser ChatGPT en cachette ?
Comme c’est un sujet encore clivant en France, je préfère ne pas le crier sur les toits, d’autant que ça pourrait être considéré comme un aveu de faiblesse de se faire aider par une IA pour écrire du code. Je préfère donc ne pas prendre le risque avec mon manager.
Alain*, formateur : « Si mon employeur me posait la question, je ne m’en cacherais pas »
« Je travaille en tant que formateur au sein d’un organisme de formation. Aujourd’hui, rare sont mes collègues à utiliser ChatGPT. Personnellement, je m’en sers depuis six mois pour m’aider à concevoir mes formations. Cela me permet d’avoir une aide précieuse lorsque je souhaite créer un guide d’animation, rédiger une étude de cas contextualisée, élaborer un quizz... ChatGPT me propose une première version que je muscle avec l’apport de mon expertise. Pour enrichir mes formations, j’utilise également des générateurs d’images comme Dall-E et Midjourney. Pour créer des capsules vidéo de micro-learning, que mes apprenants consultent de manière asynchrone, j’ai enfin recours à D-ID.
Pourquoi utiliser ChatGPT en cachette ?
Mon employeur n’est pas au courant que je m’appuie sur l’IA. Pour autant, s’il me posait la question, je ne m’en cacherais pas, ces outils ayant beaucoup d’intérêt. Par contre, je ne préviens pas mes apprenants qui, je pense, auraient davantage de mal à comprendre ma valeur ajoutée en tant que formateur. »
* Les prénoms ont été changés
L’éclairage de Matthieu Sellies, avocat spécialisé dans la propriété intellectuelle
« En plus de ne pas respecter le RGPD en matière de collecte des données personnelles, l’IA – à l’image de ChatGPT – suscite des interrogations en matière de propriété intellectuelle. Aujourd’hui, un salarié qui utiliserait ce type d’outils doit savoir que les informations qu’il lui confie ne sont pas protégées. Autrement dit : les données d’ordre confidentiel qu’il divulgue à l’IA sur son entreprise peuvent tomber entre les mains de son concurrent sans qu’il puisse les protéger. Or, en matière de droit social, cela peut être considéré comme une faute. Un salarié qui réaliserait des visuels risque, quant à lui, de faire de la contrefaçon et de violer les droits d’auteur si le visuel dont s’inspire l’IA est concerné par un droit d’opposition. C’est l’une des raisons pour laquelle la Commission Européenne travaille sur l’Artificial Intelligence Act, afin d’apporter un cadre juridique plus précis sur l’IA. »
Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.