
Elle témoigne
- Magali Latry, avocate en droit du travail
Ne pas confondre “état d’ivresse » et “forte alcoolémie” sur le lieu de travail
C’est l’histoire d’un ouvrier du bâtiment qui chute de la benne d’un camion alors qu’il montait un mur sur un chantier. Les gendarmes diligentés sur place réalisent un test de dépistage d’alcoolémie qui s’avère positif. Un mois plus tard, son employeur lui signifie son licenciement pour faute grave au motif qu’il travaillait avec un taux d’alcool dans le sang « au-dessus de la normale ».
Le maçon décide alors de contester son licenciement devant le Conseil de prud’hommes. Cette juridiction puis la Cour d’appel de Paris déboutent sa demande.
Le plaignant se pourvoit alors en cassation. Et le 8 mars dernier, coup de théâtre, la Cour de cassation lui donne raison.
Un taux d’alcoolémie supérieur à la normale n’est pas un grief recevable pour un licenciement ; un état d’ivresse, si.
L’arrêt de la Cour de cassation a en fait retenu que le taux d’alcool « au-dessus de la normale » mentionné dans la lettre de licenciement n’était pas un grief recevable pour un licenciement pour faute grave.

La Cour de Cassation rappelle dans cet arrêt l'importance de la rédaction de la lettre de licenciement. Pour être reconnue, la faute grave doit être clairement définie dans la lettre de licenciement. En l'espèce, l’employeur aurait certainement dû stipuler que son salarié présentait des signes d’état d’ivresse incompatibles avec la réalisation de ses fonctions et entrainant un risque grave pour sa sécurité et celle des autres salariés.Magali Latry, avocate en droit du travail
Cet arrêt de la Cour de cassation va-t-il faire jurisprudence au point que les salariés pourraient désormais consommer de l’alcool durant leur journée de travail ?
« Les RH peuvent dormir sur leurs deux oreilles, cet arrêt ne remet pas en cause le régime de la faute grave en cas de consommation d’alcool au travail. Cet arrêt semble avoir tenu compte des 15 ans d’ancienneté du salarié et de l’absence d’antécédent disciplinaire de ce dernier. C’est sans doute une décision uniquement liée au cas d’espèce », analyse-t-elle.
Pour l’heure, la Cour de cassation a donc annulé la décision de la Cour d’appel et remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient. Le salarié sera donc rejugé devant la Cour d’appel de Paris qui confirmera ou infirmera sa décision initiale.
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.