Virginie, 41 ans : « Se reconvertir dans le développement informatique n’est pas aussi idyllique qu’on le croit »

Gwenole Guiomard

SERIE « FRANCHEMENT » épisode 15 – Au fil de rencontres intimistes, Cadremploi donne la parole à des cadres en pleine transition. Comme Virginie, qui préfère garder l'anonymat pour témoigner en toute liberté. Elle travaillait dans la communication où elle s’estimait mal payée. Elle s’est réorientée vers l’eldorado du développement web où on lui vantait les possibilités de nouvelle carrière. La réalité s’est avérée plus compliquée. Retrouvez, en fin d’article, d’autres témoignages de cadres, sans filtre.

Episode 15 de notre série dans laquelle les cadres témoignent sans filtre. Virginie a tenté de se reconvertir dans le développement web, pour le moment, sans succès. Elle explique les obstacles qu'elle a rencontrés.

Virginie, 41 ans : « Se reconvertir dans le développement informatique n’est pas aussi idyllique qu’on le croit »
Episode 15 de notre série dans laquelle les cadres témoignent sans filtre. Virginie a tenté de se reconvertir dans le développement web, pour le moment, sans succès. Elle explique les obstacles qu'elle a rencontrés.

Ah, le développement informatique. Ses salaires (conséquents), ses emplois (assurée). Virginie, 41 ans, après des années de galère dans la communication, en a tout d’abord rêvé. Elle souhaitait y rebondir, poussée par les (très) nombreux discours vantant ses possibilités de reconversion.

 

Vingt ans sans CDI dans la communication

« J’ai débuté dans la communication il y a vingt ans, après des études d’arts plastiques et d’information-communication, précise-t-elle. J’aimais écrire. J’adore dessiner. Je me suis (mal) orientée en pensant que la communication des entreprises pouvait me plaire. L’arrivée de mon fils m’a poussée à chercher du travail rapidement et après un cursus en web design avec un peu de codage, j’ai intégré le monde de la comm et ses vicissitudes. J’y ai alterné des postes de graphistes, de rédactrices, de gestionnaires de sites internet. Mais, sur l’ensemble de mon parcours en comm, je n’ai jamais pu signer de contrat à durée indéterminée…

J’ai donc goûté aux joies du CDD, à l’auto-entrepreneuriat pour des salaires ne dépassant pas les 20 000 euros brut par an. A cela, il fallait ajouter les difficultés à se faire payer par des clients hyper pénibles quand il s’agissait de récolter le fruit de mon travail.

 

Le déclic lors d’une conférence métiers

En 2018, de guerre lasse, suite à une conférence sur « les métiers qui embauchent », j’ai été sensibilisé par ma députée et Pôle emploi vantant ces métiers du développement informatique. En pénurie de personnel comme elle disait, et plein de recruteurs qui ne trouvaient pas de main d’œuvre qualifiée. On me signalait des salaires importants. C’était tentant. J’ai décidé de me reconvertir via la formation continue.

 

Une reconversion express

J’ai alors tenté l’aventure numérique et me suis formée pendant 5 mois, de façon intensive, au développement informatique. Tout cela a merveilleusement fonctionné au début et j’ai trouvé du travail avant d’avoir fini les cours. Je n’ai même pas pris le temps de décrocher le titre correspondant à mon niveau d’études tant l’avenir me semblait radieux. J’étais plus que ravie. J’ai été embauchée en septembre 2019 comme développeuse de sites internet dans une agence Web. C’était un contrat à durée indéterminée, un bon salaire de 30 000 euros brut par an. On faisait aussi appel à mes compétences acquises en communication pour gérer le référencement de mes sites. C’était Noël tous les jours.

Désenchantement

Puis, je me suis aperçu, petit à petit, que mes compétences de développeuse étaient de moins en moins utilisées. Le « business model » de cette agence était de vendre à des clients, pour la plupart des commerçants, un site internet de piètre qualité. Une armée de commerciaux les ferraient toute la journée et mon travail ne consistait plus, in fine, qu’à produire leur site dans la foulée. Une forme d’abattage avec un rythme m’amenant à travailler à la va-vite sans utiliser et encore moins développer mes compétences.

Rupture conventionnelle

Tout cela a duré, avec des clients souvent mécontents, jusqu’à mai 2020 et la fin du premier confinement. Tout le monde a été mis en chômage partiel et le dirigeant en a profité pour nous faire travailler sur le dos de l’Etat… Je n’étais pas à l’aise avec cette situation et ai demandé une rupture conventionnelle pour trouver un employeur moins malhonnête. J’étais assez sûre de moi car des employeurs m’appelaient pour m’embaucher. Le marché du travail me semblait assez « facile » pour les développeurs. Puis je me suis aperçue que mes connaissances en développement s’étaient étiolées. Cette discipline s’apparente à un sport. Il faut la pratiquer tous les jours. Sinon, on s’essouffle. On manque de forme.  Ma reprise d’emploi s’en est trouvé différée. Je ne trouvais pas d’employeurs.

 

Alternance impossible, CDD, licenciement

J’ai alors décidé de suivre un autre cursus, en alternance cette fois. Mais, là encore, les recruteurs voulaient que je sois opérationnelle immédiatement. Je n’ai essuyé que des refus. J’ai alors cherché un boulot plus classique, en CDI. On était en novembre 2020. J’ai rencontré une autre web agency me proposant de faire du vrai code avec un CDD évolutif en CDI. J’ai finalement signé le CDI 2 jours après mon intégration mais, par skype, fin décembre 2020, via une conversation avec le dirigeant, je me suis vue notifier la fin de ma période d’essai. Il n’y avait pas assez de boulot vu la reprise du Covid.

 

Retour en formation

Depuis, je me forme en candidate libre par l’entremise d’Openclassroom aux nouveautés liées au développement informatique. Par Pôle emploi, je suis indemnisée jusqu’en 2022. J’ai maintenant plus de connaissances et je vais intégrer un cursus du Cesi Bordeaux où je préparerai le titre de développeur web. C’est long. C’est dur. Je conseille aux novices souhaitant se reconvertir dans le développement informatique de mettre le paquet sur le travail personnel. Il faut montrer aux employeurs que l’on développe ses propres projets. Cela montre sa motivation.

 

Les médias ne parlent que très rarement de la face cachée du développement. On met en avant des témoignages lumineux. Pas des exemples où l’on se casse la figure.

Le codage n’est pas un métier comme les autres. Pour s’y reconvertir, il faut constamment entretenir son niveau, mettre à jour ses compétences via des sites de formation comme Openclassrooms, Codecademy ou Freecodcamp. Il faut aussi beaucoup travailler pour créer des projets "perso", les montrer, les mettre en avant, se les faire critiquer. Cela permet de rentrer dans des communautés de leads développeurs.

On se fait connaitre, et c’est sur ces sites que l’on peut trouver des jobs intéressants.  Enfin, sur des sites comme meetup.com, on peut repérer des ateliers de codage en direct. J’ai ainsi lié connaissance avec des spécialistes et fait valoir mes compétences. Car pour se réorienter dans le développement informatique, il faut coder, coder, coder, pratiquer et pratiquer encore. C’est un travail de tous les jours à exercer avec plaisir. Sinon, il faudra passer son chemin. Il y a un paquet de collègues qui galèrent pendant et après la reconversion ».

 

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Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

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