
OUI : Les gros travailleurs ont une addiction délétère à leur travail

Pr Isabelle Varescon
Directrice du Laboratoire de psychopathologie et processus de santé à l’université Paris Cité
Auteure Les addictions comportementales, Éditions Mardaga, 2022
Les gens qui travaillent beaucoup peuvent être heureux car pour eux leur boulot a du sens et leur donne satisfaction, c’est vrai. Le workaholism est un phénomène bien différent. Il concerne une personne qui a une forme d’addiction au travail. Il travaille toujours sans qu’il y ait une nécessité et cela devient compulsif. Son job devient un refuge pour lutter contre l’ennui, pour fuir un environnement familial, personnel, social…
Pendant qu’il bosse il ne pense pas à autre chose. Dans ce cas, l'activité travail devient addictive et donc dangereuse car le workaholic n’a pas d’autre source de satisfaction. Il est par exemple mal à l’aise à l’idée de partir en week-end ou en vacances.
Cette addiction au travail a évidemment un effet boomerang car un jour, le workaholic craque physiquement mais aussi psychiquement (burn-out, dépression). Dans le cadre d’un licenciement ou d’un départ à la retraite, c’est une catastrophe. Tout ce qui était occupationnel devient vide. C’est très délétère. »
Définition du workaholisme ou ergomanie
L'addiction au travail, le workaholisme, ou encore l'ergomanie est définie comme une relation pathologique à son travail. Celle-ci est caractérisée par une compulsion à lui consacrer toujours plus d'importance, de temps et d'énergie. Il ne s'agit pas d'un phénomène passager consécutif à une charge lourde, mais ponctuelle, de travail; tout au contraire, le phénomène est récurrent et durable, quelles que soient les circonstances professionnelles et les conséquences sur le plan de la santé, des relations collégiales, amicales et affectives.
Source : Les addictions comportementales, sous la direction D'Isabelle Varescon. Extrait du chapitre 5, l'addiction au travail page 275 par Evelyne Bouteyre. Editions Mardaga, 2022.
NON : Travailler beaucoup n'est pas forcément synonyme de workaholisme
Dr Yehuda Baruch, professeur de management à la Southampton Business School et professeur associé à Audencia Business School.
Les bourreaux de travail aiment leur travail, peut-être trop, mais ils l'aiment et sont heureux de s’y consacrer. En conséquence, ils peuvent atteindre un haut niveau de performance, ce qui est bon pour leur vie professionnelle. Cela les aide également à être satisfaits – ainsi, une personne satisfaite et qui accomplit sa vie aura un impact positif sur sa vie personnelle.
Bien sûr, dans les cas extrêmes, le dévouement au travail ne laissera pas grand-chose à la vie personnelle… Une personne qui fait ce qu'elle aime et ce qu'elle fait (espérons-le) bien, en profite et ne fait de mal à personne d'autre. Comme les gens qui aiment le chocolat, ils peuvent en manger beaucoup et en profiter, et à moins que cela ne les fasse grossir, ils peuvent être heureux. De quoi d'autre a-t-on besoin si ce n'est pour être heureux ? Un workaholic peut aider des collègues qui ne sont peut-être pas en mesure de se consacrer autant au travail. Quant à la famille – oui, si le travail est extrême, cela pourrait signifier peu de temps, voire aucun, consacré aux proches. Pour certaines familles, c'est une bénédiction, mais pour la plupart, cela mettra plus de pression sur le conjoint par exemple.
Et puis, je défends l'idée qu'il faut laisser les salariés décider de leur quantité de travail. Ceux qui recherchent une vie équilibrée bénéficieront du travail « normal » attendu. Les bourreaux de travail travailleront plus et en profiteront. Une situation gagnant-gagnant, n'est-ce pas ? »
Et vous ? Qu'en pensez-vous ? Le forum ci-dessous vous est ouvert.
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.