Automobile : la production s'enfuit et la R&D se réjouit

Michel Holtz

Edition morose, le dernier Mondial de l'automobile est également le salon de la mutation d'un secteur vers de nouvelles technologies qui doivent obligatoirement être mises en oeuvre d'ici 4 ans. Et si la production s'envole vers d'autres pays et perd des emplois en France, la recherche et développement recrute comme jamais.

C'est un concentré de crise, une cumularde. L'automobile rassemble à elle seule tous les maux de l'époque. L'environnement, la crise financière, l'envolée du pétrole, c'est pour elle. Et les suppressions d'emploi qui vont avec. Pas étonnant, du coup, que le Mondial de l'automobile qui s'est ouvert samedi dernier à Paris, ait un léger goût de sinistrose. Une déprime visible dans les halls de la Porte de Versailles ou le blanc (clinique) et le vert (pastel), les couleurs tendance de cette édition, servent de décor à des voitures de plus en plus difficiles à vendre.

Le spectre de 2012

Des ventes en baisse partout, sauf en France, où elles sont artificiellement soutenues par un bonus-malus aux effets bénéfiques pour la planète et maléfiques pour les constructeurs nationaux. Car la prime pousse les consommateurs à acheter en priorités de petites autos propulsés par de petits moteurs à petite consommation et, CQFD, à petit taux d'émission. Mais ces modèles (Citroën C1 ou Renault Clio) sont des voitures fabriquées à l'étranger et aux marges minimalistes. D'où les suppressions d'emploi chez Renault et PSA. Celles annoncées l'an passé et cette année sont loin d'être les dernières. Selon les estimations du cabinet Pricewaterhouse, la part de production nationale de PSA et Renault, devrait passer de plus ou moins 40% actuellement, à 30% en 2012. Mais cette année là, si elle devrait voir culminer le plongeon de la production nationale, devrait marquer le début d'une nouvelle ère automobile, contraintes environnementales obligent.

Le casse-tête CO2

Car au 1er janvier 2012, la norme d'émission la plus draconienne de tous les temps devrait entrer en vigueur. Le projet de directive, s'il est accepté en l'état (les eurodéputés ont jusqu'ici résisté aux assauts de tous les lobbyistes de l'industrie automobile), prévoit qu'à partir de cette date, aucune voiture nouvellement produite ne pourra dépasser les 130 grammes de rejet de CO2 au kilomètre. A titre d'exemple, la fameuse Toyota Prius, auto propre s'il en est, émet tout de même 125 grammes. Autant dire que tous les monospaces, les grosses berlines ou les 4x4 sont condamnés. Mais comme ces modèles sont les plus rentables - lorsqu'ils se vendent - les constructeurs mettent les bouchées doubles pour développer à temps de nouveaux propulseurs, puissants et ultra sobres à la fois.

L'espoir vient de la R&D

But du jeu : faire diminuer, parfois de moitié, les émissions des gros moteurs. Même les plus extrémistes s'y mettent. Ferrari envisage sérieusement d'installer des motorisations hybrides à bord des bolides rouges et Porsche se lance dans le diesel. Blasphème pour les puristes, ces développements à outrance pourraient être la planche de salut d'une industrie, et surtout des services de recherches et développement des constructeurs, comme des équipementiers. Car pour mettre en œuvre de telles solutions, 4 ans, c'est court. Et toutes les marques, qu'elles soient européennes, asiatiques, ou américaines sont à la recherche des ingénieurs capables de développer ces moteurs du futur. Honda, très avancé sur l'hybride et l'hydrogène recrute actuellement des ingénieurs pour ses bureaux d'études européens.

A la recherche d'ingénieurs motoristes

« Mais on ne les trouve pas », se lamente Frédéric Hoffman. Porte-parole de Honda R&D Europe, dont le siège est en Allemagne, il connaît la valeur des ingénieurs français. « Ils sont très pointus sur la propulsion électrique. Mais un peu moins sur l'hydrogène », l'autre axe de développement des moteurs du futur. Ce domaine, serait, selon lui, plutôt du ressort des Allemands, mieux formés à ces techniques. Toyota, l'autre grand japonais, également très impliqué en Europe, avec un important bureau d'études implanté à Sophia Antipolis près de Nice est, lui aussi, à la recherche d'ingénieurs pointus pour développer ses autos de demain. Comme le sont les constructeurs allemands, et évidemment français. En fait, les ingénieurs motoristes, électroniciens, mécatroniciens, sont peut être ceux qui détiennent aujourd'hui les clés de l'industrie automobile de demain. Ce sont, en tout cas, les rares postes pénuriques aujourd'hui dans ce secteur.

photo DR

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