« Comment je me suis fait recruter chez SNC-Lavalin... »

Sylvia Di Pasquale

Vincent Baumont, 33 ans, est directeur technique au sein de SNC-Lavalin, une des plus importantes sociétés d'ingénierie mondiales.

On nous avait prévenus : depuis 5 ans, les sociétés d'ingénierie ont du mal à garder leurs jeunes diplômés. Vincent Baumont, 7 ans de carrière et 3 bureaux d'études au compteur, n'a pas fait mentir les augures. Voilà un garçon de 33 ans, paré d'une triple compétence super recherchée, qui a ciselé son début de carrière dans un crescendo presque parfait. Jusqu'à ce poste de directeur technique au sein d'un des plus grand bureau d'ingénierie mondial qu'il a décroché en août dernier après avoir refusé une vingtaine de propositions. Il s'y est vu confier la mise en œuvre de la future 2ᵉ ligne de tramway d'Orléans. A peine consent-il, du bout des lèvres, à se faire traiter de perle rare.

Petite école, grande spécialité

Tout ça à cause d'un choix fondamental au moment de se décider pour une formation initiale. L'ingénierie, c'est son truc, mais plutôt que de s'engouffrer dans une ESTP ou une Ensa quelconque, le jeune homme d'alors choisit une plus petite école (75 diplômés par an), la très ancienne EIVP (Ecole d'ingénieurs de la Ville de Paris) qui n'a formé, en cinquante ans d'existence, que 1 500 ingénieurs. Que les employeurs cherchent à attirer à cause de leur spécialisation en génie urbain, une expertise très appréciée dans les projets d'aménagement des villes. Un filon, à l'heure où une majorité de la population mondiale devient urbaine. Une aubaine au moment où le prix du pétrole explose et que les populations n'auront sans doute pas d'autres choix que de se rapprocher encore des mégapoles.

Insertion sans encombres

Et François Wouts, le directeur des études de l'EIVP, de confirmer l'insertion rapide de ses diplômés : « 93 % de la dernière promo a été embauchée en moins de deux mois. A des salaires de 31 à 32 K€. Ce qui n'a rien d'exceptionnel pour des jeunes diplômés. Mais on sait que les salaires grimpent dès qu'ils atteignent 3 à 5 ans d'expérience. D'autant que 80 % de nos promotions ne travaillent pas pour la Ville de Paris mais sont embauchés par des bureaux d'étude, mais aussi les entreprises privées du BTP et de la construction, les sociétés d'économie mixtes (SEM), les collectivités territoriales, les communautés d'agglomération. » Tous recherchent ces généralistes de l'aménagement urbain pour leurs « qualités de chefs d'orchestre, confirme Vincent Baumont. Nous sommes capables de faire travailler ensemble différents spécialistes comme les ingénieurs ferroviaires, les architectes, les paysagistes, les ingénieurs réseaux, etc.»

Et de deux

Lui, a choisi dès le départ d'intégrer une société d'ingénierie. Ce sera un bureau d'études national où, pendant un an et demi, il est responsable d'affaires en aménagement urbain. Il réalise des développements de ZAC et des projets de voiries. Peu avant la fermeture de l'entreprise mi 2002. « Je n'ai même pas cherché » reconnaît Vincent Baumont, un bureau d'études spécialisé dans les infrastructures le recrute rapidement. Il travaille sur des projets plus importants et ne tarde pas à ajouter à ses galons d'ingénieur et de commercial, une troisième décoration : le management. « J'en faisais instinctivement au quotidien, mais je voulais que ça se voit au travers d'une ligne sur mon CV. »

Un MBA en plus

Le voilà inscrit en MBA à l'IAE de Paris, en cours du soir. Il décroche son sésame international en 2006. Avec son nouveau diplôme en poche, il va, logiquement, frapper à la porte de ses supérieurs, histoire de valoriser le parchemin en évoluant en interne. La porte n'est pas fermée, mais l'évolution, elle, est impossible.

Et de trois

Alors, le jeune ingénieur désormais officiellement manager va chercher ailleurs. « En parallèle de ma recherche, j'ai fait un bilan de compétences qui a duré 3 mois. Pour vérifier si mes souhaits correspondaient à mes possibilités ». Les conclusions du bilan ont confirmé ces intuitions pendant sa recherche qui a finalement duré 6 mois. « J'ai rencontré environ 5 cabinets de recrutement et une vingtaine d'employeurs et c'est moi qui ait choisi. » En ingénieur pragmatique, il affine son cahier des charges. « Je prenais en compte la dimension des projets que l'on voulait me confier, mais aussi le lieu où je devais exercer, le nombre de personnes à manager. Et puis, le facteur humain est très important : quand ça ne passait pas avec certaines personnes, je n'allais pas plus loin. »

Un tramway dans la ville

Jusqu'à la rencontre décisive. En plein été, avec la filiale française Pingat Ingénierie du géant canadien SNC Lavalin. « Le processus a été assez rapide. Les négociations ont duré trois semaines entre le premier entretien et la signature du contrat. » Période estivale oblige, les négociations se sont souvent déroulées par téléphone, depuis le lieu de vacances de chacun... Avec le DRH, le directeur du projet Tramway et le directeur du département Infrastructures et transport, il passe tout en revue : son salaire - « j'ai obtenu une augmentation de mon salaire, hors avantage, par rapport à mon précédent job » - ses avantages en nature (voiture, prime, etc.), mais aussi son évolution au sein de l'entreprise. « Surtout, j'ai clairement voulu définir avec eux mon périmètre de responsabilités. Et ce dès le départ. » C'était au cours de l'été 2007. Aujourd'hui, à Orléans, Vincent Baumont travaille sur le projet de la seconde ligne du tramway orléanais qui roulera en 2011, entouré de trois architectes, de dix ingénieurs et de plusieurs techniciens. « S'il me faut un autre ingénieur, glisse-t-il en forme de petite annonce, j'espère le trouver parmi les anciens de l'EIVP ». Peut-être dans un bureau d'études, histoire de ne pas faire mentir les augures.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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