Faut-il quitter la province pour trouver un meilleur travail à Paris ?

Céline Husétowski

Salaires plus élevés, carrières plus diversifiées, réseau dopé… Les avantages qui attirent chaque année des milliers de cadres en Île-de-France sont majoritairement fondés. Pourtant, d’autres régions commencent à lui faire de l’ombre.
Faut-il quitter la province pour trouver un meilleur travail à Paris ?

L’Île-de-France, un tremplin pour la carrière ? Chaque année, des milliers de personnes y croient et quittent leur région pour accélérer leur carrière. Il faut dire que la région capitale affiche plein de promesses. Bastion de l’emploi cadres, elle concentre cette année 46 % des prévisions d’embauches de cols blancs (1) et offre donc mathématiquement des opportunités plus nombreuses.

>> Lire aussi : 3 raisons pour lesquelles un cadre a du mal à quitter l’Île-de-France

 

L’Île-de-France un rite de passage qui coûte cher

« Venir à Paris, c’est comme un rite de passage, » résume Marc Vachez, docteur en psychologie et coach professionnel. La Capitale garde son attrait, quand bien même, selon le dernier sondage Cadremploi, 8 cadres franciliens sur 10 rêvent de la quitter (2).

Pour Inès, originaire de Saintes (17), étudiante à Bayonne, et actuellement stagiaire en événementiel dans une boîte parisienne, « Paris, c’est un autre mode de fonctionnement. Cela permet de se confronter à une réalité économique plus concurrentielle ». Et de s’enthousiasmer : « En plus, Paris, c’est beau ! »

Il faut dire qu’avec ses 1 024 000 entreprises, l’Île-de-France est la première région économique française. Elle centralise à elle seule plus de 37 % des cadres français en poste (3). D’ailleurs, au 1ᵉʳ trimestre 2018, la région concentrait 44 % des offres en ligne sur Cadremploi, loin devant les autres régions métropolitaines.

Les salaires médians sont aussi plus élevés en région parisienne :  51 K€ brut à Paris contre 45 K€ en province, soit 6 K€ de différence (50% des cadres se situent au-dessus et 50 % en dessous) selon la dernière étude de rémunération publiée en 2017 par l’Apec.

Mais là où le bât blesse, c’est en matière de prix des loyers. A  Paris, plus c’est petit et plus c’est cher : pour un studio, il faut compter 27,70 € le m2 dans la Capitale et 23€ le m2 dans l’agglomération parisienne, selon l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne.

 

Les capitales régionales montent en puissance

Néanmoins, certaines capitales régionales manifestent un regain notable. Bordeaux, Lyon, Nantes, Marseille… elles offrent de meilleures conditions de vie et correspondent davantage aux nouvelles aspirations des cadres. Ça tombe bien puisque, dans ces régions, la hausse des offres d’emploi au 1ᵉʳ trimestre a été plus forte qu’en Île-de-France : quand elle plafonne à 8 % en Ile-de-France, elle atteint +36 % en Provence-Alpes-Côtes d’Azur, + 25 % en Bretagne, +17% en Auvergne-Rhônes-Alpes, +15 % en Nouvelle Aquitaine,

Nantes, l’une des villes préférées des cadres parisiens, 8ᵉ agglomération en termes d’emplois, a créé plus de 100 000 emplois en 20 ans. En 2040, elle comptera plus de 380 000 habitants selon l’Insee. Ce qui sera l’une des plus fortes progressions au niveau national.

>> Lire aussi : Nantes, entre économie traditionnelle et numérique

 

Quand on a Paris sur son CV, on peut mieux se vendre

Mais peut-on vraiment faire carrière en région, même s’il y a du travail ? « Dans une petite ville, à 15 kilomètres d’une capitale régionale, il y a moins de compétition, explique Marc Vachez. En PME, les postes sont plus polyvalents. Mais pour être choisi, il faut avoir appris des méthodes de travail. Pour ça, l’Île-de-France est réputée pour être formatrice ! ».

 

L’Île-de-France un investissement pour le futur

« Quand on a Paris sur son CV, on peut mieux se vendre, argumente Inès. Ça prouve qu’on n’a pas peur, qu’on peut voyager, s’adapter à un autre environnement, et ça montre aussi qu’on est ambitieux » Pour l’heure, Inès ne sait pas si elle rentrera vivre à Bayonne.

La région francilienne est-elle vraiment une carte de visite ? Pour Marc Vachez, « on y apprend surtout à travailler efficacement, mais on acquiert aussi un savoir-vivre et un savoir-être. Ce qui est très recherché par les PME en province ».

C’est aussi un investissement pour son futur car « on passe par des épreuves. On nourrit aussi tous les champs de sa vie. On travaille avec des experts, on fait son réseau et parfois on trouve même l’amour ! ».

Mais attention, « tout le monde n’est pas fait pour cet univers », insiste l’expert.

 

L’Île-de-France : est-ce qu’on y reste ?

« Paris c’est une ville qui ne dort jamais, il y a toujours du monde. Même le dimanche, ce n’est pas calme », se plaint Inès, l’étudiante en événementiel. 

Tout le monde ne peut pas s’habituer à l’Île-de-France. « C’est un milieu très compétitif, explique Marc Vachez. Les personnes qui ont des niveaux de formation et d’expérience faibles vont très vite se retrouver en rivalité. » Et dans des situations à risque dans lesquelles ils peuvent se sentir psychologiquement fragilisés.

Toujours selon Marc Vachez, tout se joue après 30 ans. « Vers 30 ans, il y a généralement une prise de conscience. On a envie de fonder une famille, d’avoir un jardin, une vie tranquille, de profiter des parents qui vieillissent qui vont aussi garder leurs petits-enfants. Alors on retourne en province, du moins pour ceux qui en viennent. »  

Si Inès reste à Paris ce sera uniquement pour une bonne opportunité professionnelle. Pour l’instant, elle ne pense pas faire sa vie ici mais elle hésite encore. La mer et le calme lui manquent. « Même le fait de prendre ma voiture me manque, ironise-t-elle. J’en ai assez du métro.»

 

(1) Etude Apec, perspectives de l’emploi cadres, février 2018

 (2) Selon l’étude « Les villes préférées des cadres parisiens » réalisée du 7 au 12 juillet 2017 par Cadremploi à partir d’un échantillon de 2 858 candidats, cadres ou cadres supérieurs.

(3) Etude chiffres clés 2017 du Centre Régional d’Observation de la chambre de l’industrie et des services.

Céline Husétowski
Céline Husétowski

Vous aimerez aussi :