Ingénieur manager, c’est quoi ?
« Concrètement pour un ingénieur informaticien, il y a deux types d’évolution managériale possible : le management de projet et/ou le management d’hommes. Tout dépend de la structure de l’entreprise et de son environnement », constate Christophe Douaud, dirigeant du cabinet Inteam. Dans le groupe Saint-Gobain, un ingénieur débute sa carrière comme développeur, puis peut passer chef de projet junior puis senior, évoluer comme responsable des applications puis DSI. il existe le même type de parcours côté infrastructures informatiques. « Chez nous, on ne recrute pas de manager à l’extérieur. Tous sont issus de la promotion interne. Les ingénieurs IT évoluent vers du management tout en gardant leur casquette d’ingénieur. Avec les consultants qu’ils encadrent, ils parlent le même langage. Cela facilite donc le travail et les relations au quotidien », argumente Domitille Gueneau, responsable RH de NetXP, cabinet de conseil en infrastructures du système d’informations.
Ingénieur manager, au bout de combien de temps ?
Là encore, il n’y a pas de règle d’or sur le sujet. « Certains ingénieurs ne passent même pas par la technique mais débutent directement comme chef de projet et ne feront jamais de code ou d’administration réseau de leur vie », observe Adeline Christophe, consultante recrutement et marketing RH au sein du cabinet Eotim. Dans une start up, le développeur présent au début de l’aventure peut rapidement prendre des responsabilités managériales pour finir CTO (Chief technical officer) de la boîte. Et ce, même à 30 ans. « Accéder au management n’est pas une question de temps mais de validation des compétences attendues. Il faut maitriser les compétences métiers bien sûr mais aussi montrer son intérêt pour le management. Par exemple en s’impliquant sur des projets transversaux », précise Domitille Gueneau. Pour tester l’aspirant manager, NetXP le met en situation de gérer un stagiaire et/ou un projet. Dans des structures agiles et basées sur l’innovation, l’accès à des postes de management n’attend donc pas le nombre des années. Dans des entreprises plus importantes, cette prise de responsabilité est plus structurée. Chez Alten, les ingénieurs IT peuvent prétendre à un poste de business manager après 2 à 5 années d’expérience dans la boite. « En général, dans la filière IT en début de carrière, on bouge en moyenne tous les 3 ans. Et en seconde partie de carrière, tous les 5 /6 ans car les responsabilités assumées nécessitent un travail de plus longue haleine », explique Régis Blugeon, DRH France du groupe Saint-Gobain.
Ingénieur, formé pour manager ?
Chez Alten, les ingénieurs IT candidats à des postes de business manager suivent le programme Amplify. « Ce sont les directeurs de départements qui dispensent cette formation et leurs conseils. S’instaure ensuite un système de coaching », résume Xavier Ridet, directeur des carrières ingénieurs chez Alten. « Il arrive de moins en moins souvent que les entreprises envoient leurs aspirants managers suivre une formation longue de type MBA. Elles préfèrent des formations de quelques jours sur des points de management précis. Par exemple, savoir gérer une équipe multiculturelle », précise Jean Dambreville, vice-président de l’association Ingénieurs et scientifiques de France (IESF). Société Générale ne fait pas exception à la règle : « les formations classiques sont un peu dépassées car tout va très vite, estime Odile Grassart, directrice du recrutement de la banque. L’accompagnement se fait « on the job », c’est-à-dire en situation sur le terrain via des feed-back des managers de plus en plus fréquents. Des Mooc ou tout autres dispositifs online peuvent venir en complément si besoin, ainsi que le reverse mentoring [Ndlr : quand un junior forme un senior]»
Ingénieur manager, mieux payé ?
Contre toute attente, pas forcément. Passer manager n’offre pas l’assurance de doper son salaire. Tout dépend en fait de leur degré de management. « Dans cette filière IT, le nombre de managers atteignant des salaires mirobolants (ndlr : 100 000 euros et plus) est limité. Les managers intermédiaires, donc le gros des troupes, ont un niveau de rémunération équivalent ou inférieur à celui des informaticiens experts », constate Jean Dambreville.
Le management, la voie royale pour progresser en interne ?
Evidemment on a posé cette question à tous nos interlocuteurs, et tous tiennent le même discours : pour un ingénieur informaticien, il n’y a pas une voie royale mais des voies royales que sont le management et l’expertise. Mais à regarder de plus près certains organigrammes, force est de constater que passer par le management permet d’accéder plus facilement au sommet de la pyramide. Ainsi, parmi les 5 directeurs généraux adjoints du groupe Saint-Gobain, l’un d’eux est issu de la filière informatique. Les directeurs financiers de la zone d’Amérique du Nord et du Pôle Distribution Bâtiment du groupe ont eu une étape de carrière au sein de l’IT. C’est aussi le cas de 2 patrons de business unit. Des parcours qui montrent que la filière IT n’est pas verrouillée à triple tour.
[Pratique] Devenir manager : pipeau ou réelle possibilité d’évolution ?
Voici des questions à poser en entretien de recrutement pour vérifier si les promesses d’évolution sont réelles ou ne sont que du vent :
- « Dans le département que je m’apprête à rejoindre, combien de managers sont issus de la promotion interne ? ».
- « Quelles sont les conditions requises pour évoluer vers un poste de manager ? ».
- « Dans la business unit visée, quelle est l’ancienneté des managers à leurs postes ?
- « Quel est l’organigramme de la direction que je m’apprête à rejoindre ? »
- « Combien de membres du comex sont issus de la filière IT ? »
- « Quels cursus de formations courtes en management proposez-vous ? »
- « Quelle est la périodicité des people review sur la direction IT ? »
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.