Une casse sociale limitée, et une reprise sur la pointe des pieds

Michel Holtz

Si la France et l'Europe ont échappé au pire, la véritable reprise en termes d'emploi n'est pas pour cette année. Et si les offres repartent à la hausse, c'est parce que les salariés acceptent de jouer le jeu de la mobilité. Même en l'absence d'une croissance forte.

Tout le monde le reconnaît : la catastrophe sociale que la crise de 2008 aurait pu engendrer a été, en partie, évitée. Pour autant, deux ans après la déflagration, est-il possible de parler d'un redémarrage franc des embauches, ou mieux, d'un développement durable du marché de l'emploi ? Une question à laquelle aucun spécialiste ne se permet aujourd'hui de répondre par l'affirmative.

 

Pas même Thibaut Gemignani. En temps que directeur général d'Adenclassifieds (dont Cadremploi et Keljob), numéro 1 de l'emploi privé sur Internet en France, il scrute pourtant les moindres soubresauts du marché. Le site Keljob réalise chaque mois un baromètre, indice on ne peut plus réaliste de l'emploi en France. « Depuis sept mois, on observe une reprise des offres après 20 mois de baisse ininterrompue. Et en octobre, elles sont en progression de 21 % par rapport à l'année dernière. 250 000 offres sont actuellement à pourvoir ».

 

Une bonne nouvelle rapidement tempérée : « Ce nombre reste toujours inférieur de 14 % à celui d'octobre 2008. Le mois où la crise a débuté. » Une hausse qui ne serait donc qu'un simple effet de rattrapage inachevé. Et cette conclusion qui s'impose à la lecture du baromètre Keljob est largement confortée par les chiffres de l'Insee. Selon l'organisme, au cours du premier semestre, 62 000 créations nettes d'emplois ont été enregistrées. Mais pour le deuxième semestre, Pôle emploi avertit qu'il n'anticipe «quasiment pas de créations nettes d'emplois sur la deuxième partie de l'année». 337 000 autres avaient été détruits en 2009. Il est donc peu probable que le compte y soit en 2010.

 

Le turnover fonctionne

 

Mais quels sont les leviers qui pourraient effectivement relancer l'emploi ? Thibaut Gemignani en voit deux : « une croissance supérieure à 2% évidemment, mais aussi un taux de mobilité des actifs suffisant. » Or, à la fin 2010, la croissance du PIB ne devrait pas dépasser 1,6%. Insuffisant pour relancer la machine. « Heureusement, le turnover fonctionne, surtout chez les cadres ». Leur taux de chômage ne dépasse pas 5 % et ils ont repris goût à la mobilité. Mais ils ne sauraient sauver l'emploi français à eux seuls. Le chômage et l'emploi restent au premier rang des préoccupations pour 74 % de nos concitoyens, selon le baromètre TNS Sofres pour La Croix paru en septembre dernier. Alors, comment retrouver ce fameux développement durable du marché de l'emploi ?

 

En tentant de convaincre les dirigeants d'entreprise qu'un seuil de croissance de 2% n'est plus nécessaire pour embaucher. Puisque ce taux est avant tout utilisé comme indice de confiance en l'avenir par les entreprises. «Peut-être qu'en leur faisant comprendre qu'une croissance de 1,5%, ce n'est pas si mal, nos entreprises relanceront les recrutements» se prend à espérer Thibaut Gemignani.

 

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Michel Holtz
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