Claire Pedini, Saint-Gobain : "Un groupe "open" aux changements de métier, d’activité ou de pays"

Sylvia Di Pasquale

Est-il possible d’être une entreprise plus que tri-centenaire sans être une entreprise à l’ancienne, très pyramidale, où prendre des décisions dure des siècles, et où les promotions se font à l’ancienneté ? La directrice adjointe de Saint-Gobain, en charge des ressources humaines, défend au contraire, un employeur soucieux d’agilité et de variété dans les parcours professionnels offerts. Le groupe recrute 4000 personnes en France cette année, dont 700 cadres.

[Interview Intégrale]

Saint-Gobain est une entreprise plus que tricentenaire. N’est-ce pas un handicap pour attirer des talents qui ont peut-être d’avantage envie d’entreprises agiles ?

Non, pour nous 350 ans c’est une aventure certes formidable, mais aussi 350 raisons d’attirer des talents. Saint-Gobain est une des entreprises parmi les plus innovantes au monde. Pour la 5ᵉ fois cette année, Thomson-Reuters nous classe parmi les 100 entreprises les plus innovantes au monde. Nous y côtoyons Google ou  Apple entre autres, preuve que  ce n’est pas qu’un classement purement industriel. Rentrer chez Saint-Gobain, c’est avoir accès à une dizaine de centres de recherches, à une capacité d’innovation dans des domaines très larges : c’est ce qui fait notre attractivité.

Au comex du groupe, discutez-vous de cette question d’attractivité en tant qu’atout stratégique ?

Oui tout à fait. Nous le vivons comme une force qui permet de nous projeter vers l’avenir. Mais pour se projeter, il faut aussi avoir des racines, et nous sommes très fiers de nos valeurs et de notre histoire. Mais ce qui est important, c’est d’utiliser cette force pour attirer les talents dont nous avons besoin. Nous offrons des parcours divers à des talents très variés. Nous sommes présents dans 66 pays, avec des business différents qui vont de la distribution à la fabrication de verre, aux solutions avancées dans le plastique, ou encore dans l’habitat durable.

Quelle est votre différence d’employeur que les candidats méconnaissent encore ?

Essentiellement la diversité de parcours. C’est un point essentiel. Quand on rentre chez Saint-Gobain, on rentre dans une maison qui est accueillante, pour qui le respect des personnes est essentiel, mais dans laquelle on rentre vraiment pour un parcours. Les possibilités de mobilité sont extrêmement variées.

Est-il possible de changer de pays ?

Oui c’est possible. Plusieurs milliers de personnes l’ont fait l’an passé au niveau groupe. Environ un quart de ces demandes provenaient de Français.

Et changer de métier, est-ce possible ?

Absolument. Par exemple, des salariés passent de Point.P, qui est notre entreprise de distribution et de négoce en France,  à des métiers plus industriels dans une autre de nos marques comme Placo par exemple, ou encore chez Isover dans le vitrage. Donc oui, on peut changer de métier, mais aussi de filière. On peut rentrer dans la recherche et évoluer dans la production, dans le marketing, etc. Chez nous les gens changent de fonction, ou encore ont des promotions environ tous les 5 ans. Mais c’est un peu notre marque de fabrique que de pouvoir évoluer sur les 3 axes de la mobilité que sont la mobilité géographique, le métier et l’activité. Cette politique RH, nous l’avons baptisé « Open ».

Le salarié reste-t-il libre de décider de son parcours ou est-ce imposé ?

Non, il sera absolument moteur. Bien sûr les opportunités seront ce qu’elles seront, mais nous insistons sur la capacité d’initiative et c’est le salarié qui doit porter son projet.

Est-ce que les managers incitent les salariés à être mobiles, à diversifier leurs compétences ? Et sont évalués et rémunérés sur cette politique RH ?

Oui, c’est tout à fait un critère qui entre en compte dans nos entretiens annuels. Je pense au critère de la diversité notamment, nous avons même des pays dans lesquels les rémunérations variables des dirigeants dépendent de l’effort qu’ils font sur  la diversité. Ce n’est pas quelque chose de très connu, mais Saint-Gobain est très décentralisé, ce qui est très attractif pour les salariés. Nous laissons beaucoup d’autonomie aux différentes structures de l’entreprise, aux différentes enseignes car nous respectons les différents besoins des business. Mais le critère commun reste d’encourager la mobilité et d’accentuer la diversité de manière à ce que nos équipes soient à l’image de nos clients.

A propos de diversité, seulement une femme au comex de Saint-Gobain qui compte 5 membres…

C’est exact, mais au comité général il y en a deux. Nous avons fait beaucoup de progrès à ce sujet. En 2010, les femmes représentaient 16% de l’effectif, aujourd’hui c’est 21,5%, soit plus d’1% par an.

C’est quand même une entreprise  d’hommes…

Je ne dirais pas ça. Nous sommes 170 000, nous sommes 20% de femmes et 22% des managers sont des femmes. Mais nous avons une autre forme de diversité, notre diversité est « multi-facettes ». L’intérêt de la diversité, c’est d’avoir des approches des problèmes différentes au sein même des équipes. Oui la diversité hommes/femmes est une forme de diversité, mais la diversité d’expérience, de nationalité, d’âge est selon moi tout aussi importante que la diversité hommes/femmes.

Cette année vous allez recruter 4 000 personnes rien qu’en France, dont 700 cadres. Et majoritairement des vendeurs ?

Absolument. Les vendeurs, auxquels j’adjoins les métiers du marketing, représentent plus de 40% de nos effectifs cadres, dans le monde. Ils peuvent travailler dans la distribution : Point P, Lapeyre, CDO, qui sont des plateformes du bâtiment. Là on est directement en contact avec le client, et des vendeurs sont donc bien présents dans toutes nos enseignes et sur le terrain pour aller à la rencontre des clients.

Quel type de vendeur a pu vendre le plancher en verre de la Tour Eiffel ?

Nous avons là à faire à des vendeurs plus techniques, des vendeurs de grands projets, spécialisés dans la vente de façades de grands immeubles par exemple, ce sont presque des chefs de projets mais qui ont une fonction de vente. On peut donc commencer sur la vente de matériaux et évoluer vers les grands projets comme ceux-ci.

Quels sont les nouveaux métiers de cadre pour lesquels vous recrutez aujourd’hui et qui n’existaient pas il y a 5 ans ?

Des chefs de projets dans le domaine du digital par exemple. Des personnes capables de bien vous aider à structurer un site internet marchand, des  search engine managers, et qui permettent d’utiliser au mieux internet, pour positionner nos marques de façon visible. Nous recrutons également des spécialistes du Big data, donc des ingénieurs. Ce sont des profils dont nous ne parlions pas du tout il y a 3-4 ans.

Offrez-vous des environnements de travail adaptés à ces profils qui recherchent tout sauf une structure hyper rigide ?

Oui, c’est aussi notre marque de fabrique. Par exemple, nous avons du big data au centre de recherche d’Aubervilliers, où travaillent des centaines d’ingénieurs ; Mais on retrouve aussi des spécialistes du big data et de l’analytics au service de nos enseignes de distribution également, qui s’en servent  pour mieux connaître les besoins de nos clients. Donc un même profil peut travailler dans des domaines et des environnements très différents. D’autre part, nous développons de plus en plus des bureaux partagés, de la flexibilité au travail, le télétravail, parce que les jeunes générations ont besoin d’avoir un environnement plus ouvert et décontracté. Les modes de travail vont évoluer vers beaucoup plus de transversalité, d’échange, et l’univers du lieu de travail  doit s’adapter de façon extrêmement rapide pour faciliter cette communication et cette collaboration.

D’ailleurs Saint-Gobain est en train de construire son nouveau siège social, une tour de 165 mètre de haut à La Défense. Allez-vous y faire des aménagements en fonction des besoins quotidiens des salariés ?

Nous sommes dans le cœur du sujet actuellement. La première pierre( ?) sera posée courant avril, pour une livraison prévue pour 2019. Nous sommes en plein dans la réflexion concernant l’univers de travail des salariés. Et pour nous y aider, nous nous sommes adjoint une sociologue et des spécialistes du bien-être au travail, dont un spécialiste canadien qui a beaucoup travaillé sur ces sujets et qui nous aide à bâtir, avec les salariés, un univers de travail, où notre objectif est la collaboration. Car l'intérêt de se rendre sur son lieu de travail, c’est la collaboration, de se retrouver avec ses collègues pour échanger. Donc le lieu de travail doit être désigné pour favoriser au maximum cette collaboration, rendre l’échange facile et agréable. Cette tour sera aussi  une vitrine des produits Saint-Gobain, avec un showroom pour démontrer les avantages en termes de confort acoustique, visuel, qualité de l’air, mais aussi comme immeuble responsable, donc avec une consommation énergétique quasiment nulle.

C’est assez intéressant de vous entendre parler de l’univers de travail comme d’un lieu où on peut avoir du plaisir à collaborer avec les autres.

Bien sûr ! Pour moi c’est même quelque chose que je vis au quotidien. Nous avons signé des accords avec beaucoup de nos partenaires sociaux concernant le télétravail, mais aussi de « télé hub » ou « hub office », nous essayons de développer des lieux de travail en banlieue, où certaines personnes peuvent se retrouver pour collaborer et être ensemble.  Avec le confort informatique du bureau mais sans leur imposer le temps de trajet pour venir au siège. Les formes de travail aujourd’hui sont aussi diverses et multi formes et doivent s’adapter aux besoins des gens et des clients bien sûr.

 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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