Jean-Christophe Anna (#rmsconf) : "Même si l’entreprise ne parle pas de ses salaires, ça se sait"

Sylvia Di Pasquale

Un petit groupe de professionnels cherchent à casser les codes du recrutement. Leur crédo ? Il faut davantage de transparence et d’authenticité dans la relation recruteur – candidat. On est tous d’accord mais comment faire ? C’est le sujet de la 6e #RMSConf du 11 octobre prochain, organisée par Jean-Christophe Anna, expert en recrutement social et mobile. Le before de cette conférence a eu lieu sur le plateau de l’Invité RH.

Cadremploi : Qu’est-ce qui pêche selon vous dans la relation recruteur/candidat aujourd’hui ?

Interview intégrale dans le texte ci-dessous. Extraits en video ci-dessus.
Lire aussi l’article sur Le Figaro.fr « Il faut davantage de transparence dans les recrutements »

Jean-Christophe Anna : Le manque d’authenticité et de transparence. On est un peu comme au théâtre, dans un jeu de rôle, avec des masques. Et chaque interlocuteur essaie de séduire, de draguer, d’impressionner l’autre. Quelquefois, on en vient à enjoliver la réalité côté entreprise, à enjoliver son parcours côté candidat et à être déçu dans un second temps. Une fois que le candidat devient collaborateur dans l’entreprise, il rencontre bien souvent un gap par rapport à la réalité vécue, et par rapport à la promesse d’employeur. Il risque alors de quitter l’entreprise. Et l’entreprise qui pense avoir recruté le meilleur (parce qu’elle est aussi dans sa logique de clonage dans son recrutement) va se retrouver à recruter quelqu’un qui semble correspondre à l’idéal qu’elle se fait du candidat mais qui ne correspond pas tout à fait au collaborateur le plus performant pour son entreprise.

Une entreprise qui paie notoirement mal, doit-elle le dire au nom de cette transparence ?

De toute façon, même si l’entreprise ne parle pas de ses salaires, aujourd’hui ça se sait. Même si cette information ne figure pas dans l’offre d’emploi, elle est disponible sur le Web. Par exemple sur des sites comme Glasdoor ou Meilleures entreprises, qui les rendent publiques via des témoignages et le partage d’informations des collaborateurs. Finalement l’entreprise ne peut plus réellement cacher cette réalité. Et même si le candidat n’y a pas accès avant l’entretien, le collaborateur la découvrira après. Il vaut mieux dire les choses et avoir les personnes qui sont prêtes à travailler pour cette rémunération, avec ce niveau de stress, cette pression et cet environnement de travail, afin d’avoir des personnes qui vont s’investir dans le temps.

Sauf que cette transparence des salaires n’est pas vraie dans tous les secteurs…

Je n’ai pas fait une étude exhaustive sur tous les secteurs, c’est vrai. Mais je pense à une entreprise américaine dont c’est un parti pris avéré. Les dirigeants de Buffer (activité de partage sur les réseaux sociaux), ils ont fait le pari de la transparence. Sur le site web de l’entreprise, le nombre d’utilisateurs de la solution Buffer est indiqué, le nombre de partages en ligne, mais aussi et ça c’est beaucoup plus surprenant, les résultats mensuels, la trésorerie sur le compte en banque et même TOUS les salaires de l’entreprise. Du plus petit au plus gros salaire, avec la formule de calcul qui permet de savoir combien on pourrait gagner chez eux.

Cette transparence est-elle transposable en France ?

Oui, on aura d’ailleurs un représentant de Buffer France qui viendra nous en parler le 11 octobre prochain à la #RMSConf. Moi je suis persuadé que l’on va aller vers de plus en plus de transparence, peut-être pas seulement sur la rémunération, mais aussi sur tous les aspects de la qualité de vie au travail. Certaines entreprises présentent déjà leurs bureaux.

… sauf quand leurs bureaux sont moches…

Oui mais aujourd’hui tout se sait car les réseaux sociaux révèlent. Donc on ne peut plus prétendre être les plus beaux et masquer la réalité. Et si la personne qui a signé découvre que c’est une mascarade, elle sera déçue et quittera l’entreprise.

Existe-t-il d’autres formules pour une entreprise qui veut être authentique ?

Ça passe aussi par le rôle que l’on fait jouer à ses collaborateurs. De la même manière qu’un consommateur consulte l’avis des autres consommateurs, il faut profiter de la présence de ses collaborateurs sur les media sociaux. Soit on subit cette réalité et on perd le contrôle de son image, soit on en fait une opportunité et on les forme pour en faire des collaborateurs engagés.

Qui le fait par exemple ?

Deloitte, entreprise bien connue en France, a mis ses collaborateur accessibles sur son site carrière avec leur numéro de téléphone, leur mail, leur compte Twitter et Linkedin. Et cela fait partie de leur rôle de répondre aux questions des candidats.

Que faire pour les candidats qui attendent tout simplement une réponse à leur candidature ?

Aujourd’hui, les entreprises envoient des réponses automatiques, c’est le minimum du minimum et les candidats apprécient quand même. Nous, on leur conseille d’accompagner davantage. Mais pour le moment aucune entreprise n’ose encore le faire. Je rêve par exemple d’une appli complète (parce qu’il en existe mais elles ne sont que partielles) qui puisse accompagner le candidat depuis l’acte de candidature jusqu’à sa potentielle entrée dans l’entreprise. Avec des conseils de son futur n+1, de ses futurs collègues, des possibilités d’échanger avec eux avant même de les rencontrer, avec des photos, et même des videos du futur environnement de travail. Avoir des conseils entre le 1ᵉʳ et le 2ᵉ entretien. Qui indique les commodités autour de son lieu de travail (crèche, parking, superette, salle de gym) afin qu’il se sente déjà dans l’entreprise avant même qu’il n’arrive.

On lui donne toutes les infos, on est transparent et à lui de s’adapter lors de sa candidature ?

Exactement. Un peu comme le fait Deloitte. Quand vous arrivez au 136, le  QG de Deloitte pour les entretiens de recrutement, vous êtes accueilli et vous n’êtes pas simplement un numéro, vous êtes dans un cocon, une bulle qui vous est dédié, avec la possibilité de lire la presse économique, de regarder la télé. Vous avez des petits boxes pour vous préparer. C’est mettre le candidat dans une ambiance bienveillante et veiller à soigner au mieux cette expérience candidat du début à la fin.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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