Majda Vincent, Ikea France : " Tous nos salariés sont des leaders, peu importe leur statut "

Sylvia Di Pasquale

[Video] La promesse d’Ikea est belle : « Améliorer le quotidien du plus grand nombre d’entre nous. » Et pour ses 10 000 salariés français en particulier, que fait le leader mondial de l’ameublement pour l’ambiance de travail, leur évolution professionnelle ou leur bien-être ? La DRH France, Majda Vincent, répond aux questions sur l’employeur Ikea qui recrutera 3 000 personnes cette année, dont 60 managers.

Interview intégrale ci-dessous. Extraits en vidéo.

 

Ascenseur social

Cadremploi : avant d’être DRH, vous avez dirigé 2 magasins Ikea et un centre d’appels Ikea. Vous êtes donc un pur produit de la promotion interne. Combien de promus avez-vous eu en 2016 ?

Majda Vincent : plus de 90 promotions en 2016 sur les 10 000 salariés IKEA. Cela fait environ 3 ou 4 promotions par entité. Je ne suis donc pas la seule et c’est ce qui caractérise finalement Ikea puisqu’on peut arriver en tant qu’employé et progresser tous les deux ou trois ans, devenir directeur/rice de magasin et ensuite retourner travailler au bureau de service [Ndlr : le siège de l’entreprise], puis repasser en magasin. On dit que c’est bien de rester 3 ans sur un poste pour capitaliser sur les compétences. Ensuite les champs s’ouvrent. Ikea offre des opportunités incroyables et rien qu’en magasin, on peut commencer en vente, passer en relation client, retourner au restaurant, ou faire un métier dans l’aménagement d’intérieur.

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Cela fait 30 ans qu’Ikea existe en France. Pouvez-vous donner quelques exemples de reconversions de salariés ?

MV : Chez Ikea, on ne parle pas de reconversions mais de passerelles et d’opportunités de développement. Une personne peut rentrer en tant que vendeur et avoir un intérêt particulier pour l’aménagement. Avec des formations et un parcours interne, elle peut devenir architecte d’intérieur, agenceur, etc. Autre exemple, le responsable administratif et financier était en restauration avant.

Pas besoin de diplôme pour ce poste ?

MV : Pas forcément. Il peut avoir un diplôme. Mais grâce aux parcours, la valorisation de la prise d’initiatives et le développement des compétences qu’Ikea propose, il peut faire sans.  On recherche des personnes qui veulent se développer et prendre des risques. Et apprendre à apprendre.

Le programme "My leadership"

Y-a-t’il une formation particulière chez Ikea qu’on ne trouve pas ailleurs ?

Oui un programme baptisé « My leadership », trois sessions de deux jours étalées sur six mois. Initialement destiné aux 1200 managers, nous l’avons élargi il y a deux ans à tous nos employés. Nous en avons formé 400 à date.  C’est un programme riche, on y apprend avant tout à mieux se connaitre, mais aussi à revoir les attentes d’ikea en termes de valeurs et de comportement, de communication. On démarre la formation par un 360, c’est-à-dire que chacun est évalué par ses collègues ou par ses pairs.

N’est-ce pas parfois difficile ?

C’est à la fois intéressant car cela permet une remise en question, de façon à mieux interagir avec ses collègues et les clients aussi. Ce programme est un chemin. Ce n’est pas une formation que l’on suit en une seule séance. Elle se déroule sur 6 mois avec des engagements que le manager prend et soi-même aussi. Elle apporte une meilleure connaissance de soi-même, des autres. Le manager aussi fait preuve d’humilité : reconnaître ses faiblesses mais aussi déterminer ses forces et les asseoir pour avancer.

Est-ce que ça leur apprend à répondre aux questions des amis dans les dîners qui ont vu Cash Investigation ?  A propos des bois abattus illégalement dans les forêts et dont le reportage dit qu’ils sont utilisés par Ikea ?

VM : ça ne nous apprend pas à répondre mais en tous cas chez Ikea on communique de manière très claire et transparente avec les collaborateurs : on sait d’où vient le bois. Donc ils sont à même de pouvoir répondre ou de corriger des infos.

Tout le monde est leader

Vous dites « Chez nous, tout le monde est leader et ce n’est pas une question de statut ». Du coup, à quoi ça sert d’être manager si tout le monde est leader ?

Etre leader signifie que n’importe qui peut prendre des initiatives. Ce n’est pas réservé aux managers. Donc pas besoin d’attendre une réponse de son manager, d’autant plus s’il n’est pas là. C’est une incitation à agir, à oser ; Et c’est comme cela que l’on grandit, on prend des risques, on commet des erreurs mais on ne va peut-être pas la refaire. Donc c’est en ce sens que tout le monde peut agir en leader chez Ikea et tout le monde est un leader.

Si les salariés ont le droit de challenger leur manager, n’est-ce pas un peu l’anarchie chez vous ?

Pas du tout. Je pense que si j’ai pu moi-même progresser au sein de l’entreprise, c’est parce que j’ai su challenger et présenté mes points de vue, mes nouvelles idées, proposer des choses et c’est comme cela qu’Ikea fait grandir.

Les salariés de vos magasins sont tous très gentils, très serviables. [Voir Video]. Est-ce un rôle qu’ils jouent ? Leur avez-vous appris à se comporter ainsi ?

On ne leur apprend pas, c’est un état d’esprit. On choisit des personnes qui se retrouvent dans les valeurs Ikea et dans la vision qui est « d’améliorer le quotidien du plus grand nombre ». Donc ils s’efforcent chaque jour de le faire.

C’est ce qu’il me semblait… vous les avez choisis comme ça. Ils ont été fabriqués comme ça…

Ils nous ont choisi et c’est une rencontre (sourires)

Est-ce générationnel de ne plus revendiquer un statut ?

Nous avons 4 générations chez Ikea. On a même des gens de 60 ans : Lorsque j’étais à Dijon, j’ai vécu trois départs à la retraite… On est en France depuis plus de 30 ans et les gens restent… Donc ce n’est pas une question de génération. Ikea continuera à attirer les jeunes comme les plus âgés qui s’épanouissent aussi dans cet environnement.

Entreprise libérée ?

Est-ce que vous diriez que vous faites partie de la « famille » des « entreprises libérées » avec moins de hiérarchie et l’où on cherche à responsabiliser les salariés ?

Chez Ikea on ne cherche pas à copier un modèle. Cet ADN Ikea est basé sur le leadership individuel et la confiance faite chaque collaborateur afin qu’il agisse en leader. Ce n’est pas nouveau, cela date de la création d’Ikea.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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