Michel Akavi, PDG de DHL Express France : "Nos métiers sont devenus sexy grâce au digital"

Sylvia Di Pasquale

DHL Express livre 32 millions de colis par an et détient un tiers du marché français du transport rapide. Solidarité entre collègues, intérêt des métiers, formations systématiques, bons salaires et… organisation d’une coupe d’Europe de foot entre salariés. Michel Akavi, le PDG de DHL Express en France, détaille sa méthode pour concilier rentabilité et salariés bien dans leur peau.

Cadremploi : attendez-vous un record de livraison cette année à Noël ?

Michel Akavi : Oui, comme chaque année, nous nous attendons à un pic à cette période et chaque année nous battons des records. Ce sera environ 10% de livraisons de plus que l’an passé. Chez les particuliers, on passe du simple au double pendant les jours proches de Noël.

Vous livrez 32 millions de colis par an. Combien pour la période de Noël ?

De 15 à 18 000 colis par jour en temps normal, on passe à 30-36 000 aux alentours de Noël

Comment allez-vous absorber ce pic d’activité ?

En recourant à des intérimaires bien sûr. Mais aussi en demandant à une partie de notre personnel non livreur d’être volontaire. On appelle cela l’entraide. Tout le monde s’y met…

C’est l’opération que vous appelez « Tous ensemble ». Tout le monde vient ?

L’an passé, 10% de notre personnel non-livreur a participé. Notamment ceux du siège au Bourget, ceux de notre centre d’appels à Lyon également…

Comment expliquez-vous cette solidarité ?

Par notre culture du client. Chez DHL, c’est dans notre ADN. C’est une philosophie que l’on décline tous les jours, on meurt pour le client, le client est roi… Cela parait naturel d’aider les collègues lorsqu’ils ont une tournée qui double. Et puis cela s’explique sans doute par les amitiés qui se sont nouées entre eux grâce à tous les événements que nous organisons (nous en reparlons plus loin)

Livrer des colis, ce n’est pas aussi excitant que de fabriquer des Airbus. Vous reconnaissez que votre profession n’est pas aussi « sexy ». Mais vous dites qu’elle l’est devenue. Pourquoi ?

C’est vrai, on n’est ni l’aéronautique, ni la cosmétique, ni la mode… Mais nos métiers sont devenus « sexy » grâce à la digitalisation et à l’essor des commandes en ligne. Nous sommes devenus des acteurs à part entière du nouvel écosystème économique : nous facilitons le commerce mondial. Sans transport rapide, pas de business possible. Les Amazon, Google, etc. vendent… et nous livrons le client.  Quand Monoprix conçoit une nouvelle collection textile, ses équipes font 3 ou 4 envois d’échantillons entre la France et la Chine, l’Italie etc. Impossible d’y parvenir sans les envois rapides. Notre métier est incontournable et nécessite de l’ingénierie et de l’ingéniosité pour pouvoir livrer les clients à temps. Le développement de solutions innovantes est en soi intéressant et passionnant. Nous avons de nombreuses séances de créativité pour inventer des moyens de livrer mieux et plus vite en minimisant les erreurs.  

Quelles innovations par exemple ?

Nous nous adaptons aux nouvelles demandes des clients. Nous innovons dans les moyens de livraison du dernier kilomètre. Par exemple, nous livrons depuis mai 2016 dans des consignes automatiques de proximité (les « swipBox) dans lesquelles le client peut venir retirer son colis à l’aide d’un code en bénéficiant des horaires élargis des enseignes partenaires (Franprix et Total). DHL Express prévoit de livrer 100 000 colis chaque année dans ces consignes. Il peut aussi choisir de le retirer dans un des 4400 Relais colis, dont nous sommes désormais partenaire. 83% de la population se situe à moins de 10 minutes d’un Relais Colis en France.

Nous proposons aussi un système de livraison choisie entre 18h et minuit. DHL est le premier intervenant de son secteur à expérimenter, depuis fin juillet et en partenariat avec une start up, une solution de livraison à vélo, entre 18h et minuit pour les particuliers. Nous les appelons au téléphone avant de livrer. Nous envoyons aussi des SMS pour fixer un horaire mais que le client peut modifier s’il ne lui convient pas. C’est interactif. Quelques minutes avant la livraison, il reçoit un texto lui indiquant le délai dans lequel le coursier arrivera, avec un lien lui donnant la possibilité de suivre sa progression en live sur son smartphone.

Nous innovons aussi en matière de robotisation. Les robots ne remplaceront pas des emplois mais faciliteront le travail musculaire. Nos coursiers ont 25-30 ans de maison, une expérience irremplaçable, nous voulons les garder !

[En complément] Expériences DHL avec des robots

Depuis juin 2016, DHL teste dans ses entrepôts en Angleterre, aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, deux robots intelligents et collaboratifs, sur du co-packing, de l’assemblement, du conditionnement, etc. Conçus par la Rethink Robotics, ces deux robots constituent des solutions intelligentes pour aider les équipes des entrepôts et améliorer la productivité. DHL envisage de les déployer afin d’accomplir de nombreuses tachées liées au packaging ou à la tenue d’inventaires, ce qui permettra aux équipes DHL de travailler à des missions à forte valeur ajoutée.

Notre groupe poursuit aussi des expérimentations en matière d’automatisation pour faciliter la vie de nos collaborateurs et diminuer les risques de troubles musculosquelettiques (exosquelettes, véhicules autonomes, drones, réalité augmentée, etc.).

[En complément] Expériences DHL avec de nouvelles technologies

DHL Express a expérimenté un nouvel appareil permettant de soulager le port des colis dans les agences de Montpellier et de Lyon Gerland: le préhenseur à ventouse (par dépression d’air). L’appareil compense jusqu’à 35 Kg. Il suffit alors de guider le colis vers le point de dépose, sans avoir besoin de le soulever. De plus, DHL Express testera prochainement un exosquelette dans ses entrepôts afin de soulager ses collaborateurs. Conçu par la société française Exhauss, il s’agit d’une structure d’assistance à l’effort par mécatronique. Son confort d’utilisation est immédiat et sa collaboration intuitive avec son pilote. DHL poursuit le déploiement de son expérimentation de réalité augmentée via son programme « Vision Picking », mené en partenariat avec Google, Vuzix et Ubimax, aux Pays-Bas, aux USA et au Royaume-Uni. Les préparateurs de commande DHL sont équipés de lunettes à réalité augmentée leur indiquant où placer les objets dans les charriots. Ce qui permet d’accélérer la préparation de commande en mode mains libres, tout en réduisant le nombre d’erreurs.

Nous innovons aussi dans la distribution verte (véhicules électriques, triporteurs,…).

[En complément] Expériences DHL avec un moteur propre

À Lyon, DHL Express France teste une Renault ZE avec prolongateur d’autonomie à hydrogène dans le cadre du projet HyWay.  C’est une première dans le monde : le véhicule expérimenté par DHL Express fait en effet partie d’un vaste projet, soutenu par l’Ademe, impliquant une flotte d’une cinquantaine de voitures testées en Rhône- Alpes. Ce mix énergétique électricité / hydrogène porte l’autonomie du véhicule de 120 à environ 300 km.

DHL vient d’être élu Service client de l’année pour la 4ᵉ année consécutive. Qu’est-ce qu’un candidat peut apprendre de spécifique sur la relation client s’il rejoint DHL ?

D’abord, il faut aimer servir le client. Nous en avons 31000 et nous nous préoccupons de chaque livraison. Le service est désormais organisé par pôles d’expertise afin d’offrir une meilleure réactivité. L’équipe, qui réunit un total de 280 personnes, dont 130 au Bourget et 150 à Lyon, se renforce constamment. Elle traite en moyenne 7200 appels par jour.  Elle a été élue meilleure équipe d’Europe capable de traiter 110 appels/jour/personne vs 85 pour la moyenne européenne. Ils parlent très vite… Ils prennent les commandes mais s’occupent aussi de retrouver un paquet qui n’a pas été livré au bout du monde. Les fonctions « back line » sont en contact avec des collègues de toutes les parties du monde. Ce sont des métiers où il y a beaucoup de mobilité : on change de poste tous les un à deux ans.

Et votre service clients entreprises ?

Sur ses 31 000 clients, DHL Express France compte environ 25 000 PME employant moins de 250 collaborateurs. Des PME qui se portent d’autant mieux qu’elles développent des activités à l’international. Nous sommes partenaire de leur développement à l’international.

Vous avez aussi un service de « cracks » qui gèrent vos clients entreprises importants. Quels sont leurs profils ?

Des diplômés ou pas. Mais ils doivent impérativement maitriser l’anglais car c’est la langue du network. C’est un grade au-dessus, c’est un poste très complexe, ils s’occupent des gros clients, ils ont des envois complexes à organiser vers différents pays, des droits de douanes à gérer. Il faut bien connaitre le client, son activité et savoir s’adapter car ils sont très exigeants.

Autre service névralgique : le service des « opérations » qui compte plus de 1000 salariés. Quels métiers y sont exercés ?

On y trouve de nombreux métiers : 440 démarcheurs-livreurs, 421 agents de quai, 140 superviseurs qui managent en moyenne 10 personnes, et des terminal managers. Auxquels s’ajoutent 245 fonctions supports (215 en agences et 30 au siège. Nous avons également environ 1000 sous-traitants qui portent les couleurs de l’entreprise.

Ce service bénéficie de nombreuses promotions internes. Les meilleurs éléments suivent un programme de formation maison baptisé « Trajectoire Succès ».  Il a été mis en place en 2014 et compte déjà 3 promotions. Résultat :  50% des formés ont bénéficié d’une évolution, soit de démarcheur-livreur à chef de secteur, soit de chef de secteur à terminal managers.

En quoi consiste le métier de directeur d’agence chez DHL ?

C’est comme un directeur général. Il fait en sorte que tous les paquets soient livrés et enlevés à temps, qu’il ne reste plus rien le soir. C’est avant tout une direction d’hommes et de femmes. Et aussi l’application de processus très stricts. C’est une course contre la montre. L’agent est un maillon de toute une chaine mondiale, il y a 7 à 8 étapes avant d’arriver à destination. Ce métier est une bonne école. Passionnant car il y a de l’action. Même si on répète la même chose tous les jours, il n’y a pas un jour qui ressemble à l’autre, il y a toujours des imprévus et des problèmes à régler. Donc il faut beaucoup de bon sens en plus d’aimer les processus.

Combien de recrutements prévoyez-vous en 2017 ?

Plus d’une centaine, cela dépendra du turnover et des départs en retraite. Masi notre turnover est très faible.

Combien de recrutements de cadres en 2017 ?

Au sein du département opérations, nous recrutons plutôt en interne mais il nous arrive aussi de recruter à l’extérieur des expérimentés. A la vente aussi, notre force de vente grandit et nous avons aussi des départs donc nous avons des besoins. Nous recrutons aussi au sein du services clients car c’est un vivier pour le reste de l’entreprise : ils vont ensuite sur des postes en finance, IT, etc.

Comment se situent les salaires de vos cadres par rapport au marché ?

Nous essayons de nous situer un peu au-dessus de la moyenne du marché. Nous nous référons à des études de salaires qui ne nous permettent pas de comparer parfaitement mais elles nous donnent une idée des niveaux.

Vous distribuez également de l’intéressement et de la participation. Quelle part représentent-dans le package salarial des cadres ?

L’intéressement et la participation représente 1 mois de salaire en moyenne.

Vous offrez une formation très particulière qu’ont passé tous les salariés de DHL. C’est une formation standardisée. Laquelle et pourquoi ?

Cette formation est très particulière parce qu’elle est mondiale et existe en 30 langues. Chaque salarié DHL suit ce programme CIS – Certified International Specialist , la même aux quatre coins du monde. Sa particularité :  les formateurs sont formés à l’extérieur puis nous formons nos propres collègues. Moi-même, j’ai été formé et j’ai formé d’autres collègues en France et dans d’autres pays. Cette formation enrichit les connaissances des collaborateurs sur l’évolution de l’environnement économique international, les principes de base du transport international afin que chacun, quel que soit son rôle au sein de l'entreprise, soit à même de conseiller et d’accompagner les entreprises clientes dans leurs échanges internationaux. Il reprend également la stratégie de l’entreprise, l'histoire de DHL, l'esprit pionnier et l’engagement envers le client qui lui ont permis de devenir la société la plus internationale au monde. Pour les managers, c’est le même tronc commun mais avec un module spécifique en plus sur le leadership managérial appelé « CIM (certified International Manager). Nous insistons sur la culture du « feed-back », sur la façon de dire les choses aux salariés dans le respect les uns des autres, c’est très important pour nous.Tout ceci crée des liens très forts entre nous, et diffuse une culture d’entreprise commune qui engendre, motivation, engagement et fierté d’appartenance.

Et de la solidarité entre collègues ?

Oui, comme on le voit lors des périodes de pic d’activité comme Noël où les collègues volontaires viennent aider les livreurs.

Vous élisez l’employé de l’année en France, et dans les autres pays. C’est plutôt une coutume américaine, non ? A quoi ça sert ?

Ça fait partie de notre système de reconnaissance et de récompense pour saluer les performances exceptionnelles, la prise d’initiative, valoriser l’engagement et les comportements exemplaires dont font preuve nos collaborateurs pour satisfaire nos clients : Employee of the Year, Employee of the Quarter, Can Do Awards, …

On célèbre un ‘employé de l’année’ par pays et par continent. Les employés récompensés sont invités à une grande fête et se rencontrent dans des lieux exceptionnels. On sort le grand jeu ! Le dernier s’est tenu à Athènes. Nous choisissons les top hôtels pour eux, nous réservons des suites... Les hôtels auxquels j’ai droit en tant que directeur de pays sont moins bien que ceux de l’employé de l’année…

Est-ce vrai que vous organisez une coupe d’Europe de foot entre salariés de DHL ?

Oui. Nous avons 48 équipes en Europe, dont 2 en France, des équipes de l’aviation et des équipes terre. Des équipes masculines et féminines. L’année passée, nous étions en finale. On a perdu… Il y a des entrainements tout au long de l’année, des sélections de joueurs, des tournois. Et nous avons aussi des supporters.

Jouer au foot est un atout pour le CV ?

Oui c’est bien mais on peut être supporter aussi J

Qu’offrez-vous à un nouvel employé ?

Une petite attention sous forme d’une « welcome box » livrée à son domicile par l’un de nos livreurs. Il reçoit une tablette avec un film retraçant l’histoire de DHL. Pour lui donner un sens d’appartenance à la famille. Oui, on est très famille, avec des valeurs comme la loyauté… Il y a la couleur jaune qu’on retrouve partout sur nos véhicules, nos colis, nos avions, qui nous unit aussi.  Ce sentiment d’appartenance, de fierté d’en être, je l’ai observé dans le monde entier.

Vous avez énormément de concurrents sur ce marché, comme Amazon ou des petites boites qui arrivent. Comment y faire face ?

Sur l’express international mondial, nous sommes seulement 3 concurrents. La concurrence marché par marché existe certes : Amazon par exemple est un de nos clients et veut se lancer dans la livraison car il n’y a pas assez de capacités. Ils grandissent tellement vite qu’aucun de nous n’est suffisant pour absorber sa demande de livraison de colis. La croissance prévue sur les achats en ligne est de 15 à 20%. C’est énorme. Des perspectives de croissance plutôt réjouissantes.

Quelles sont vos perspectives de développement en France ?

Nous fêtons nos 40 ans de présence cette année en France. Sur les 4 prochaines années, d’ici 2020, DHL Express prévoit d’investir environ 200 millions d’euros dans l’Hexagone dans les infrastructures opérationnelles (ouvertures, déménagements, réaménagements de sites), D’ici 2019 / 2020, nous prévoyons notamment d’ouvrir un nouveau mega-hub sur l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, et un nouveau centre de tri sur l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry. Une façon de réaffirmer la place centrale du pays dans le développement européen de DHL.

Sur le site web de DHL Express, vous indiquez votre mail… Ce qui signifie que n’importe qui peut vous écrire. Combien de temps mettez-vous pour répondre à un message ?

Je réponds dans la journée.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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