Philippe Geffroy, président Mazda France : "50 salariés reçoivent un cabriolet pour l'été"

Sylvia Di Pasquale

Pendant tout l’été et pour 6 mois, Mazda France prête à chacun de ses salariés un roadster MX-5 flambant neuf. Qu’ils ont le droit de conduire mais aussi de prêter à leurs proches puisque l’assurance (qui est offerte aussi) le prévoit. Philippe Geffroy, le président de Mazda France, explique ce que ce « geste » révèle de sa face cachée d’employeur.

Extraits video ci-dessus

Interview intégrale ci-dessous

 

Vous avez prêté combien de Roadster MX5 ?

50 alors que nous sommes 53 employés chez Mazda France.

 

Certains salariés n’en ont pas voulu ?

Les 3 qui n’avaient pas de parking adapté…

 

Pourquoi ce prêt ? Qu’en attendez-vous ?

Première bonne raison : l’an passé Mazda a progressé de 40%,  après avoir lancé cinq nouveaux produits. Ce fut une année intense avec une équipe qui a énormément travaillé. Donc nous voulions remercier les employés. Nous sommes dans un environnement automobile avec de beaux produits, tout le monde est intéressé par la voiture. Nous avons un joli petit bijou, le MX5…

 

Mais vous auriez pu donner des primes à la place, comme Renault, même si elles n’étaient pas très généreuses?

Oui ou comme Porsche qui a donné en revanche de très belles primes. Mais nous n’étions pas forcément concurrentiel en termes de prime. On aurait vendu des boulons… ça n’aurait pas eu beaucoup d’intérêt… Mais offrir la possibilité de conduire une voiture dont tout le monde rêve pendant 6 mois et la faire partager à ses relations, cela nous a paru être une idée intéressante. Au début, nous nous sommes même posé la question de savoir si cela serait financièrement possible. Car cette opération a un coût. Mais comme la voiture n’est prêtée que 6 mois, sa valeur n’est pas totalement dépréciée. Nous avons dû retarder cette opération de 9 mois car nous avons d’abord servi les clients qui l’avaient commandée.

 

Est-ce une opération transposable dans d’autres entreprises ?

On peut toujours trouver une solution pour prêter des MX5 à d’autres entreprises bien sûr…

 

Je voulais dire :  est-ce que d’autres entreprises pourraient prêter un de leur produit phare comme vous l’avez fait ?

Bien sûr. Chez nous, les employés aiment la voiture sinon ils ne travailleraient pas chez nous. Nous essayons de faire en sorte qu’ils apprécient les produits. Quand nous faisons des tests de concurrence par exemple, nos employés essaient les voitures de la concurrence. On ne veut pas des personnes qui pensent aveuglément que nos produits sont les meilleurs. Mais qui comprennent pourquoi ils sont excellents.

 

Qu’ils puissent s’engager et non pas seulement adhérer ?

C’est bien cela.

 

Vous dirigez la filiale française du constructeur japonais Mazda basé à Hiroshima, 130 pays, 38 000 employés dans le monde. Que pèse la France pour la maison mère ?

En chiffre d’affaires, nous faisons environ 200 millions d’euros. Et nous représentons 53 salariés sur 38 000. C’est une petite goutte d’eau si on veut résumer les choses. En Europe, la France est techniquement le 4ᵉ marché européen mais Mazda n’est qu’en 7ᵉ position donc un peu en retard. Cela s’explique par des raisons historiques : l’époque des quotas pour les marques japonaises en France ne nous a pas permis de nous développer aussi bien que dans d’autres pays européens qui n’avaient pas de quotas.

 

Mais vous êtes en train de rattraper votre retard ?

Oui. La France est un pays intéressant pour le Japon car c’est un marché stable. Il n’y a pas de fluctuations comme dans les pays émergents par exemple, ou même dans certains pays européens comme l’Angleterre, l’Espagne ou l’Italie qui ont plongé avant de remonter.  Alors que le marché français a baissé légèrement et remonté légèrement. Et Mazda remonte fortement sur ce marché qui remonte légèrement.

 

Qu’y-a-t-il de japonais dans le management de la filiale française ?

Peu de choses à dire vrai. Mazda est une marque japonaise très internationalisée mais qui fait confiance au management local. Mazda a peu de Japonais au niveau opérationnel en Europe. En revanche, ils sont présents dans notre centre R&D européen basé en Allemagne à côté de Frankfort. La permanence d’un esprit est plutôt celui d’un esprit « Mazda ». Je ne vais pas faire une leçon d’histoire, mais c’est une entreprise basée à Hiroshima, qui a appris à renaître de ses cendres. Au sens propre comme au sens figuré. Et nous avons une idée fortement ancrée : « Challenge conventions to make things better »  qui signifie que nous incitons à remettre  en cause les conventions pour faire les choses mieux que les autres.

 

Ce qui revient à penser hors cadre ?

Pas forcément ou alors avec cet objectif de faire mieux que les autres.

 

Concrètement, comment se manifeste cette remise en cause des conventions ?

Nous avons attaqué un problème classique dans l’automobile : les marques travaillaient en silo. Le marketing… les ventes… l’après-vente… les pièces… Parfois ils se parlaient mais chacun travaillait un peu pour soi. Chez Mazda, nous avons pris l’option d’être le plus transversal possible et à titre d’exemple, nous venons « d’éliminer » la fonction marketing en tant que fonction pour que l’intégralité des gens qui travaillent sur le marketing soient directement au contact des opérationnels.

 

Il n’y a donc plus de direction marketing ?

Il y a une fonction communication, qui va de la relation extérieure jusqu’à la pub media, non media, digital. Ils ont vocation à soutenir  l’ensemble de nos partenaires au sein de l’entreprise,  la vente, l’après-vente, le service, la qualité.

 

De quand date cette révolution ?

Elle est toute récente, elle date de début juin.

 

Pourquoi avoir bousculé l’organisation ?

Cela  permet de travailler de façon plus transverse. Aujourd’hui, on se rend compte que toutes nos problématiques nécessitent des groupes de travail  mixtes. Ce sont quasiment des groupes de projet. Toutes les erreurs dans les entreprises sont liées à des erreurs de communication interne. Ou des personnes qui pensaient bien faire sans consulter les autres. En les faisant travailler ensemble en permanence, on espère réussir à créer ce projet qui est une vraie responsabilisation et qui s’approprie les résultats de ce qu’ils sont en train de mettre en œuvre.

 

Le nom Mazda fait référence à un dieu de la sagesse, de l’intelligence et de l’harmonie. C’est un Dieu japonais ?

Non, c’est un Dieu Perse.

 

Mais ce genre de philosophie est-elle compatible avec la recherche du profit ?

Le fondateur de Mazda est allé chercher un dieu Perse. La Perse qui est un peu au milieu du monde ou au milieu de nulle part comme vous voulez…. En tous cas, cela donne une vision équilibrée qui parle aussi bien à l’orient qu’à l’occident. La marque Mazda ne revendique pas intrinsèquement sa japonité. Au contraire, elle a vocation à répondre au besoin des clients de par le monde.

 

Pas de globalisation imposant des manières de fonctionner ?

Au niveau de la marque (du « branding »), on a quand même des cadres très précis dans lesquels nous devons travailler. Pour le reste, nous sommes tout à fait autonomes mais nous ne sommes pas indépendants.

 

Est-ce que d’autres pays ont mis en place le prêt de Roadster ?

Nous avions discuté ce projet au niveau européen mais, pour le moment,  seule la France a réussi à le concrétiser malgré sa  jungle réglementaire

 

La prêt gratuit aux salariés est-il impossible ailleurs ?

Je ne sais pas mais nos homologues n’ont pas réussi à le faire.

 

Parlons recrutements. Sur votre site Web, on ne trouve aucune proposition de poste proposé, ou alors que pour des stages. Or avec vos bons résultats, pensez-vous embaucher à moyen terme ?

En fait, nous avions anticipé les embauches en 2015 car nous anticipions de bons résultats. Aujourd’hui nous continuons à travailler sur un plan de croissance. Il est vraisemblable que nous repartions sur une campagne de recrutement d’ici quelques mois mais en tous cas à court terme, nous n’avons pas de besoins.

 

Ce sera combien ? 5-10 personnes ?

Oui, une dizaine sans doute.

 

Quels profils ?

Des profils très transverses. Nous sommes une petite entreprise donc nous n’avons pas besoin d’hyper-spécialistes qui pourraient être tendance autiste. Au contraire nous avons besoin de gens certes très spécialisés mais capables de communiquer et de travailler avec les autres. C’est fondamental !

 

Quelles spécialités ?

Deux spécialités vont émerger dans nos besoins 1)  des gens de terrain, des « conseillers d’affaires » qui nous représentent auprès de nos concessionnaires. Ils aident à développer le business de la concession dans l’ensemble de ses domaines d’activité. Profils très riches car les personnes doivent avoir des qualités de compréhension du marché et des façons d’y répondre. 2) des personnes  qui se préoccupent du client final. Nous sommes engagés dans un plan stratégique qui a vocation à faire de « l’expérience client Mazda » la référence du secteur automobile.

 

Comme chez BMW… Vous êtes passé par chez eux, non ?

Je ne suis pas passé par chez eux mais j’ai effectivement travaillé avec eux en tant que consultant.

 

Améliorer l’expérience client est le nerf de la guerre pour les constructeurs. Mais de quels profils avez-vous besoin pour cela ?

Avant on avait des profils de gens très centrés sur leur métier. Aujourd’hui, ils sont tournés vers le client. Ce sont des profils capables de trouver le client aussi bien sur le digital, qu’en face à face… Ces profils seront bcp + dans le « contact », dans la relation, peut-être moins techniques mais en tous cas beaucoup  plus aptes à l’échange, la compréhension, la capacité à définir le besoin d’un interlocuteur.

 

Des orfèvres de la relation client, qu’elle soit virtuelle ou réelle ?

Tout à fait.

 

Un bon employeur travaille aussi la formation, le bien être, l’employabilité de ses salariés. Que leur proposez-vous chez Mazda ?

Depuis plus d’un an, nous formons tout le monde à l’expérience client Mazda. Les nouveaux embauchés sont plongés dans des programmes « d’induction » à la fois en France (pendant une semaine, chaque nouvel employé rencontre toutes les personnes de l’entreprise), mais aussi 48h chez Mazda Europe où on lui explique l’historique de l’entreprise et la vision future que nous avons sur les façons de travailler ensemble.

Ensuite, nous définissons un plan de formation individuelle, tous les ans avec chaque salarié et son patron direct.

 

A la fin des 6 mois de prêt du roadster, les salariés auront le droit d l’acheter avec quelle réduction s’ils le souhaitent ?

De l’ordre de 25 à 30%

 

Propos recueillis par Sylvia Di Pasquale

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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