Tonie Marshall, réalisatrice de Numéro une : "Il faut des réseaux mixtes, pas uniquement féminins"

Sylvia Di Pasquale

La réalisatrice Tonie Marshall débat avec le DRH Laurent Choain sur les ravages de la misogynie bienveillante dans les entreprises françaises. Et l'utilité des réseaux à condition qu'ils soient mixtes. Son film, Numéro Une, est actuellement dans les salles.

Vous avez fait deux ans d’enquête sur les top dirigeants pour préparer le film Numéro Une, actuellement dans les salles ?

Tonie Marshall : Oui, j’ai rencontré une dizaine de femmes qui avaient eu des postes très importants et 5 ou 6 hommes. Certains ne voyaient pas très bien de quoi je parlais. Ils sont extrêmement gentils. Ils sont sincèrement persuadés qu’il n’y a pas de femmes à mettre à ces postes à responsabilités, qu’on les cherche mais qu’on ne les trouve pas.

Pourquoi avoir choisi ce sujet ?

TM : parce que c’était un terrain vierge. Aucune femme n’est PDG d’un groupe du CAC 40. Je crois que cela s’applique à toutes les entreprises, petites, moyennes et grandes, je le constate en voyageant avec le film. 

Pourquoi cette idée de nommer une femme à ce poste ?

TM : le PDG est malade et n’a pas le temps de mettre en place la succession. Alors que d’ordinaire, comme ce sont des organisations masculines - ce n’est pas une critique - , ils se nomment entre eux. Il y a quelque chose de l’ordre de la filiation, comme dans la monarchie. Or pour une fois, la maladie arrive et personne n’est préparé.

Laurent choain, êtes-vous un DRH féministe ?

Laurent Choain : ce n’est pas comme cela que je me qualifierais. Ce qui est important, c’est d’être humaniste. Ce n’est pas un combat féministe mais un combat humaniste qu’on mène quand on essaie de promouvoir un peu plus de mixité dans des environnements qui ne sont pas faits pour ça.

Mais quand même, vouloir promouvoir des femmes, leur liberté et leur image, ce n’est pas du féminisme selon vous ?

LC : je ne suis pas contre cette définition mais ce n’est pas celle que je revendique. J’essaie de rester dans une position de « marginal sécant », de ne pas me retrouver au centre de combats qui invaliderait ma propre position.

Tonie Marshall, diriez-vous que vous avez fait un film féministe ?

TM : Probablement. Mais je suis tellement d’accord avec ce que dit Laurent Choain. Ce n’est pas tant qu’il faut être féministe. Il faut prendre conscience que c’est ce qui doit petit à petit advenir. Donc c’est plus une question d’intelligence qu’une question de féminisme. Se battre contre quelque chose qui est culturel, ancien, intégré et qui relève de réflexes. Certains hommes résistent de façon frontale et dure, mais d’autres peuvent s’éveiller et ouvrir la porte de leur entreprise à des femmes. C’est profitable pour les entreprises, ce n’est pas seulement laisser de la place pour en avoir un peu moins. Je crois qu’il n’y a pas les mêmes réflexes de management entre hommes et femmes et c’est intéressant.

Un réseau de femmes comme celui du film, est-ce réaliste ?

TM : un groupe de cette puissance-là n’existe pas. Et je ne sais pas si c’est souhaitable d’ailleurs, il faut des réseaux mixtes, pas uniquement féminins.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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