
Cadremploi : Alors comme ça, A-Volute s’amuse à tromper notre cerveau quand nous écoutons de la musique ou des sons ?
Tuyen Pham : « Oui. Notre logiciel lui fait croire qu’il entend du son 3D alors qu’il est en stéréo. Notre algorithme de traitement de signal corrige le son en temps réel de n’importe quel type de matériel sans haut-parleurs supplémentaires : ordinateur, casque de gamer, smartphone ou tablette. Résultat : vous êtes littéralement immergé dans le son.
Quelle différence avec les standards Dolby ou DTS très présents au cinéma ?
Avec ces standards, il faut plusieurs haut-parleurs pour entendre du son 3D. Avec notre logiciel, un seul suffit.
Développez-vous d’autres technologies ?
Oui, autour du son directionnel. Nous avons conçu une enceinte qui diffuse un faisceau acoustique ciblé : c’est assez magique car le son est audible par la personne qui passe juste devant, sans déranger les autres. Ce n’est donc pas seulement une innovation logicielle mais aussi matérielle.
Combien de salariés travaillent chez A-Volute aujourd’hui ?
Nous sommes 36, dont 7 à l’étranger. Nous avons commencé avec trois stagiaires, dont un ingénieur qui s’est spécialisé sur la psycho-acoustique. Il a fait sa thèse sur ce sujet (en collaboration avec un laboratoire du CNRS) et est devenu un expert mondial. Nous l’avons bien sûr embauché depuis. Comme les deux autres développeurs logiciels qui sont devenus des pointures mondiales. Ça a été un travail d’équipe dès le départ. Nous les avons formés car il existe très peu de formations au son en France. C’est pour cela que nous avons misé sur la jeunesse.
Prévoyez-vous encore des embauches ?
Oui, nous avions prévu d’embaucher un nouveau collaborateur tous les mois pendant deux ans. En fait, nous allons dépasser cet objectif : nous avons embauché 8 personnes en 6 mois et continuons à embaucher cette année et l’an prochain.
Quels profils recherchez-vous ?
Nous recherchons trois types de profils :
- des développeurs C++ : malheureusement, ils sont rares en France. De guerre lasse, nous avons fini par recruter à Singapour. Nous avons débauché des ingénieurs déjà formés, qui savaient intégrer des algorithmes audio. Cet été, nous avons réussi à embaucher 3 développeurs (deux juniors et un sénior). La notoriété commence à faire son effet. Nous avons même des candidatures spontanées.
- des testeurs logiciels : ce sont également des profils plutôt rares car il n’y a pas de formation de testeur logiciels en France. Leur rôle est déterminant : ils doivent garantir la qualité irréprochable de nos logiciels que nous installons par millions. Je viens de visiter un centre de formation au Vietnam où les ingénieurs sont spécifiquement formés aux tests logiciels. C’est un vrai métier. Nous n’excluons pas, là encore, de recruter à l’étranger.
- des chargés de produit : ils font le lien entre les équipes techniques et le client. Ils gèrent le cahier des charges, les retours techniques, les bugs, etc. En méthodologie agile, ce sont des personnes très importantes dans l’organisation.
En revanche, nous n’avons pas de besoins en marketing, expert vidéo ou community management car nous venons de recruter des candidats. Nous avons eu beaucoup moins de mal à attirer ces profils.
Réussissez-vous à recruter des ingénieurs femmes ?
Non, pas autant que nous le souhaiterions. Elles sont rares dans ces métiers. Nous avons 8 salariés femmes aujourd’hui.
Pensez-vous être une entreprise où il fait bon travailler ?
Je suis très attaché au bien-être des salariés. En 11 ans, le peu de départs que nous avons eus étaient le fait de collaborateurs partis pour créer leur boîte. Nos savoir-faire sont rares donc je fais tout pour les garder. Chez nous, c’est l’humain d’abord. Beaucoup de start-up le disent mais chez nous, c’est vrai. Nos locaux sont super sympas. On a une belle cuisine, des cloisons en verre sur lesquelles on écrit, une grande terrasse, un barbecue…et un baby-foot comme tous les autres. Mais nous avons aussi 2 salles de sieste et je donne gratuitement des cours de sport le mercredi midi à nos salariés et à ceux des entreprises alentour. C’est moi qui les entraîne : 45 minutes de cours de remise en forme…
Quels sont les profils que vous cherchez à attirer ?
En toute modestie, nos recrutements nous ressemblent. Nous choisissons des gens qui peuvent faire partie de la famille. Comme on commence à grossir, c’est encore plus important. Je ne clone surtout pas les gens, je ne prends pas ceux qui ont le même profil que le mien ou que celui des collaborateurs en place. Je choisis des personnalités qui se complètent car si on se ressemble tous, on risque de tous faire les mêmes erreurs. Certains embauchés ont mis du temps à se faire accepter et maintenant ce sont des piliers dans la société. Mais ce sont mes convictions et je me bats là-dessus.
Quelles sont vos méthodes de recrutement ?
Nous faisons pas mal de pré-entretiens par Skype. En vidéo, car il est important de voir aussi le langage corporel du candidat. Les candidats ingénieurs passent, en plus des entretiens, des tests techniques. Mais je tiens à être présent 5 minutes par candidat à la fin de l’entretien pour juger l’humain. Avant je faisais des tests psychologiques poussés, maintenant j’arrive à sentir la personnalité assez vite, en deux ou trois questions.
Quelles questions leur posez-vous ?
Uniquement des questions sur leurs passions. Ça désarçonne pas mal les candidats. Je me fiche complètement du reste. C’est leur passion et la façon de la pratiquer qui m’intéresse. Les gens qui réussissent à se passionner pour quelque chose pourront se passionner pour leur boulot. Peu importe le sujet, je suis très ouvert. Tout est dans la façon dont la personne se justifie. Chez nous, on a beaucoup de musiciens évidemment, de passionnés de jeux vidéo, de sport, de course à pied, de natation, etc. Ce qui m’importe, c’est qu’ils aient essayé de se dépasser eux-mêmes dans leur passion.
Est-ce que vous répondez à tous les candidats ?
Pour les stages non, mais pour les embauches oui.
Être implanté à Roubaix n’est-il pas un frein pour embaucher ?
Je dois reconnaître que le Nord ne vend pas du rêve. Sauf pour ceux qui y vivent déjà. Mais on y arrive. D’un point de vue de patron, le Nord, c’est pas mal [Ndlr : il sourit] : comme il n’y a pas de plage, pas de montagne, les gens n’ont rien d’autre à faire que de travailler…
Et comment sont vos salaires ?
Pendant très longtemps, on était en dessous du marché local. Aujourd’hui, nous sommes au-dessus. D’ailleurs les autres start-up s’en plaignent. En réalité, les candidats ne se décident pas sur les salaires. C’est quand ils viennent dans nos locaux, qu’ils se décident, en sentant l’ambiance de travail. Si la mission leur plaît, le salaire est secondaire. Parmi nos avantages, nous avons aussi une très bonne mutuelle. Nous sommes aussi flexibles sur le temps de travail : si quelqu’un a besoin d’une demi-journée pour assister ou donner un concert, c’est cadeau. Nous fêtons aussi tous les anniversaires.
Avez-vous ouvert votre capital aux salariés ?
Oui, nous l’avons fait assez tôt, mais à hauteur de moins d’1 % du capital. Notre capital est de 2 millions, mais est valorisé à beaucoup plus. Nous allons surtout mettre en place des plans de stock-options.
Comment voyez-vous l’avenir d’A-Volute ?
Sur le marché audio, on ne peut pas rester petit. Nous sommes obligés de grossir rapidement pour exister. Cette année, nous allons atteindre un chiffre d’affaires de 3 millions de dollars. Nous pouvons atteindre les 10-15 millions assez rapidement, puis viser les 100 millions. Nous ne savons pas encore quelle forme prendra notre croissance – interne ou en nous adossant à un partenaire. Mais nous voulons garder notre culture technique très humaine. Basée sur des valeurs que nous venons tout juste de reformuler pour les rendre compatibles avec notre croissance : la confiance dans les salariés et dans l’équipe, la capacité donnée à chacun de se dépasser. On a mis des process en place pour aller plus vite.
Savez-vous ce que vos salariés attendent de vous ?
On leur a posé la question. En fait, j’étais assez surpris par leurs réponses. Je suis un peu la figure paternaliste, un peu trop d’ailleurs. Les gens s’inquiètent par exemple que je sois de moins en moins présent. Ce qui est normal puisque nous développons des filiales à l’étranger. Ce qu’ils attendent, c’est que je donne la stratégie à long terme afin que l’on se structure et que l’on s’organise en conséquence. C’est pour cette raison que je leur fais assez souvent des présentations pour leur expliquer où nous allons. Un peu comme un capitaine de vaisseau.
Propos recueillis par Sylvia Di Pasquale
Le CV de A-Volute Date de naissance : 2004 Activité professionnelle : éditeur de logiciels de son 3D Principale marque : Nahimic Lieu de naissance : Roubaix, parc d’activités dédiées à l’image et au son dénommé La Plaine images Nombre de salariés en octobre 2015 : 36 (dont 7 à l’étranger) CA 2015 : 3 millions $ Les créateurs/dirigeants : Tuyen Pham et Ambroise Rech (diplômés de l’École centrale de Lille) Récompenses : - Prix RMC "PME-Bougeons-nous" 2015 dans la catégorie PME innovante. - Prix Deloitte Technology Fast 50 2011, catégorie Coup de cœur |
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.